En 2017, dix élèves de l’option cinéma au lycée libournais Max Linder ont choisi de réaliser un court-métrage sur le coming-out imaginaire d’une personne transgenre, en partenariat avec l’association D’Asques et d’Ailleurs. Pendant un repas de famille, le personnage principal suppose les réactions de ses proches après ses révélations. Les participants de ce film sont fiers d’avoir abordé la transidentité et portent, trois ans après, un nouveau regard sur le sujet.
Le projet « Les Apprenti·e·s » est un programme d’éducation aux médias développé par l’association Les Ami·e·s de Far Ouest. Dans ce feuilleton, nous donnons la parole à des jeunes qui s’essaient à l’écriture ou l’audiovisuel. Que leurs réalisations soient d’initiatives scolaire, associative ou individuelle, notre plateforme les valorise.
« “Ça se soigne“, c’est un huis clos dans une famille de classe moyenne qui raconte le non-coming outd’une personne trans », résume Marie, qui a participé à la réalisation du court-métrage lorsqu’elle était au lycée Max Linder. « À l’origine, on est tous, si ce n’est concernés, au moins alliés des problématiques LGBT-Queer. »
Pour l’année de leur baccalauréat en 2017, dix élèves de l’option cinéma du lycée Max Linder de Libourne ont créé un scénario, avec l’association dédiée à l’audiovisuel D’Asques & D’Ailleurs. Dans ce court film de quatre minutes, l’acteur principal imaginait les réactions de ses parents après sa révélation : son genre n’est pas le sexe masculin assigné à sa naissance. Gabriel se sent femme, et veut que sa famille le sache. « Face à une espèce de transphobie générale, je suppose induite par la société, il imagine les réactions de ses parents et en vient à ne pas passer le cap », explique Marie, très active dans l’écriture du scénario.
L’appréhension du coming-out
Le choix du thème et de la durée et du format étaient complètement libres, se souvient Gaspard. Il a participé au script, au cadrage ou à l’éclairage : « Les membres du groupe avaient commencé à émettre l’idée de quelqu’un qui voudrait dire à sa famille réac’ qu’il voulait devenir femme, ne se sentait pas homme. Et on trouvait intéressant d’imaginer les réactions qu’il pourrait avoir, avec le soutien du petit frère. »
C’est Marie et l’une de ses amies, Élisa, qui ont proposé ce sujet : l’année précédente, elles avaient choisi l’énoncé « les représentations des personnes trans dans le cinéma francophone » comme sujet pour leur épreuve de TPE. « Si mes souvenirs sont bons, on voulait parler d’un coming out. Mais le coming out gay était déjà traité et re-traité, donc on avait plutôt acté sur cette problématique », se rappelle Marie.
Je crois que j’aurais dû naître en tant que fille !
Dans ce court-métrage, l’acteur choisit son moment avant de se lancer et d’asséner, presque apeuré : « Je crois que j’aurais dû naître en tant que fille ! » Le scénario raconte alors la difficulté d’annoncer cette identité de genre, différente de son sexe biologique, à sa famille. « Ça raconte aussi la peur de la réaction des proches. Déjà, c’est quelque chose qui ne doit pas être facile à annoncer, mais si en plus en face, on a des réactions comme celles de ses parents ou sa grand-mère, ça doit être encore plus difficile », compatit l’ancien élève Gaspard.
« Si on devait tourner le film maintenant… »
En le regardant aujourd’hui, Gaspard doute de la clarté du propos avant la chute « On ne comprend pas très bien quand on passe dans la tête de Gabriel, avoue-t-il. On avait voulu faire cet effet avec le fondu au noir. Ça pouvait porter à confusion et porter atteinte au message. » Trois ans plus tard, en 2020, il étudie en licence professionnelle autour du journalisme télé, « donc plus branché audiovisuel. C’est pour ça que j’ai un regard un peu différent sur le côté technique », explique l’étudiant.
Marie, elle, porte un autre regard sur le traitement du thème. « Je suis assez concernée parce que je suis lesbienne et je m’intéressais déjà à ces problématiques-là. À l’époque, on voyait ça vraiment comme des personnes transsexuelles, qui n’appartiennent pas à un genre. Mais en ayant grandi, je me suis un peu plus intéressée à ces questions-là. » En tant que concernée, elle milite aujourd’hui pour la cause des personnes LGBTQ+.

L’ancienne élève pense que le transgenrisme aurait pu être mieux traité dans le court-métrage : « Si on devait tourner le film maintenant, j’aurais pris quelqu’un de concerné pour jouer le personnage principal. Ça paraît essentiel dans le cinéma qu’une personne trans soit jouée par quelqu’un qui a vraiment ce vécu-là, et pas par une personne cisgenre comme c’est le cas. » Elle ajoute espérer « ne froisser personne si les concernés voient le film. On était vraiment très jeunes. »
Ouvrir le débat sur le transgenrisme
Ces quatre minutes ont été diffusées au cinéma Grand Écran, à Libourne, devant près de 200 personnes. C’était la dernière étape avant la validation de cette option pour le baccalauréat. Gaspard se remémore la diversité du public : « Dans la salle de cinéma, il y avait toutes les générations qu’on retrouvait dans le film : le petit frère qui devait avoir 7/8 ans, les adolescents, parents et grands-parents. Donc tout le monde pouvait se retrouver et se dire : « Dans cette situation, qu’est-ce que j’aurais fait ? » »
Il espérait ainsi « ouvrir un débat, ouvrir des discussions dans des familles. On en parlait, mais malgré tout, ça restait tabou. On voulait participait à dire que justement, si des gens ressentent cela, il faut les aider à en parler. Pas les accabler ou faire sentir différents. Et peut-être amener les gens à se dire qu’on ne doit pas réagir comme les personnages du film. »
Une question générationnelle
Dans ce court-métrage, la grand-mère semble la plus réticente à accepter que son enfant se sente femme. « On voit bien que le petit frère, au-delà de l’innocence de l’enfance, sera la personne la plus à même de comprendre ces questions du fait de l’évolution de la société », pointe Marie.
Aujourd’hui serveuse dans un café et militante LGBT, elle remarque que la médiatisation de ces sujets fait son effet. Grâce aux réseaux sociaux, elle se dit plus informée qu’à l’époque du film : « On n’est plus obligé d’aller prendre un livre pour comprendre ça. Et tout est vulgarisé à peu près sur internet, ce qui permet de le comprendre, comme sur les questions de luttes LGBT Queers. Instagram est vraiment une plateforme en plein essor sur ces sujets. »