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Mercredi 12 juillet 2023
par LA RÉDACTION
LA RÉDACTION
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Aujourd’hui, on revient sur l’utilité de la prison.
Cette newsletter a été envoyée aux inscrit·es le 23 mai 2023.

Il y a une dizaine de jours, la prison de Bordeaux-Gradignan a décidé de stopper les nouvelles incarcérations d’hommes dans son établissement. Une décision directement liée à la surpopulation et aux vives tensions qui en découlent. Au même moment, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, publiait son rapport annuel en alertant sur les conditions de vie des détenus et leurs conséquences délétères.

Dans cette newsletter, vous allez comprendre depuis quand existe la prison, si elle fonctionne et quelles peuvent être ses alternatives

Le coup de loupe

Depuis quand ça existe, la prison ?

Dès le Moyen Âge, le concept de prison sort de terre. À cette période, il n’y a pas de système pénitentiaire uniforme. Les prisons se situent souvent dans les donjons des châteaux, dans les forteresses… On trouve aussi des prisons municipales pour détenir des délinquants locaux. Leur but était simplement de détenir des individus accusés de crime ou d’infraction dans l’attente de leur jugement. En gros, au Moyen Âge, la prison était comme une salle d’attente avant de connaître son châtiment ou sa mise à mort.

À partir de 1789, les mentalités changent. L’enfermement plutôt que les châtiments corporels ou la torture est considéré comme une punition plus humaniste et progressiste. La sociologue Natacha Chetcuti-Osorovitz explique : “Sous la IIIe République, on assiste à la naissance de la prison avec deux fonctions : sortir des châtiments corporels et remettre dans le droit chemin les délinquants au comportement déviant”. La prison se rapproche alors d’un lieu de redressement.

Le système pénitentiaire tel qu’on le connaît aujourd’hui est toujours basé sur l’emprisonnement punitif avec pour objectif de préserver la société. C’est aussi au XIXe siècle qu’est créée la maison d’arrêt de Gradignan, utilisée pour incarcérer des détenus ayant des courtes peines C’est l’une des prisons les plus anciennes de Nouvelle-Aquitaine.

Et aujourd’hui, quelles sont les conditions de détention à Gradignan ? 

En France, le taux d’occupation des prisons est en moyenne de 119,2%. C’est-à-dire qu’il y a 72 350 personnes incarcérées pour 60 709 places opérationnelles. Un taux qui atteint les 141,5% en maisons d’arrêt, qui accueillent les personnes en attente de jugement et celles condamnées à des courtes peines de prison. Résultat : en France, 1 850 personnes détenues sont contraintes de dormir chaque soir sur un matelas posé à même le sol.

C’est le cas à Gradignan, où le taux d’occupation du bâtiment A, le plus grand et dans lequel sont incarcérés la majorité des hommes, affiche un taux d’occupation de plus de 230% (539 détenus pour 233 places opérationnelles). Pourtant, la loi française impose théoriquement le droit à une cellule individuelle par détenu.

En octobre 2022, l’Ordre des avocats du barreau de Bordeaux, l’Association pour la défense des droits des détenus et l’OIP (Observatoire international des prisons) ont attaqué l’État en justice pour conditions indignes de détention à la prison de Gradignan. Sa réponse : la promesse d’une nouvelle prison de 600 places au premier semestre 2024

Face à la surpopulation et les tensions grandissantes, la prison de Bordeaux Gradignan a pris la décision de stopper toutes les nouvelles incarcérations. Les nouveaux détenus sont désormais transférés vers les établissements de Mont-de-Marsan et de Pau.

Ça fonctionne vraiment, la prison ?

D’après l’Observatoire international des prisons, “la prison est une institution désocialisante et criminogène”. Et pour cause, 63% des personnes condamnées à une peine de prison ferme sont à nouveau condamnées dans les cinq ans. Le passage par la case prison ne serait donc pas très dissuasif. Si la récidive est si importante, c’est – entre autres – car l’emprisonnement augmente les fréquentations délinquantes, selon l’OIP. Les détenus seraient confortés dans leur “identité délinquante”. 

À ce jour, 38% des personnes incarcérées moins de six mois souffrent d’une addiction aux substances illicites, 40% d’entre elles sont atteintes de syndrome dépressif et 21% de troubles psychotiques. Et dans ces cas-là, le suivi et l’accompagnement à la réinsertion sont aussi importants que la punition elle-même pour éviter toute récidive et donc protéger la société. 

Pour mettre en place un réel accompagnement, les établissements ont besoin de plusieurs conseillers d’insertion. Actuellement, un conseiller gère en moyenne 100 dossiers, là où il faudrait se limiter à 40 pour assurer un suivi efficace. La prise en charge socio-sanitaire à la sortie de détention n’est pas prise en compte. En bref, sortir de prison sans logement et sans emploi amène très vite à de nouveaux passage à l’acte délinquant

POUR ALLER PLUS LOIN

🤝 Devenir bénévole. Vous souhaitez donner de votre temps à la ferme de Baudonne ? Ce formulaire vous permet d’entrer en contact avec l’association afin de devenir bénévoles. 

⛓️ Longues peines. Pour Revue Far Ouest, trois anciens détenus racontent leurs vingt ans en prison. Comment y vivre et y survivre ? Comment renouer avec la liberté et une vie bien rangée après tant d’années derrière les barreaux ?

🧱 MursMurs. Le podcast de Lua Bouclier donne la parole à celles et ceux qui vivent, travaillent ou pensent la détention au quotidien. Son objectif : déconstruire les idées reçues sur la prison. 

Le sachiez-tu ?

C’est le nombre d’établissements carcéraux dans notre région. On compte 11 maisons d’arrêt (courtes peines et détention provisoire), 5 centres de détention (moyennes peines), 1 maison centrale (longues peines) et 3 centres pénitentiaires (regroupant plusieurs types de régime de détention).

C’est arrivé près de chez nous

La ferme de Baudonne 

À Tarnos, dans les Landes, la ferme de Baudonne Emmaüs accueille des femmes détenues en fin de peine. Gabriel Mouesca, le fondateur de cet endroit et militant basque a lui-même été détenu pendant 15 ans. En 2014, il décide de s’engager pour de meilleures conditions dans les prisons. Et c’est en poussant la porte de la garde des Sceaux de l’époque, Christiane Taubira, qu’elle lui avoue “n’avoir aucune réinsertion possible pour les femmes à leur sortie de prison”. Gabriel Mouesca, alors membre de l’association Emmaüs, décide de prendre pour exemple la ferme de Moyembrie en Picardie et de la reproduire ici, dans les Landes.

Depuis trois ans, il accueille une dizaine de résidentes dans la ferme biologique de Baudonne. Elles sont en contrat d’apprentissage pour devenir ouvrières agricoles. “Leur journée commence à 7h30, dans les champs pour faire le maraîchage, et l’après-midi elles se reposent et organisent leur rendez-vous médicaux avec les bénévoles”, explique Gabriel Mouesca.

“Révolution culturelle” 

En prison “classique”, les détenus sont en rupture totale avec la société. Ils et elles sont enfermés en moyenne 22h par jour et peu d’activités leurs sont proposées. À la ferme de Baudonne, c’est tout l’inverse : les résidentes sont en perpétuelles liens avec les bénévoles. “Je les vois comme une main qui renoue les résidentes à la société civile” déclare Gabriel Mouesca. Lors du 1er mai, fête des travailleurs·euses, plusieurs syndicalistes sont venus rencontrer les résidentes. “Ils leur ont donné les clefs pour faire respecter leurs droits à leur sortie de détention, notamment le droit de grève”, détaille-t-il. Chaque rencontre a pour objectif de les former à leurs sorties. Mais surtout, à leur rendre de l’humanité. “Et ça, c’est une révolution culturelle”, pour le fondateur de la ferme.

Tour d’horizon

🎶 Cellule de rimes. Pendant 9 mois, certains détenus de Fresnes ont enregistré un album de rap à l’intérieur des murs. Cette série de France TV Slash retrace tout le processus de création de la deuxième édition de “Shtar Academy”. 

Défendre l’indéfendable. Dans cette vidéo d’Origines média, un avocat de droit pénal répond à toutes les questions sans tabou ni limite. Comment défendre un violeur ? Est-ce qu’un avocat est souvent en danger ?

👮Évasion audacieuse. Cette vidéo de Nota Bene revient sur les trois évasions intrépides. De l’escapade de Napoléon III au récit incroyable d’Aristomène, découvrez des hommes qui ont tout fait pour garder leur destin entre leurs mains. 

📖 La réinsertion par la lecture. L’association Lire pour en sortir cherche des bénévoles à la maison d’arrêt de Mont-de-Marsan. Leur but est d’améliorer le niveau de lecture et d’écriture des détenus pour leur permettre une meilleure réinsertion.

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