Après un été 2022 caniculaire et un mois d’octobre estival, nous avons appris à côtoyer le mot « sécheresse ». Mais avons-nous bien compris ce qu’il signifie et quelles sont ses conséquences, même en hiver ?
Quoi ? Un sujet sur la sécheresse alors qu’il pleut ? Vous êtes pas un peu à la bourre chez Far Ouest ? Eh non ! L’ardoise des sécheresses ne s’efface pas magiquement dès le 21 septembre.
Dans ce numéro, on va essayer de comprendre ce qu’est une sécheresse et ses conséquences sur votre quotidien ; chiffrer l’économie d’eau du pipi sous la douche ; et plonger dans la guerre de l’eau en Charente.
Cette newsletter a été envoyée le 13 septembre 2022 aux inscrit·es à la newsletter.
Le coup de loupe
Est-ce qu’on va toujours avoir de l’eau au robinet ?
En France, la sécheresse de cet été a trois principales causes : de grosses chaleurs, peu de pluie, et une trop grande utilisation de l’eau. Le principal problème, c’est que la sécheresse affecte les nappes phréatiques. Ce sont elles qui fournissent 96% de l’eau potable en Gironde. Donc, quand leur niveau baisse, nos ressources en eau potable aussi. Et quand on ne la pompe pas dans les nappes, l’eau potable que l’on boit vient des cours d’eau, comme à Agen avec la Garonne. Dans ce cas, la sécheresse peut aussi nous rendre malades, en contaminant le réseau d’eau potable : « Plus il fait chaud, plus le risque de développement de bactéries augmente, et peut contaminer l’eau du robinet », explique Nicolas Lyonnet, responsable à Eau de Garonne.
Quelles conséquences dans nos assiettes ?
L’été, 80 % de la consommation d’eau est consacrée à l’agriculture. La sécheresse va donc logiquement avoir un impact direct sur ce que nous mangeons. Du côté des productions végétales, le maïs et les pommes de terre sont les grands perdants : s’il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif, la récolte du maïs grain étant en cours, les agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine tablent déjà sur une baisse de 20% à 40% de leur rendements. Dans les Landes, qui assure la moitié de la production de maïs de la région, certains parlent même de 70% de pertes.
Mais c’est la viande qui risque de payer le plus lourd tribut. En cause : la moitié de l’irrigation en France est consacrée au maïs, dont l’immense majorité sert à nourrir les bêtes. « Les premières victimes de cette conjonction de sécheresse et de hausse des prix de l’énergie, ce sont les éleveurs », analyse Michel Duru, directeur de recherche à l’INRAE, spécialiste de la transition agroécologique des systèmes alimentaires.
Alors, comment lutter contre la sécheresse dans nos assiettes ? « Manger moins de viande. Ce serait meilleur pour notre santé et notre climat. » Et irriguer des produits stratégiques, comme des fruits et légumes.
Et s’il pleut, tout ira mieux ?
Et non ! Les pluies actuelles ne sont pas encore efficaces car le sol est trop sec. Pour se « remettre » d’une sécheresse et réalimenter les nappes phréatiques, « il faudrait une pluie continue sur plusieurs jours, plusieurs fois par mois », explique l’hydrologue Laurie Caillouet. Mais ce qu’il faut surtout, c’est s’inquiéter de la sécheresse en hiver, et pas seulement quand il fait 40°C. « Les nappes se rechargent principalement en automne et en hiver. C’est à ce moment-là qu’il faut imposer des restrictions d’eau », poursuit l’hydrologue. Et ainsi, ne pas pomper l’eau des nappes en plein hiver plutôt qu’en mai, comme cela a été le cas cette année.
Le sachiez-tu ?
C’est le nombre de litres économisés par jour en faisant pipi sous la douche chaque matin. Par an, ça fait quand même 3 285 litres. Sans oublier qu’à chaque pipi sous la douche, on économise 2 feuilles de papier toilette : c’est encore 602 litres gagnés sur l’année. Bon, on sait aussi que pisser sous la douche ne suffira pas.
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C’est arrivé près de chez nous
La guerre des bassines
Dans les Deux-Sèvres, la sécheresse a ravivé une guerre de l’eau qui fait rage entre agriculteurs et écologistes. En cause : les bassines, des réserves d’eau artificielles utilisées pour l’irrigation agricole, et particulièrement utiles en cas de sécheresse.
En clair, ces bassines serviraient avant tout à l’ensilage, pour de l’élevage intensif.
Ces bassines, creusées dans le sol, stockent l’eau des nappes phréatiques et des rivières l’hiver afin d’irriguer l’été. Tout bénef’ pour la FNSEA, pour qui ces réserves sont « un enjeu d’intérêt général » qui permettent de « garantir la pérennité de l’agriculture française et de son industrie agroalimentaire ». En effet, face à une sécheresse comme celle de cet été, les bassines sont une bénédiction pour les agriculteurs. Pourtant, elles sont loin de faire consensus.
« On privatise une ressource vitale et de plus en plus rare », s’indigne Julien Le Guet. Batelier, il est aussi porte-parole du collectif « Bassines, non merci ! », qui s’inquiète du projet de construction de 16 bassines dans le Marais-Poitevin, dont une seule a pour l’instant vu le jour, à Mauzé-sur-le-Mignon. Leur crainte : que ces bassines, subventionnées à 70 % par de l’argent public, vident les nappes phréatiques pour subvenir aux besoins des plus gros exploitants agricoles. « Toute cette eau, elle est pour des grosses fermes qui font de la céréale, afin de faire de la culture de rente, comme du maïs. » En clair, ces bassines serviraient avant tout à l’ensilage, pour de l’élevage intensif. Et à nourrir un modèle agro-industriel déjà bancal.
Pour aller plus loin
Que disent les scientifiques ? Deux chercheuses font part de leurs recherches sur ce que sont pour elles les bassines : un pansement sur une jambe de bois.
Elles sont où, ces bassines ? Reporterre a recensé les retenues existantes et celles en projet, dans une carte participative en ligne.
Passionnés par le sujet ? Retrouvez notre feuilleton « Bassines et moi » sur revue Far Ouest.
– Cette newsletter a été conçue par Amandine Sanial, Clémence Postis, Ana Hadj-Rabah et Margaux Pantobe.