Aujourd’hui, on vous parle de fierté(s).
Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 6 juin 2023.
Le mois des fiertés a commencé jeudi dernier : en juin, de nombreux événements pour célébrer la fierté LGBTQI+ ont lieu partout en France. Le plus connu d’entre eux, la marche des fiertés (également appelée “Pride”) se tiendra ce samedi 10 juin à Bordeaux.
Mais au-delà des arcs-en-ciel et de la fête, ce rassemblement est surtout le souvenir d’émeutes new-yorkaises.
Dans cette newsletter, vous allez comprendre d’où vient la marche des fiertés, si elle n’existe qu’en ville, et pourquoi elle est particulièrement importante cette année à Bordeaux.
Le coup de loupe
Ça vient d’où, la Pride ?
“Pride was a riot”, comprendre “La Pride était une révolte”. Avant d’être une fête avec des chars, de la danse et de la musique, la Pride prend son origine dans la révolte.
On rembobine : juin 1969, New-York. À cette époque, les personnes LGBTQI+ (lesbiennes, gays, bies, transgenres, queers, intersexes) sont perçues comme des personnes malades et l’homosexualité comme une pathologie. La haine envers cette communauté est si forte que porter des vêtements qui ne correspondent pas à son genre ou danser avec une personne du même genre peuvent mener directement à la case prison. Les personnes queer n’ont pas droit de cité dans les bars, sauf au Stonewall Inn, l’un des seuls établissements qui les tolèrent. Mais iels sont régulièrement victime de descentes de police.
Dans la nuit du 27 au 28 juin, ça ne passe plus. La colère gronde et les personnes LGBTQI+ à l’intérieur du bar se révoltent, provoquant des émeutes pendant cinq jours. Un an après les émeutes, des centaines de personnes descendent dans les rues de New-York, et marquent une affirmation identitaire sans précédent.
Pourquoi la Pride de Bordeaux est importante cette année ?
Il faut remonter un an plus tôt : le 12 juin 2022, à l’occasion de la marche des fiertés de Bordeaux, des milliers de personnes défilent dans les rues. Mais les organisateurs·ices ne sont pas tranquilles. De bon matin, le local du Girofard, le centre LGBTQI+ à l’origine de l’événement, a été vandalisé et tagué de messages à caractère LGBTIQAphobe.
Le schéma se répète au départ de la marche : ils et elles reçoivent des menaces de mort sur leur téléphone personnel. “Mais nous ne voulions pas que les agresseurs gagnent, nous avions déposé plainte et décidé de de maintenir la marche”, déclare Tristan, président du Girofard.
Vers 17h, la fête prend fin. À l’arrivée d’une partie du cortège au niveau de la maison écocitoyenne, sur les quais, un groupe d’une dizaine de personnes d’extrême droite les attendait sur le toit. Le visage en partie masqué, équipés de fumigènes et d’un mégaphone, ils brandissent une banderole sur laquelle on peut lire : “Protégeons les enfants, stop folie LGBT”. Ils lancent des projectiles et insultent les membres du cortège.
Peu après, les organisateurs prennent la décision de mettre fin à la marche. Pour Tristan, « s’attaquer aux personnes LGBTQI+ le jour de la marche des fiertés, c’est un symbole extrêmement fort envoyé par l’extrême droite. » Le 26 mai dernier, quatre des neuf prévenus ont été condamnés pour ces attaques. Pour Tristan, il s’agit d’un procès historique : « Le fait que le caractère homophobe soit reconnu c’est un message très fort de la justice. »
La Pride, c’est uniquement dans les grandes villes ?
Si la Nouvelle-Aquitaine regorge de territoires ruraux, les personnes LGBTQI+ y sont souvent invisibilisé·es. En Nouvelle-Aquitaine, on compte cinq grandes marches des fiertés, presque toutes situées dans des métropoles : Bordeaux, Angoulême, La Rochelle, Périgueux ou encore Biarritz.
Pourtant, le village de Chenevelles, en Vienne, fait exception : en 2022, ce village de 554 habitant·es a organisé la première marche des fiertés rurales de France. Tout part d’un groupe d’ami·es queer qui passent tous leurs week-ends à Chenevelles. L’un d’eux, Antoine Framery, réalise qu’il n’a jamais de représentations LGBTQI+ et de lieu de partage dans sa jeunesse. Ils créent alors l’association Fiertés Rurales qui lutte, à son échelle, contre le départ des personnes queer vers les grandes villes.
Leur première Pride est une réussite : « On était plus d’un millier de personnes selon les gendarmes, l’événement a rayonné sur un large territoire. » Au-delà de la représentation, l’événement a pour but de casser le cliché selon lequel l’homophobie serait davantage présente à la campagne. « Je pense surtout qu’il y a plus d’ignorance », nuance Antoine Framery. L’équipe de Fiertés Rurales met tout en œuvre pour aller vers la population et les faire venir à la Pride.
D’ailleurs, cette année, la marche a été déplacée fin juillet. « Plusieurs agriculteurs voulaient venir et nous ont demandé d’attendre la fin de la moisson pour être présents. » La marche aura donc lieu le 29 juillet et un concours de chars du public est prévu pour l’occasion : « il n’y a pas mieux que la campagne pour construire des chars ! Ici, tout le monde a des tracteurs et des remorques », s’amuse Antoine Framery.
POUR aller plus loin
🤝 Devenir bénévole. Si vous voulez soutenir les actions du planning familial, vous pouvez vous inscrire via ce lien.
🏳️🌈 La carte des Prides. Vous voulez vous rendre à la marche des fiertés de votre ville mais vous ne savez pas où et quand elle a lieu ? Cette carte interactive devrait vous aider.
💊 Histoire de l’avortement. Que se passe-t-il quand l’avortement devient interdit ? Le Monde tente de répondre à cette question en partant des États-Unis, là où le droit à l’IVG n’est plus garanti depuis le 24 juin 2022.
Le sachiez-tu ?
En 2022, le nombre d’agressions transphobes a augmenté de 27 % par rapport à 2021 selon le dernier rapport de SOS homophobie.
C’est arrivé près de chez nous
Des associations dans le viseur de l’extrême droite
La marche des fiertés n’est pas la seule cible des groupuscules identitaires. Le 22 mai dernier, le centre LGBTQI+ de Touraine a été visé par une bouteille explosive artisanale, qui heureusement, n’a fait aucune victime. Des attaques de ce genre sur des établissements LGBTQI+ ou féministes se sont multipliées ces derniers mois.
Le planning familial de Gironde, qui œuvre pour le droit à l’IVG, la contraception et une éducation à la sexualité pour tous·tes, ne fait pas exception à cette montée de l’extrême droite : le 8 février dernier, Annie Carraretto, la co-présidente du planning de Gironde, se rend au local de l’association à Bordeaux comme à son habitude.
Mais ce jour-là, elle découvre un message en lettres rouges tagué sur la façade, signé “Action identitaire” : “Aujourd’hui stérilisés, demain pucés ?”. La semaine suivante, c’est un tag anti-avortement qu’Annie Carraretto découvre sur le local. Au même moment, les Hébergeurs solidaires de Bordeaux, une association d’aide aux mineurs isolés, voit son local recouvert de tags racistes.
Un élan de solidarité
Le 1er mars, en réaction à ces attaques, près de 500 personnes se sont réunies devant le planning familial. La co-présidente rappelle les nombreuses plaintes déposées à la police pour délit d’entrave à l’IVG, « on a interpellé plusieurs fois la procureure de Bordeaux et rien n’est fait à ce jour », se désole-t-elle. L’ancienne infirmière de profession ne tolère plus cette impunité, « surtout quand celle-ci n’est pas la même pour tous et toutes. On voit bien les colleur·euses constamment arrêté·es. »
Elle regrette qu’il n’y ait pas autant d’actions de la part des forces de l’ordre envers les attaques de l’extrême droite. Pour Tristan, président du Girofard, ces attaques ont tout de même permis « à toutes les associations LGBTQI+ et féministes de se réunir et d’être un bloc uni ».
Tour d’horizon
🏳️⚧️ À la campagne, chacun son genre. Revue Far Ouest est allé rencontrer celleux qui vivent leur non-binarité loin des villes. Comment affirmer son identité de genre dans un village où tout le monde se connaît ?
🏔 La montagne de Sascha. Au micro de Podcastine, Sascha raconte son parcours de transition et la montagne qu’il a dû gravir.
👩👩👧👧 Faire famille. Dans cette série documentaire, Océan et sa meilleure amie Sophie-Marie Larrouy vont interroger leur lien d’amitié, leur désir d’enfant et leur capacité à s’engager ensemble, allant à la rencontre de personnes qui ont fait famille « autrement ».
✊ Héroïne de la lutte. Cette vidéo de SOS Racisme retrace l’histoire de la militante Marsha P. Johnson, une femme noire et transgenre qui a consacré sa vie à la lutte des personnes LGBTQI+.
🎧 Etre queer et musulman·e, impossible ? Quels sont les clichés autour de la sexualité des personnes racisées qui pratiquent l’islam ? Ce podcast de Kiffe ta race tord le cou aux idées reçues et montre que sexualité libre et foi ne sont pas nécessairement incompatibles.