Numéro 37
6 minutes de lecture
Lundi 27 mai 2024
par LA RÉDACTION
LA RÉDACTION
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Aujourd’hui, on parle de contraception masculine.
Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 14 mai 2024.

En mars dernier, la France a été le premier pays au monde à inscrire explicitement l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans sa Constitution. Mais quid de la contraception ? Et surtout de la contraception masculine. À la rédaction, on s’est demandé où on en était et on a cherché à comprendre pourquoi celle-ci était encore peu développée.

Dans cette newsletter, vous apprendrez les différentes contraceptions masculines, vous comprendrez pourquoi celles-ci sont peu représentées et vous découvrirez le parcours du combattant pour les homologuer.

Le coup de loupe

Depuis quand parle-t-on de contraception masculine?

La contraception, c’est l’une des plus grandes avancées médicales et sociales du XXe siècle. Mais une avancée qui semble être une affaire de femmes. Et pourtant, ça aurait pu ne pas être le cas… Dans les années 1950, lorsque le scientifique américain Gregory Pincus invente avec l’aide de militantes féministes, une pilule contraceptive féminine, une version masculine est aussi pensée. Mais elle est très rapidement abandonnée. La raison : «Le plus gros obstacle pour les scientifiques était l’attitude des hommes en général. Ils avaient peur qu’une pilule contraceptive interfère avec leur libido, ce qui n’était pas acceptable», explique le médecin.

Dans les années 1970, une méthode avec des injections de testostérone est mise en place, mais elle cause des effets secondaires qui la rendent impopulaire auprès des hommes : prise de poids, baisse de la libido, troubles de l’humeur… Bref, les mêmes effets secondaires que la contraception hormonale féminine.

Quelles sont les options qui existent aujourd’hui?

Aujourd’hui, en France, seulement deux méthodes de contraception masculine sont reconnues par la Haute Autorité de santé (HAS). Le port du préservatif masculin et la vasectomie, une opération consistant à sectionner les canaux déférents, reliant les testicules à la prostate, pour empêcher le passage de spermatozoïdes. Cette contraception autorisée depuis 2001 est considérée comme définitive, bien qu’une opération restauratrice soit possible, mais avec des résultats aléatoires.

Selon une étude menée par l’Assurance maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), cette dernière a vu son nombre d’interventions multiplié par 15 entre 2010 et 2022, passant de 1 940 à 30 288. Même si cette évolution semble importante, le phénomène reste marginal puisqu’il représente 0,15 % des Français.

D’autres méthodes contraceptives existent, mais ne sont ni reconnues par l’OMS, ni par les autorités de santé en France. C’est par exemple le cas de la méthode thermique. Depuis les années 1980, une équipe de médecins toulousains travaillent sur ce principe : en remontant les testicules, leur température augmente de quelques degrés grâce à la chaleur corporelle et va ainsi mettre la production de spermatozoïdes en sommeil. Plusieurs techniques utilisant ce principe existent comme le slip chauffant, le jockstrap ou l’anneau thermique Andro-Switch, conçu par le bordelais Maxime Labrit.

Pourquoi la contraception masculine peine tant à se développer?

La contraception masculine se développe difficilement, et de nombreux facteurs semblent être responsables. Tout d’abord, les laboratoires peinent à investir. Pour Maxime Labrit, « le problème pour les pharmaceutiques, c’est qu’avec une technique comme l’anneau, ils ne gagnent pas assez d’argent. C’est une méthode qui coûte peu cher à la personne et à la société. »

Dans une tribune de Libération portée par un collectif d’associations dont le Planning familial ou GARCON (groupe d’action et de recherche pour la contraception masculine), l’idée qu’il n’y ait pas de volonté politique à promouvoir la contraception masculine est également abordée. « Quand les institutions font correctement leur travail, on observe qu’un homme sur cinq y a recours [à la vasectomie] ».

En plus de tout cela s’ajoute un tabou tenace : « Il y a encore de nombreux freins virilistes. Pour plein de mecs, porter atteinte à leur fertilité revient à mettre en cause leur masculinité », explique Guillaume Daudin, auteur de la BD « Les Contraceptés ». 

Le sachiez-tu?

C’est le nombre de personnes qui se sont mises à l’anneau thermique bordelais Andro-Switch depuis le début de sa commercialisation en 2020.

Du côté de chez nous 

L’histoire de l’anneau thermique inventé par Maxime Labrit est finalement le parfait exemple de ce qu’à l’habitude de subir la contraception masculine. Un parcours du combattant.

Pour le Bordelais, tout débute en 2017. Ancien infirmier, il se retrouve dans une impasse contraceptive avec sa compagne. C’est comme ça qu’il se renseigne sur la contraception masculine et se rend compte de sa pauvreté. Aucune des techniques proposées ne lui convient, alors il décide de créer sa « solution ». « Je me renseignais sur la contraception thermique, et en étant dans le milieu médical, je me suis dit mais est-ce qu’un simple anneau ne pourrait pas le faire ? C’est comme ça que j’ai atterri dans un magasin de bricolage, pour acheter des joints et imaginer le concept. »

Seul face aux professionnels de santé   

Pendant trois ans, il se lance dans une phase intense de recherche et développement. Aidé par des ingénieurs, il s’intéresse au design, au biomimétisme, identifie les formes et les structures qui pourraient convenir à cette partie du corps. En parallèle, il se renseigne pour vendre son anneau comme un dispositif médical, « et c’est là que je me suis rendu compte à quel point c’était long, compliqué, cher, et tout simplement impossible de faire ça quand on est un individu isolé », confie-t-il. Lorsqu’ils se tournent vers des professionnels de santé, « ils rigolent. Pourquoi faire une expérience clinique sur la contraception masculine ? me disaient-ils. C’est un problème réglé. »

Maxime ne se démonte pas. Il transforme le garage de ses parents à Saint-Médard-en-Jalles en un laboratoire, et fabrique son anneau thermique en petite quantité.

Celui-ci commence à être commercialisé en 2020 par son entreprise Thorème. L’idée est simple : en enfilant l’anneau au niveau de la verge et du scrotum vide, les testicules remontent à hauteur du pubis. À cet endroit, ils ne peuvent pas réguler leur température et se retrouvent donc à la même température que le corps. « J’ai pas inventé la contraception thermique, mais un outil qui permet de l’utiliser », insiste-t-il. Avant d’utiliser l’anneau, Maxime Labrit conseille « d’aller voir un médecin pour voir si on est apte à ce type de contraception « . L’effet de l’anneau n’est pas immédiat. Il faut le mettre 15 heures par jour pendant trois mois, pour arriver à un effet contraceptif. Puis, une fois cet effet atteint, il faut effectuer des spermogrammes tous les trimestres, pour vérifier son efficacité.

Vite rattrapé par l’ANSM

Rapidement, l’anneau suscite un vif intérêt auprès des consommateurs, mais aussi des médias. Une cote qui lui cause des soucis. Suite à l’emballement médiatique, les instances sanitaires françaises s’intéressent à ce dispositif qui n’a été ni validé par un essai clinique ni mis aux normes européennes. Ainsi, en décembre 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) interdit la commercialisation de l’anneau jusqu’à ce qu’il soit mis aux normes. Leurs arguments ? Un risque de grossesse non désirée, « d’éventuelles atteintes à la santé des utilisateurs, en particulier ceux qui présenteraient des facteurs d’hypofertilité » ou encore « des problèmes de santé aux enfants qui auraient été conçus avec ce dispositif de contraception ou au cours des 6 mois suivants son arrêt ». 

Problème : pour obtenir cette fameuse certification européenne, le créateur doit réunir 1 million d’euros et réaliser des études cliniques longues, qui demandent près de cinq ans.

« Une goutte d’eau dans le marché de la contraception, mais une mission impossible pour une personne isolée », assure le créateur de l’Andro-Switch.

Aujourd’hui, il est épaulé par Entrelac, une coopérative d’intérêt collectif fondée en 2022 qui donne un coup de pouce à la société bordelaise Thorème pour qu’elle obtienne la certification. Elle a notamment obtenu une aide de 300 000 dollars de la part du fonds américain Male contraceptive initiative.

Malgré ça, l’avenir de cet anneau demeure incertain. Mais son créateur garde espoir et souhaite authentifier le produit d’ici 2028, ce qui lui permettrait de le vendre en pharmacie et d’être remboursé par le système de santé.

Pour aller plus loin

🤫 Le scandale de la contraception masculine. Dans cette vidéo, Salomé Saqué interroge deux journalistes qui ont décidé de comprendre le tabou autour de la contraception masculine, de remonter le fil de l’histoire, et surtout, de tester eux-mêmes une option existante.

🙅‍♀️ Les femmes hésitent à laisser les hommes prendre la main. Si certaines voient d’un bon œil le partage de la charge mentale liée à la contraception, d’autres refusent de déléguer le contrôle de leur fertilité aux hommes.

⚖️ Contraception masculine : au tour des hommes. Dans cet épisode du podcast Les Couilles sur la table, Cécile Ventola, autrice d’une thèse qui compare la contraception masculine dans les systèmes de santé en France et en Angleterre, répond à de nombreuses questions sur la contraception masculine.

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