Aujourd’hui, on se demande où sont les hommes gay dans le rugby.
Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 24 octobre 2023.
Que vous compreniez ou non les règles du rugby, vous n’avez pas pu passer à côté de la Coupe du monde de rugby, dont la finale (sans les Bleus) se rapproche à grands pas. Le rugby, si l’on en croit les piliers de la troisième mi-temps, c’est le sport du vivre ensemble par excellence. Vraiment ?
Dans cette newsletter, nous allons nous intéresser à l’homophobie dans le rugby et dans le sport en général, et découvrir une équipe de rugby inclusive à Toulouse.
Le coup de loupe
L’homophobie dans le sport, on en est où ?
Tout d’abord, il est à noter que la LGBTphobie en général reste bien ancrée dans la société française, comme on peut le constater dans le rapport 2023 de l’association SOS Homophobie. On estime qu’une agression physique a lieu tous les deux jours à l’encontre des personnes homosexuelles. Sans oublier les insultes, les discriminations, les crachats…
Forcément, le sport ne fait pas exception, et semble même catalyser cette homophobie.
Louise Déjeans, sociologue, a réalisé une enquête avec l’INJEP (Institut national de la jeunesse et de l’éducation sportive) portant sur les LGBTphobies dans le monde sportif. Dans une interview pour Têtu, elle explique : » C’est la valorisation de la norme masculine qui explique le maintien du tabou à l’égard des hommes homosexuels. Les injonctions viriles continuent de peser sur les hommes sportifs […] les gays trahissent leur classe de sexe. Ils se retrouvent alors déclassés dans l’échelle des masculinités sportives. »
Sans oublier ce qu’on appelle « le syndrome du vestiaire », comme l’explique Alexandre Leboucher, responsable de la ligue nationale de rugby. Il parle ainsi de cette aversion irrationnelle de partager les douches avec un coéquipier homosexuel, ou encore « la peur des contacts sur le terrain ».
Et dans le rugby ?
En 2020, la LNR (Ligue nationale de rugby) a commandé une étude sur l’homosexualité dans le rugby. 87 % des sondés considèrent qu’il est difficile d’être un joueur de rugby homosexuel, et 75 % des personnes interrogées estiment qu’il n’est pas facile de parler de son homosexualité. Pourtant, 95 % des sondés estiment que le rugby est le sport qui symbolise le mieux le « vivre ensemble ».
Comment cela est-il possible ? Certains répondants, en plus de l’analyse de Louise Déjeans vue ci-dessus, apportent un éclairage. « Le rugby est encore très macho », analyse l’un des répondants, quand un autre explique que « beaucoup de personnes restent très centrées sur la virilité du rugbyman et ne sont pas prêtes à l’entendre. »
Toujours grâce à cette étude, on constate qu’il reste encore du travail à réaliser sur l’homophobie ordinaire dans le rugby professionnel. 67 % des personnes interrogées admettent en effet utiliser les termes « enculé », « pédé » ou « gouine » pour « rigoler » dans des conversations avec leurs co-équipiers ou collègues. Et 11 % d’entre eux avouent utiliser ces mots dans des moments d’énervement.
Et qu’est-ce qu’on peut faire ?
Le 17 mai 2023, à l’occasion de la journée internationale contre les LGBTphobies, le programme « Rugby is my pride » a été présenté à Saint-Denis. Ce programme, de mai à octobre, via des spots publicitaires ou des matchs en parallèle de la coupe du monde de rugby, vise à lutter contre les LGBTphobies dans le milieu du rugby.
En 2021, l’association bordelaise Ovale Citoyen a organisé un entraînement amateur avec le Girofar, le centre LGBT de Bordeaux, en présence de la ligue nationale de rugby. On peut aussi compter sur La Fédération sportive LGBT+, qui compte parmi ses adhérents 5 clubs de rugby « gay-friendly », dont le Tou’Win Rugby Club à Toulouse.
La route semble encore longue pour faire du rugby un espace inclusif, qui se détache du cliché ultra viril. Et cela passe également par les supporter·ices. Pour France Bleu Gironde, Marc Grandon président du Girofar et joueur amateur expliquait : « Quand un joueur fait une action pas très heureuse, les supporters ou les coéquipiers vont le traiter de PD ou d’enculé, le coach peut dire “sortez-vous les doigts du cul”. Ce sont des expressions qu’on a tous entendues, mais qui sont très mal vécues par les personnes LGBT puisque ce sont des insultes qu’elles entendent au quotidien pour les insulter, elles et leur sexualité. »
Le sachiez-tu ?
C’est le nombre de joueurs pro en France à avoir fait son coming out. Jérémy Clamy-Edroux, joueur professionnel de rugby au Rouen Normandie Rugby (RNR), est le premier à avoir fait son coming-out… en 2023.
C’est arrivé près de chez vous
Tou’Win : le rugby gay friendly
À l’occasion de la coupe du monde de rugby, Revue Far Ouest a coproduit (avec Les Films Jack Fébus et France Télévisions) le documentaire Fiertés mêlées. Valentin Ricart nous emmène, caméra au poing, à la découverte de son équipe de rugby, le Tou’Win Rugby Club. Cette équipe, gay et hétéro friendly de Toulouse, est engagée dans la cause LGBTQI+ contre l’homophobie et les discriminations dans le sport.
Dès l’enfance, Valentin est un habitué des stades de rugby, où il accompagne son oncle, dirigeant au club de rugby de Céret, et sa tante qui tient la buvette pendant les matchs. Mais, pour ce petit garçon qui préfère la danse et « n’était visiblement pas dans les critères de ce qu’on attend d’un jeune homme, car trop efféminé », le rugby fait peur. « Je me retrouvais dans un milieu où il y avait cet espèce de virilisme et ça ne correspondait pas à qui j’étais. »
Mais Valentin va découvrir qu’une autre ambiance est possible dans le rugby : alors qu’il participe à la marche des fiertés de Toulouse, il aperçoit le char de l’équipe du Tou’Win Rugby Club.
Être rugbyman et porter des crop top
Créé en 2006, le Tou’Win Rugby Club est une équipe de rugby inclusive. Cette association, sportive et militante, accueille tout le monde, quel que soit son âge, son orientation sexuelle ou son genre, avec comme but de favoriser l’inclusion des personnes LGBT+. « Ce n’est pas parce que je suis gay, que je porte des crop top et du vernis à ongles que je ne peux pas aller plaquer de grands gaillards de 130 kilos », confie un des joueurs de l’équipe dans le documentaire.
Tou’Win assure également un travail de prévention et de sensibilisation, jusque dans son équipe. Elle compte en effet plusieurs joueurs hétéros, pour qui l’homophobie dans le milieu du rugby était un non-sujet à leur arrivée dans le club. Mais, à force de discussions, en écoutant les histoires de leurs coéquipiers et en découvrant leur parcours, ils comprennent qu’il y a encore un problème avec l’homosexualité et le rugby.
Si Valentin Ricart a décidé de filmer la saison sportive de son équipe, c’est pour nous plonger au cœur de ce club engagé, mais aussi pour raconter sa préparation pour l’Union Cup. Ce tournoi européen a lieu tous les deux ans depuis 2005. On retrouve dans cette compétition toutes les équipes européennes gay. « Ce tournoi c’est une façon de lutter ensemble contre l’homophobie » explique Valentin. En 2023, elle a lieu à Birmingham, et les Tou’Win ont bien l’intention de briller. Voire de gagner ?
Pour découvrir ce club et l’Union Cup 2023, vous pouvez regarder Fiertés mêlées, disponible en replay jusqu’au 12 novembre.