Numéro 05
6 minutes de lecture
Vendredi 24 mars 2023
par LA RÉDACTION
LA RÉDACTION
Nous sommes un média en ligne, local, indépendant, sans publicité et sur abonnement. Nous voulons partir de chez nous, du local, pour ancrer des histoires et des personnages dont le vécu interroge notre place au sein de la collectivité.

Aujourd’hui, on passe à la loupe les conséquences de la grippe aviaire dans le Sud-Ouest
Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 06 décembre 2022.

Ils ont disparu de la carte des restaurants, des étals du marché et des rayons des grandes surfaces… Mais où sont passés les canards ? Pourquoi en trouve-t-on de moins en moins cet automne ? La faute principalement à la grippe aviaire, une maladie qui fait son retour chaque année, et qui ravage le secteur.

Dans cette newsletter, nous allons comprendre ce qu’est la grippe aviaire, si cette année est vraiment plus grave que les autres, et voir comment s’en sortent les éleveurs des Landes.

Une famille de canard pour illustrer la grippe aviaire dans le Sud-Ouest

Le coup de loupe ?

C’est quoi la grippe aviaire ?

Il s’agit d’une maladie virale qui touche presque tous les groupes d’oiseaux, et dont le taux de mortalité est très élevé chez les oiseaux d’élevage. Si elle est parfois bénigne et sans symptômes, la grippe aviaire, également appelée « influenza aviaire », peut aussi être rapidement mortelle et provoquer de graves épidémies. À la mi-octobre 2022, la grippe aviaire est passée au stade de maladie « endémique » en France, c’est-à-dire qui s’installe durablement dans une région donnée.

Pour limiter la propagation du virus, le gouvernement impose deux principales mesures sanitaires à chaque fois qu’un animal infecté est
détecté :

  • L’abattage des foyers où l’animal à été trouvé
  • L’abattage préventif des animaux dans un périmètre défini par arrêté préfectoral, en principe entre 1 et 3 km. 

Au total, près de 22 millions de canards et volailles ont été abattus en un peu plus d’un an, selon le gouvernementRien qu’en Dordogne, environ un demi-million de volailles avaient déjà été euthanasiées entre avril et juin, comme le rappelle Libération. Et s’il y a moins de canards dans les fermes, forcément, il y a moins de magrets à la carte de nos restaurants, et moins de foie gras à Noël.

Ces abattages n’ont pas seulement des conséquences dans notre assiette : si l’État a promis des aides aux éleveurs, certains ont mis des mois à les toucher, d’autres n’en ont toujours pas encore vu la couleur, comme à Périgueux. Résultat : des éleveurs abandonnent, surtout les plus petits, faute de compensation financière. « Depuis 2016, on a perdu la moitié des producteurs de volaille dans le département », déplore Mélanie Martin, présidente du Modef des Landes, un syndicat agricole de défense des exploitants familiaux.

Illustration du virus de la grippe aviaire

Cette année est-elle plus grave que les autres ?

Oui… et non. La vague de grippe aviaire de cette année est bien « la plus importante observée à ce jour en Europe », selon un bilan de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) publié le 3 octobre. Et cela, principalement car de plus en plus d’oiseaux sauvages sont porteurs du virus et le transmettent : c’est le cas des oiseaux migrateurs, qui parcourent des milliers de kilomètres et peuvent contaminer d’autres volatiles sur leur passage. Cela explique pourquoi d’autres animaux que les poules ou les canards ont été touchés dans des régions où la grippe aviaire n’était jusqu’ici pas présente : des cygnes en Camargue, des flamants roses dans le Gard

Mais dans le Sud-Ouest, où sont élevés plus de 70 % des canards, cela fait des années que les éleveurs pâtissent : les premières restrictions pour le transport et l’exportation de volailles datent de 2015, après la découverte d’un foyer à Biras, en Dordogne. Depuis, les épidémies se sont succédé. Alors, pour freiner la chaîne de contamination, le gouvernement impose régulièrement des mesures de « biosécurité », notamment le confinement des volailles et palmipèdes sur tout le territoire. Cette année, le couperet est tombé le 10 novembre. 

Une obligation difficile à encaisser, en particulier pour les éleveurs de plein air. « Ces mesures conviennent très bien à l’agriculture industrielle, mais pas à l’agriculture traditionnelle », explique Mélanie Martin, du Modef. Un constat partagé par de nombreux éleveurs de la Confédération paysanne : dans un recueil relayé par Basta !ils dénoncent une stigmatisation du plein air. Selon eux, les risques de transmission de la maladie seraient au contraire aggravés par le modèle industriel, avec ses transports multiples et la surdensité d’animaux. 

Illustration d'un canard

Et elle est dangereuse pour l’homme, cette grippe aviaire ?

Là aussi, oui et non. Une fois les bêtes tuées, elles ne présentent aucun risque pour nous : la consommation de viande, foie gras et œufs, et plus généralement de tout produit alimentaire à base de volaille, est sans danger

En revanche, les humains peuvent contracter la maladie au contact de volailles infectées, particulièrement dans un espace confiné, comme sur des marchés de volailles ou dans des abattoirs. On parle donc d’épizootie, puisqu’il s’agit d’une épidémie qui, pour l’instant, touche quasi exclusivement les animaux.

Il est arrivé que des humains soient touchés, voire meurent de la grippe aviaire : en octobre, une personne a été testée positive en Espagne, mais ce cas reste très rare. C’est la mutation à l’homme, puis entre hommes, que craignent les pouvoirs publics et qui pousse à tant de précaution. 

Pour sortir de cette crise, les espoirs se portent sur un vaccin pour protéger les animauxDeux sont en expérimentation depuis avril sur plusieurs milliers de canards, mais leur mise en service ne devrait pas intervenir avant courant 2023… Et ne sauvera pas les canards cet hiver.

Le sachiez-tu ?

Le chiffre soixante-dix pourcent

C’est la part de fermes à l’arrêt en Dordogne en raison du risque de propagation du virus de la grippe aviaire, selon l’association des producteurs de canards du Périgord. 

C’est arrivé près de chez nous

Dans les Landes, la débrouille des éleveurs

Depuis le mois d’août, plus d’un million de volailles ont été abattues dans toute la France. Un désastre pour les éleveurs·euses, notamment pour les fermes indépendantes et en autarcie, c’est-à-dire où tout est fait sur place : l’élevage, l’abattage, la transformation et la vente. 

Il prend ses précautions : il ne produit plus entre janvier et mai.

Julien Lafenêtre est éleveur et producteur de foie gras de canard. À 35 ans, il est à la tête de la ferme familiale, à Doazit, dans les Landes, où il élève chaque année près de 9 000 canards en plein air. En janvier dernier, Julien a été obligé d’abattre 3 000 bêtes à cause d’un cas de grippe aviaire dans le département. « C’est très compliqué à vivre. On part sur de longs mois sans production et on abat des animaux sains », s’attriste l’éleveur. L’analyse de son élevage donne pourtant des résultats négatifs au virus, à l’entrée et sortie de l’abattoir. Mais la politique sanitaire est stricte : il doit abattre. 

Changer sa façon de produire 

D’un point de vue financier, Julien Lafenêtre a perdu l’an dernier environ 200 000 euros de chiffres d’affaires. Et avec l’inflation actuelle, (on en parle dans la dernière newsletter) ça ne s’arrange pas : le prix de vente de ses produits a donc augmenté de 10 %. 

Ajoutées à cela, les mesures de confinement ordonnées par la direction départementale de la protection des populations complique le travail de l’éleveur et font peser un nouveau coût sur sa ferme. Julien Lafenêtre a fait installer des filets et aménagé ses bâtiments pour répondre aux mesures : un investissement qui lui a coûté 28 000 euros. 

Personne qui désinfecte le virus de la grippe aviaire

S’agissant des mesures d’abattage, lorsqu’on lui demande s’il a confiance pour l’année en cours, la réponse est claire : c’est non. Alors, pour contrer une potentielle obligation d’abattage, l’éleveur des Landes prend ses précautions : il ne produit plus entre janvier et mai. « C’est toujours à ce moment qu’il y a des cas. Désormais, on augmente notre production les autres mois. »

S’unir entre éleveur·euses

Entre les décisions sanitaires et une nouvelle organisation constante, le moral des éleveur·euses est au plus bas. Surtout cell·eux qui, comme Julien Lafenêtre, produisent dans de petites fermes indépendantes et en plein air. « On demande plus de cas par cas. Il faut des politiques sanitaires selon les exploitations », réclame l’éleveur. Avec plusieurs confrères et consoeurs, il a créé l’association landaise des producteurs traditionnels de foie gras et volailles en plein air.  « Ça nous permet d’être moins isolés les uns des autres, et d’avoir plus de poids pour se faire entendre. » Car à ce jour, il estime que le problème n’est pas suffisamment reconnu par les politiques. L’éleveur n’a désormais plus qu’un seul espoir : « Bossons sérieusement sur le vaccin. »

Pour aller plus loin

🎥 Et quand il n’y a plus de canards ? « Une année sans » suit des producteurs de foie gras en Chalosse, dans les Landes, témoins de l’abattage de tous les élevages de la région. 

⚖️ Hors-la-loi. En Vendée, certains éleveurs en plein air se rebellent contre les mesures de confinement des volailles. 

🥚Des œufs (vraiment) élevés en plein air ? Reporterre a publié un décryptage sur la mention « plein air » inscrite sur les boîtes d’œufs.

LA RÉDACTION
Nous sommes un média en ligne, local, indépendant, sans publicité et sur abonnement. Nous voulons partir de chez nous, du local, pour ancrer des histoires et des personnages dont le vécu interroge notre place au sein de la collectivité.
Dans le même feuilleton

Sécheresse : Sec ton booty

Après un été 2022 caniculaire et un mois d’octobre estival, nous avons appris à côtoyer le mot « sécheresse ». Mais avons-nous bien compris ce qu’il signifie et quelles sont ses...

Méthanisation : une usine à gaz

Aujourd’hui, on se demande si on peut produire du gaz écolo en Nouvelle-Aquitaine. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 27 septembre 2022.

Déserts médicaux : où sont les médecins ?

Aujourd’hui, on se demande si on peut encore se faire soigner près de chez nous. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 11 octobre 2022.

Collages féministes : colères sur les murs

Aujourd’hui, on célèbre les 3 ans des collages contre les féminicides. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 25 octobre 2022.

Centre de rétention administrative : au bord du CRAquage

Aujourd’hui, on se demande à quoi peut bien servir un centre de rétention administrative. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es

Inflation : un coût monté

Aujourd’hui, on essaie de comprendre l’inflation et son impact dans le Sud-Ouest. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 22 novembre 2022.

Grippe aviaire : c'est grave duckteur ?

Aujourd’hui, on passe à la loupe les conséquences de la grippe aviaire dans le Sud-Ouest Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 06 décembre 2022.

Embûches de Noël

Aujourd’hui, on se demande si on va passer un chouette Noël. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 20 décembre 2022.

LGV Bordeaux-Toulouse : Fast & Furious

Aujourd’hui, on se demande si on doit toujours aller plus vite avec la LGV Bordeaux-Toulouse. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 3 janvier 2023.

Qui étaient les tirailleurs africains du Sud-Ouest ?

Aujourd’hui, on vous raconte l’histoire des tirailleurs africains tombés en Nouvelle-Aquitaine. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 17 janvier 2023.

Données personnelles : data gueule à la récré

Aujourd’hui, on se demande si on peut vraiment protéger ses données personnelles. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 31 janvier 2023.

Un chasseur sachant chasser

Aujourd’hui, on se demande s’il faut interdire la chasse. Cette newsletter a été envoyée le 28 février 2023.

Cannabis : l'herbe est plus verte dans le Sud-Ouest ?

Aujourd’hui, on se demande s’il faut légaliser le cannabis. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 14 février.

Drag queens à Bordeaux : belles de nuit

Aujourd’hui, on vous emmène à la rencontre des drag queens à Bordeaux. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 14 mars 2023.

Festival Imprimé : pour un journalisme engagé

Aujourd’hui, on vous invite à nous rencontrer au festival Imprimé. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 28 mars 2023.

Qui est Revue Far Ouest ?

Aujourd’hui, on fait un peu plus ample connaissance. Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Revue Far Ouest. Cette newsletter a été envoyée le 11 avril 2023 à nos inscrit·es....

Nucléaire en Gironde : atome et à travers ?

Aujourd’hui, on se demande ce qu’est le nucléaire. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 25 avril 2023.

Les raisins des nazis : le vin comme arme de guerre

Aujourd’hui, on déterre une histoire du passé. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 9 mai 2023.

Peines perdues : la prison vaut-elle la peine ?

Aujourd’hui, on revient sur l’utilité de la prison. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 23 mai 2023.

Fort·es et fièr·es : Pride was a riot

Aujourd'hui, on vous parle de fierté(s). Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 6 juin 2023.

À ceux qui sont nés quelque part : une histoire d'exil

Aujourd'hui, on donne la parole à ceux qui ne l'ont pas. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 20 juin 2023.

On va t’emmener loin, juste à côté de chez toi : PopEx, l'intégrale

Aujourd'hui, on vous présente PopEx. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 4 juillet 2023.

Des sorcières féministes et des vêtements écolo : balais et chiffons

Aujourd’hui, on parle mode et sorcières. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 18 juillet 2023.

Des bastons et des tampons : rivalités et ovalie

Aujourd’hui, on parle rugby et rivalités. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 1er août 2023.

Des pièces et des patounes : argent sauvage

Aujourd'hui, on parle monnaie locale et vie sauvage. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 15 août 2023.

Les possédées de Loudun : le diable est dans les détails

Aujourd’hui, on se fait un petit tuto DIY exorcisme et religieuses possédées. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 3 octobre 2023.

Tou'Win : être gay et jouer au rugby

Aujourd’hui, on se demande où sont les hommes gay dans le rugby. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 24 octobre 2023.

L'extrême droite se sent pousser des ailes à Bordeaux

Aujourd’hui, on plonge dans la vague brune. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 7 novembre 2023.

Écriture inclusive : (dé)masculiniser la langue française

Aujourd’hui, on se demande si le masculin est vraiment neutre. Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 22 novembre 2023.

Île de Ré : une Embellie pour les familles de détenus

Aujourd'hui, on découvre une prison au milieu des vacancier·eres. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 5 décembre 2023.

La Nouvelle-Aquitaine, reine du pétrole

Aujourd'hui, on creuse pour trouver du pétrole dans le Sud-Ouest. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 19 décembre 2023.

L'huître, l'Homme et le déni écologique

Aujourd'hui, on se demande si on peut continuer à manger des huîtres. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 22 janvier 2024.

Juger les militant·es de Sainte-Soline : deux poids deux mesures ?

Aujourd'hui, on s’intéresse à un tribunal qui se radicalise contre les écolos. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 6 février 2024.

Gamers Seniors : l'Âge d'Or ?

Aujourd’hui, on joue aux jeux vidéo avec Papy et Mamie. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 20 février 2024.

Agriculteur·ices : au bout du sillon

Aujourd’hui, on parle mal-être chez les agriculteurs. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 05 mars 2024.

Pénurie d’hébergement d’urgence à Bordeaux

Aujourd’hui, on parle d’hébergement d’urgence (dans un bateau). Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 19 mars 2024.

« Épidémie » de cancers pédiatriques en Charente-Maritime

Aujourd’hui, on s’interroge sur les liens entre les cancers pédiatriques et les pesticides en Charente-Maritime. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 2 avril 2024....

Sécurité sociale : L’alimentation doit-elle devenir un droit ?

Aujourd’hui, on parle sécurité sociale de l’alimentation. Cette newsletter a été envoyée à nos inscrit·es le 16 avril 2024.

Ces épisodes pourraient vous intéresser
Une année sans

Coups de bec des éleveurs à l'État

Coups de bec des éleveurs à l'État

Les autorités françaises accusent trois exploitants basques et un syndicat agricole d’avoir fait entrave à ses services sanitaires lors de la période de grippe aviaire il y a...
Une année sans

Canards de Chalosse : le dépeuplement

Canards de Chalosse : le dépeuplement

En Février 2017, une nouvelle épidémie de grippe aviaire menance. Et pour la première fois, la filière du foie gras vacille, et avec elle ses travailleurs.
Contagions Chroniques

La bascule

La bascule

Autour de la table: un médecin urgentiste, une pharmacienne, une cheminote, un agent de la Mairie, un employé d’une grande surface, la propriétaire d’un bar… et un invité...
Soutenez Revue Far Ouest !

Nous avons besoin de 1 000 nouvelles souscriptions pour continuer à exister.

Découvrir nos offres d’abonnement