Aujourd’hui, on se demande ce qu’est le nucléaire.
Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 25 avril 2023.
Il y a 37 ans, le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl explosait au cours d’un test de sûreté. En 2011, une deuxième catastrophe nucléaire touchait Fukushima, au Japon, après un tsunami. Avec ses 58 réacteurs en fonctionnement, la France est le pays le plus nucléarisé au monde. Mais doit-on avoir peur d’un accident nucléaire sur notre sol ?
Dans cette newsletter, vous allez découvrir ce qu’est le nucléaire, si c’est vraiment écologique, et quelles seraient les conséquences d’un accident en Nouvelle-Aquitaine.
Le coup de loupe
C’est quoi, une centrale nucléaire ?
En France, 77 % de l’électricité que l’on consomme provient du nucléaire. Au total, on compte 18 centrales nucléaires, dont deux en Nouvelle-Aquitaine : la centrale de Blaye et celle de Civaux, en Haute-Vienne.
Avant de vous permettre de charger un téléphone, allumer la lumière ou utiliser votre réfrigérateur, l’énergie doit être créée. Et si vous habitez en Nouvelle-Aquitaine, il y a de grandes chances que cela se passe dans la centrale du Blayais.
Une centrale nucléaire est composée de plusieurs réacteurs (entre 2 et 4). À l’intérieur du réacteur se trouve une sorte de grosse bouilloire, appelée cuve, dans laquelle une réaction se répète : la fission nucléaire. Cette réaction est le résultat d’une rencontre entre des atomes (molécule qui nous entoure) et l’uranium, un combustible radioactif en forme de crayon de quatre mètres. Au contact des atomes, l’uranium éclate en plusieurs morceaux. Chaque morceau va éclater à nouveau au contact d’autres atomes : c’est ce qu’on appelle une réaction en chaîne. Toutes ces explosions vont libérer énormément de chaleur et vont chauffer l’eau de la cuve, jusqu’à atteindre une température de 300 degrés. Cette chaleur se transforme en vapeur d’une force gigantesque qui va faire tourner des turbines. Elles activent alors un générateur qui va lui produire de l’électricité.
Est-ce que c’est écolo ?
Oui et non. Si l’énergie nucléaire a longtemps été considérée comme propre, c’est parce qu’elle émet très peu de CO₂ par rapport au charbon, au gaz ou au pétrole. Pour 1 kwh produit, une centrale produit 12 grammes de CO₂, contre 490 pour une centrale à gaz ou 820 pour une usine à charbon.
Là où ça coince, c’est vis-à-vis de sa consommation d’eau, nécessaire afin de refroidir les réacteurs. Les centrales sont donc installées en bord de rivière ou de fleuve, mais avec l’accumulation de sécheresse et de canicules, les réacteurs doivent régulièrement être mis à l’arrêt l’été. Et si pas de réacteurs… pas d’électricité. Le refroidissement des centrales est la deuxième activité la plus consommatrice d’eau (31%), derrière l’agriculture (45%). Autrement dit, sur dix litres d’eau consommée, trois sont utilisés par les centrales.
Ensuite, lorsqu’on parle d’empreinte écologique, il n’est pas seulement question de CO₂, mais aussi de déchets. Rien qu’en 2020, les centrales nucléaires françaises ont produit l’équivalent de 10 piscines olympiques de déchets radioactifs. La majorité de ces déchets vont mettre environ 300 ans pour ne plus être radioactifs, mais une partie d’entre eux le resteront pendant des centaines de milliers d’années. Pour l’instant, il est impossible de recycler ces déchets. Alors la solution de l’ANDRA pour est d’enterrer près de 10 % des déchets très profondément dans le sol à des endroits. Un peu comme si chaque fois qu’on rangeait notre chambre, on enfouissait toutes les saletés sous notre lit. En France, c’est le projet Cigéo qui s’occupe de les enterrer. Mais cette méthode d’enfouissement pose une question : comment prévenir les potentiel·les humain·es présent·es dans des dizaines de milliers d’années qu’il ne faut pas creuser ici ?
C’est dangereux, le nucléaire ?
Les accidents nucléaires de Fukushima au Japon et Tchernobyl en URSS ont entraîné des rejets radioactifs très nocifs pour la santé des habitant·es. Le danger du nucléaire vient directement des réacteurs, là où l’uranium et les atomes sont en contact. Les rayonnements provoqués par la division d’atomes sont radioactifs et peuvent tuer un humain en quelques secondes. À Tchernobyl par exemple, une trentaine de personnes sont mortes sur le coup. Et on estime entre 4 000 et 60 000 victimes à long terme.
C’est pour cette raison que les réacteurs sont enfermés dans des enceintes en acier de près d’un mètre d’épaisseur. Le problème, c’est que cette barrière peut céder. Des catastrophes imprévisibles, comme la montée des eaux, rendent les centrales dangereuses, puisque la plupart d’entre elles sont construites en bord de mer. Le niveau de la mer, qui continue de monter, augmente les risques d’inondations, et menace ainsi la sécurité des centrales. C’est ce qui s’est produit en 1999 à Blaye, lors de la tempête qui a touché toute la Gironde (on vous en parle plus bas).
Enfin, la France est le pays possédant le plus de réacteurs au monde (58 en fonctionnement). Et en cas de guerre ou d’attaque terroriste, une centrale nucléaire devient une cible facile. Une explosion de centrale nucléaire rendrait la zone totalement inhabitable, comme c’est le cas à Fukushima. Sachant qu’en France, 66% de la population vit à moins de 75 kilomètres d’un réacteur nucléaire.
Le sachiez-tu ?
C’est la part d’énergie nucléaire française produite par la Nouvelle-Aquitaine.
C’est arrivé près de chez nous
« Tchernoblaye », une catastrophe évitée ?
Décembre 1999. La tempête Martin frappe le Sud-Ouest de la France. Dans la nuit du 26 au 27 décembre, les vents se déchaînent, entraînant une crue inédite de la Garonne. Une vague de trois mètres déferle par-dessus la digue de la centrale nucléaire du Blayais, à 40 kilomètres de Bordeaux, et inonde les réacteurs n°1 et 2.
La montée des eaux a aussi endommagé plusieurs dispositifs de sûreté nécessaires en cas d’accident. Au petit matin, la situation devient vraiment critique : l’eau engorge les pompes qui prélèvent l’eau de l’estuaire. La moitié des pompes qui servent à refroidir les réacteurs tombent en panne. Pendant une durée inconnue du grand public, le refroidissement d’au moins deux réacteurs a été fortement compromis.
« On a frôlé un Fukushima »
« On ne connaîtra jamais la vérité exacte sur les événements », regrette Stéphane Lhomme, fondateur de l’Observatoire du nucléaire, une association de surveillance de l’industrie nucléaire. Figure de l’anti-nucléaire girondin, il est également à l’origine de Tchernoblaye, une association créée quelques jours avant l’incident de la centrale du Blayais. « Le cœur des réacteurs aurait pu partir en fusion. À ce moment-là, on a frôlé un Fukushima, 12 ans avant. »
En 2011, le tsunami ayant touché le Japon a causé une perte de refroidissement, entraînant une fusion des cœurs de trois réacteurs, et des rejets radioactifs dans l’environnement. Si aucune étude scientifique n’existe encore sur un potentiel développement de cancer dans les zones touchées, la contamination radioactive est toujours forte et plusieurs villes proches de Fukushima demeurent inhabitables, plus de dix ans après la catastrophe.
Heureusement, en Gironde, nous n’en sommes pas là. Mais Tchernoblaye continue de se battre pour la fermeture de la centrale, que Stéphane Lhomme voit comme « une épée Damoclès au-dessus de la tête ». Et pour cause : avec le réchauffement climatique et la montée des eaux, le risque d’une nouvelle inondation de la centrale pèse toujours sur Blaye.
Pour aller plus loin
🎧 « Tcherno-Blaye » : une centrale les pieds dans l’eau. Affaires sensibles est revenu sur l’inondation de la centrale girondine qui aurait pu conduire au pire.
⛔ Les réacteurs de la discorde. La centrale de Blaye devrait se doter de nouveaux réacteurs nucléaires. Mais le Sénat ne l’entend pas de cette oreille, et veut interdire l’installation de nouveaux EPR dans une zone « ayant subi des inondations ou des submersions marines ».
☢️ Guide de survie nucléaire. Que faut-il faire en cas d’accident nucléaire grave ? Découvrez comment l’État et le Blayais se préparent à la catastrophe.
Tour d’horizon
🇩🇪 Il y a quelques jours, l’Allemagne a fermé ses trois dernières centrales nucléaires. Cette vidéo de Loopsider décrypte les enjeux de cette transition.
🦾 Se prendre des radiations, ça fait quoi sur notre corps ? Est-ce qu’un troisième bras va nous pousser sur la hanche ? Cette vidéo de Poisson Fécond vous raconte tout.
💣 Quel est le lien entre féminisme et lutte contre le nucléaire ? Embarquez avec les “sorcières, vénères et anti-nucléaires” à bord du podcast La Terre au carré.
🏭 Peut-on avoir confiance dans le nucléaire civil ? Un accident à Fukushima est-il possible en Gironde ? Cette enquête de Revue Far Ouest répondra à toutes vos angoisses.
– Cette newsletter a été conçue par Ana Hadj-Rabah, Amandine Sanial, et Margaux Pantobe.