Numéro 34
5 minutes de lecture
Lundi 18 mars 2024
par LA RÉDACTION
LA RÉDACTION
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Aujourd’hui, on parle d’hébergement d’urgence (dans un bateau).
Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 19 mars 2024.

Jeudi 15 février, Pierre Hurmic et quatre autres maires écologistes et socialistes ont attaqué l’État en justice pour son inefficacité à héberger les sans-abri dans leurs villes. Ils demandent un remboursement d’une partie de leurs dépenses liées à l’hébergement d’urgence.

Dans cette newsletter, vous comprendrez ce qu’est un hébergement d’urgence, quel est le profil des bénéficiaires et ce que la loi immigration change pour eux. Vous découvrirez aussi comment il est possible de transformer un bateau en centre d’accueil.

Le coup de loupe

Un hébergement d’urgence c’est quoi ?

L’hébergement d’urgence est une solution de relogement temporaire destinée aux personnes sans domicile fixe ou obligées de quitter leur domicile de façon précipitée. Souvent, ces personnes sont dans des situations de détresse sociale, psychique ou médicale.

Ce type d’hébergement est provisoire : en Gironde, par exemple, les séjours n’excèdent jamais plus de 15 jours. Il se présente dans l’attente d’une solution de logement durable et adaptée. Il n’y a pas de bail, de titre d’occupation ni de versement de loyer, mais une participation financière peut parfois être demandée. L’un des principes fondamentaux de ce type d’accueil, c’est son caractère « inconditionnel », c’est-à-dire que ce droit s’étend aux personnes étrangères également.

Pour pouvoir accéder aux hébergements d’urgences, c’est par le 115, aussi connu sous le nom de SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation), que les personnes doivent passer. Ce service recense toutes les demandes des sans-abri et les réoriente vers les places disponibles dans leur département. Fin décembre 2023, la France comptait 200 000 places d’hébergement d’urgence dont 2 160 en Gironde.

Quelles sont les personnes qui y ont recours ?

Ces dernières années, la sociologie des personnes accueillies en hébergement d’urgence s’est transformée. L’image de la personne marginale n’est plus d’actualité. De plus en plus, les personnes accueillies sont des enfants, des femmes et des personnes migrantes ou réfugiées. Souvenons-nous de ce chiffre publié en décembre 2023 : chaque nuit, 3 000 enfants dorment dans la rue en France.

Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé Pierre, expliquait sur France Culture que ce changement est dû « à la crise du logement de plus en plus forte que l’on connaît, notamment la pénurie des logements sociaux. Ceux qui en profitent habituellement sont les familles et lorsqu’on n’en a plus, ce sont eux qu’on retrouve à la rue. »

Concernant les personnes migrantes, le directeur estime que depuis 2015, le flux migratoire a augmenté et a engendré une tension au niveau des hébergements. Il constate également : « Une crise de l’hospitalité, de l’accueil. Ces personnes migrantes sont de moins en moins accueillies, acceptées, alors lorsqu’elles font des demandes d’asiles, on les retrouve davantage à la rue ou en hébergement d’urgence ».

Ce droit fondamental est-il menacé par la loi immigration ?

Eh bien oui. Le projet de loi « immigration » voté mardi 19 décembre 2023 exclut des structures d’urgence les personnes déboutées du droit d’asile et ayant reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Camille Gardesse, sociologue et urbaniste, constate lors d’un entretien avec Médiapart que cette loi est donc « une brèche dans l’inconditionnalité de l’hébergement ».

Pour la chercheuse, « affirmer qu’il s’agit d’un problème migratoire, c’est pour les autorités une manière d’instrumentaliser la question des migrations en se déchargeant de la responsabilité d’un déficit structurel de places d’hébergement. Un déficit sur lequel les associations, notamment la Fondation Abbé Pierre, alertent pourtant depuis des années. »

Le sachiez-tu ?

C’est le nombre de personnes sans domicile fixe à Bordeaux, recensées lors de la Nuit de la Solidarité réalisée le 25 janvier 2024.

C’est arrivé près de chez nous

Vivre dans un bateau

Niché entre tous les bateaux du port maritime de Bordeaux, dans le quartier des Bassins à flot, le MS Bordeaux ne dénote pas. Et pourtant, son utilité, elle, se démarque par de nombreux aspects. Ni un restaurant, encore moins une boîte de nuit, cet ancien bateau de croisière est un accueil d’hébergement d’urgence.

Fin 2023, la préfecture de la Gironde met en place un dispositif pour l’hiver, afin d’augmenter ses places d’hébergement d’urgence. C’est dans ce cadre que l’association le Diaconat, dont la mission est de venir en aide aux personnes en situation d’exclusion et d’urgence sociale, réhabilite ce bateau. « On avait une difficulté pour trouver du foncier, des bâtiments et on a été mis en contact avec le propriétaire du bateau, qui venait d’être sollicité pour monter en Hollande, pour faire de l’hébergement d’urgence. Il s’est dit qu’il y avait peut-être un intérêt à Bordeaux, et le moment est tombé pile quand il fallait », raconte Uriel Taulas, directeur du pôle urgence du Diaconat de Bordeaux.

Un moment de répit

Ainsi, depuis son ouverture à la mi-décembre, 100 personnes sont accueillies chaque jour, dès 16 h 30, pour venir manger un plat chaud, dormir et prendre un petit-déjeuner, avant de devoir s’en aller à 8 h 30, le lendemain matin. Pour pouvoir accéder à cet hébergement, les personnes doivent d’abord contacter le 115, afin qu’ils les redirigent vers les places disponibles pour une durée maximale de 15 jours.

Et pour les personnes sans-abri, ce moment représente une vraie source de stress. Laura, sans domicile fixe depuis une dizaine d’années, raconte : « Tous les matins, quand on ne dort pas dans le bateau, on met un réveil à 7 h pour appeler le 115, ils nous disent de rappeler vers 8 h 30, et lorsqu’on rappelle… Il n’y a plus rien. Alors oui, quand tous les jours on te dit non, et qu’un jour on te dit oui, c’est clairement l’euphorie ». Posée dans un canapé de la salle à manger, la jeune femme explique son soulagement d’être à l’abri pendant 15 jours. « Quand on n’est pas ici, avec mon copain on essaye de trouver un endroit à l’écart pour camper, et nous concentrer sur nos objectifs de vie. On veut avoir un appartement, un travail, la base de toute vie je dirais… »

Aux alentours de 19 h, alors que le soleil se couche et laisse transparaitre une lumière dorée, l’ambiance est calme. Dans la salle de repos, située près de l’entrée, de la variété française résonne dans les enceintes de la télé. Éparpillés dans la pièce, des bénéficiaires du MS Bordeaux profitent de ce moment de répit. Pendant ces deux semaines, l’accueil d’hébergement d’urgence « accueille les personnes afin qu’elles se posent, se reposent et bénéficient d’un accompagnement simple », explique Philippe Bradfer, directeur adjoint de la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS).

Dans ce lieu, le séjour est temporaire, avec pour objectif, une réorientation vers un hébergement plus stable, qui amènera à une réinsertion sociale.

Pour aller plus loin

Pourquoi il devient impossible de se loger ? Dans cette vidéo, Salomé Saqué décrypte la crise de logements dont souffre la France et s’interroge sur cette injustice invisible et pourtant source majeure d’inégalités dans notre pays : l’accès au logement. 

Comment comprendre les tensions qui se font sur les hébergements d’urgence ? Dans cette émission France Culture, Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé Pierre et Édouard Gardella, sociologue, échangent sur les raisons de la pénurie d’hébergements d’urgence et sur les conséquences de la loi immigration. 

Transfert de sans-abri avant les JO 2024 : qu’en pensent les premiers concernés ? Face à l’annonce des transferts des sans-abri de Paris vers les régions, Slate est allé rencontrer les principaux concernés pour connaître leurs avis. 

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