En 2018, trois élèves de quatrième du collège Lahaye d’Andernos-les-Bains ont réalisé un reportage photo sur une maison abandonnée, dans laquelle s’invite une végétation. Dans ce bâtiment du centre de cette commune girondine, ils ont démontré que la nature pouvait réapparaître là où le béton a prédominé un temps.
Le projet Les Apprenti·e·s est un programme d’éducation aux médias développé par l’association Les Ami·e·s de Far Ouest. Dans ce feuilleton, nous donnons la parole à des jeunes qui s’essaient à l’écriture ou l’audiovisuel. Que leurs réalisations soient d’initiatives scolaire, associative ou individuelle, notre plateforme les valorise.
« Je m’en souviens très bien ! Avant même de savoir qu’il y avait un concours photo, ils étaient déjà lancés sur ce sujet. » Hubert Chartier, enseignant d’histoire géographie, a géré le « Médialab » du collège avec deux de ses collègues. Ce club média sur la base du volontariat des élèves allait alors participer au concours Mediatiks. Mais avant que le professeur ne l’annonce, Liam Da Costa, Matt Gonin et Evan Walter, à l’époque en quatrième, savaient déjà que leur reportage photo tournerait autour de cette maison qu’ils avaient visitée auparavant.
« On aimait bien sortir, trouver des choses à faire avec tout ce qui nous entoure. Et un jour, on est tombé sur une maison abandonnée et on a vu cette nature qui, comme dans le titre de notre travail, reprenait complètement ses droits », détaille Evan Walter, aujourd’hui élève de seconde générale. Après avoir présenté leur scénario aux professeurs du Medialab, les trois élèves sont partis, smartphone en poche, faire leur série de photo. Si ce groupe n’a pas remporté le concours photo, les trois camarades ont pris du bon temps.
Le retour de la nature
« Au quotidien, quand on marche sur un trottoir et qu’on voit qu’un petit brin d’herbe coincé entre les failles du béton, on passe trop souvent à côté sans y faire attention », constate Evan Walter. Leur chapo critique justement cette bétonnisation à outrance : « Face au phénomène de la déforestation, nous avons créé un reportage photo pour montrer que la nature ne se laisse pas faire », peut-on lire.
Sur place, les élèves ne s’attendaient pourtant pas à trouver autant de végétation sur le bâtiment, situé près de leur collège et d’une auto-école, en centre-ville : « C’est la partie cachée, plus grande et moins visible : la maison est en plein milieu de la vile, mais personne ne la connaît ! Même si on a notre présence sur Terre, et même si on impose nos règles, la nature saura toujours réapparaître », assène Evan Walter. Ce que confirme son camarade, Matt Gonin, qui « ne pensait pas que c’était autant revenu à l’intérieur. C’est drôle de voir cet aspect de la chose : on peut détruire la nature, mais elle sait revenir ».
Pour Matt Gonin, on ne fait pas non plus assez attention à l’écologie : « On en parle, mais peu de personnes agissent. Si on ne fait rien, c’est notre génération qui va prendre. » Mais pour Evan Walter, ce n’est pas sans espoir : « Quand on regarde tout ce que nos constructions ont endommagé, cette nature a réussi à trouver une nouvelle place dans notre monde. »
Apprendre à se servir des outils numériques
Matt Gonin a apprécié « chercher des endroits où faire des photos » : « On est aussi allé dans une forêt pour voir une écurie, mais il n’y avait plus que la base… et plein de nature ! » Ils y auraient pris leur plus belle photo, mais ne l’ont pas incluse au photoreportage. Peut-être, car cela aurait entaché la cohérence de celui-ci, qui se déroule essentiellement dans un seul endroit. Cet exercice particulier, a été réalisé en dix séances, hors cours, avec leurs professeurs de Médialab, où ils apprennent « à pratiquer et toucher au montage vidéo, apprendre comment on compose une photo », détaille l’enseignant Hubert Chartier.
Pour la génération smartphone, « le plus facile était de faire les photos : ils avaient compris qu’il fallait varier les plans, trouver des points de vue originaux. Le plus difficile pour eux était de faire les commentaires, relate l’enseignant d’histoire-géographie. Ils sont très vite arrivés avec de belles images. On leur a dit qu’il fallait aussi que ça raconte une histoire ». Avec l’aide des professeurs, les élèves ont donc scénarisé leur reportage. Et Hubert Chartier, qui n’avait pas ce groupe Médialab en cours, se souvient encore de la trame de ce « paysage post-moderne, avec une revanche de la nature sur l’humain ».
Dire que le collège est un lieu où on peut prendre du plaisir.
Matt Gonin faisait essentiellement partie du Médialab pour ce reportage photo, qu’il était fier de présenter à d’autres classes. Evan Walter voulait en voir tous les enseignements : « J’étais intéressé par tout ce qui touche aux journaux, médias, et ce qui se passe en ce moment : de plus en plus de choses sont diffusées par les réseaux, donc ça touche plus les jeunes. Je voulais voir comment ça se passait, pour un potentiel métier futur. C’est toujours une option, mais il y en a d’autres sur ma liste », s’interroge le lycéen. Il a donc apprécié apprendre à se maîtriser des appareils numériques et logiciels, et toucher au rédactionnel.
Pour Hubert Chartier et l’équipe enseignante du Médialab, l’objectif n’est pas de faire de leurs élèves de futurs journalistes, mais de « maîtriser de nouveaux langages : l’image, et le commentaire ». Par ces réalisations, ils doivent aussi apprendre le travail d’équipe pour de futurs projets. Mais ce qui semble important dans ce club volontaire, c’est de « dire que le collège est un lieu où on peut prendre du plaisir. Je trouve ça important de vivre des moments sympas en étant productifs », conclut le professeur.
Face au phénomène de la déforestation nous avons créé un reportage photo pour montrer que la nature ne se laisse pas faire. Pour réaliser ce reportage, nous sommes allés dans une maison abandonnée.