En novembre 2019, douze enfants de 7 et 12 ans ont réalisé un court-métrage dans le cadre du Txiki Festival, créé par l’association éponyme. Autour du thème « La Terre », ils ont pensé un scénario qui dresse un triste portrait de la situation de notre planète dans quelques années. Mais en nommant ce film « il n’est jamais trop tard », ces jeunes appellent à prendre conscience de l’urgence écologique.
« Ce sont des enfants qui vivent avec des masques. L’un d’eux l’enlève et part dans un rêve où il y a plein d’arbres et de fleurs. Il se rend compte que ce n’était qu’un rêve et que le monde ne va pas très bien… Pas bien du tout même ! » Maïa, 12 ans, raconte ainsi le scénario de ce film muet qu’elle a tourné au Txiki Festival. Ces quatre minutes reflètent l’urgence écologique : « Il faut réagir aujourd’hui, parce que sinon, ça ne va qu’empirer ! », s’exclame la collégienne.
L’association basque d’éducation aux images Txiki Productions dispense des ateliers à destination des jeunes. Chaque année, elle organise le Txiki Festival « pour cette génération qui n’est pas forcément visée par les festivals de cinéma ou d’images », explique l’encadrante Meryl Estregnat. Pour elle, cela permet d’inciter les jeunes à aller au cinéma : « Dans les méandres de toutes ces vidéos qui tournent sur tous les supports, il arrive à montrer que l’image, c’est aussi quelque chose de travaillé, de beau, et réfléchi. Pas que du portable à la va-vite, comme TikTok ou Instagram. »
Créer une histoire
Meryl Estragnat, membre de Txiki Productions, a encadré la création de ce film, avec le réalisateur Adama Diallo. Autour du thème « la Terre », « on a donné quelques pistes, et les enfants se les sont appropriées, explique-t-elle. Ils ont tout de suite commencé à parler d’écologie et se sont dit : “Qu’est-ce que ce serait, un futur où l’on ne pourrait pas avoir la chance de respirer l’air pur ?” »
« On leur a demandé s’il y avait besoin des arbres, et ils nous ont tout de suite dit que oui, pour respirer, » relate Meryl Estragnat. En suggérant quelques trames narratives, les animateurs ont laissé les enfants créer leur univers. « Parce que comme il y a beaucoup de pollution, on voulait parler d’un sujet qui sensibilise tout le monde, » ajoute Maïa.
Les encadrants de Txiki avaient pourtant pensé à un scénario plus léger, se souvient Meryl : « On avait un peu rigolé en parlant des Avengers ou de la nature pour avoir des références qui leur parlent. Et eux, si petits, avaient déjà une conscience dramatique de l’écologie. Ils ont voulu aller dans la profondeur de ce drame tout en gardant la fraicheur de leur enfance. »
Les enfants voulaient que ce film marque les esprits : « Ils avaient une conscience écologique et de ce qu’il se passe dans le monde qui n’est peut-être pas aussi pointue que les adultes, mais qui n’était pas joyeuse », rationalise l’animatrice.
« On en entend parler partout »
À 12 ans, Maïa semble pragmatique : « On voulait dire que c’était aussi un peu les parents et grands-parents qui étaient à la base de tout ça. S’ils n’avaient pas fait les erreurs avec le plastique, on n’en serait pas là aujourd’hui. On voulait aussi remettre en question notre génération en disant qu’il faut arrêter la surconsommation et faire plus de tri, par exemple, utiliser moins de produits chimiques, de plastique qui pollue les océans, la terre, etc. ».
Beaucoup de mouvements évoquant l’urgence écologique émergent chez les jeunes, comme Youth For Climate. « Avec les réseaux sociaux maintenant, on en entend parler partout », souligne l’adolescente en remarquant que les générations précédentes étaient moins informées. Maïa a acquis cette conscience à l’école, lors d’un atelier en CE1 avec la Surfrider Foundation, association qui protège les océans. Au collège, sa professeure de sciences alerte régulièrement les élèves.
Manque de bol, c’est eux qui vont récupérer ce qu’on a fait avant, mais ils ne veulent pas faire pareil.
Dans les établissements scolaires, la sensibilisation écologique s’accélère et semble fonctionner, comme l’a remarqué Meryl Estragnat : « C’est vraiment LA génération qu’on élève en disant que l’urgence écologique est une réalité et que ça peut être grave. Manque de bol, c’est eux qui vont récupérer ce qu’on a fait avant, mais ils ne veulent pas faire pareil. »
S’essayer à la réalisation
Maïa aime aller au cinéma ou regarder des films en famille. Elle participe régulièrement aux ateliers de Txiki, mais s’essayait pour la première fois à celui-ci : « Je voulais voir comment ça se passait derrière la caméra. Ce qui est bien avec Les Petits Cinéastes, c’est que d’habitude, ce sont les adultes qui filment. Là, c’était nous. »
Les enfants « voulaient tous être comédiens, les héros de leur film », s’amuse Meryl Estregnat. Ce que confirme Maïa, qui voudrait plus tard être « actrice plutôt que de tourner ». Pourtant, la grande brune qui apparaît avec un col roulé gris dans le film a apprécié cadrer certains plans ou prendre le son.
Ce court-métrage résulte de trois demi-journées de travail : une matinée pour le scénario, deux pour le montage. La participante Maïa a « choisi les costumes et les décors. Ce qui est derrière le montage et qu’on ne voit pas forcément ».
Les enfants ont eu le dernier mot sur tout : « L’idée de jouer comme des enfants dans des lieux un peu chaotiques est venue d’eux, comme le cloisonnement. Ils ont pensé à se mettre dans un bunker, mais on devait rester dans l’enceinte de la médiathèque, » développe l’encadrante Meryl Estragnat.
Et le scénario ? Si ces jeunes ont été guidés par les animateurs, ils se sont montrés très concernés, ayant connaissance de la pollution en Chine ou des feux en Amazonie. « Les enfants étaient tellement au fait du drame écologique que même nous, on a été surpris du résultat, » s’exclame Meryl Estragnat.
« Ça ne peut que s’améliorer »
« Ce n’est pas possible de tout réparer, mais on ne peut qu’améliorer », espère Maïa. L’encadrante de l’atelier, Meryl Estragnat a remarqué ce double discours, alors que les enfants « voulaient faire quelque chose de sombre parce qu’il faut arrêter de dire que tout va bien. Mais ils ont voulu appeler le film “il n’est jamais trop tard” parce que pour eux, il y a encore des choses à faire. »
Spontanément, la jeune collégienne dresse un parallèle entre la situation sanitaire actuelle, et leur tournage, fait deux mois avant : « Sans le savoir, avec l’épidémie du Covid, les masques, je pense que c’était un film prémonitoire… On avait vu ce qui pouvait se passer si l’on continuait comme ça. »