À Bordeaux, les affiches féministes n’ont pas fleuri que dans la rue. Depuis septembre dernier, des messages dénonçant le sexisme ont envahi les murs du lycée Michel de Montaigne.
Le projet « Les Apprenti·e·s » est un programme d’éducation aux médias développé par l’association Les Ami·e·s de Far Ouest. Dans ce feuilleton, nous donnons la parole à des jeunes qui s’essaient à l’écriture ou l’audiovisuel. Cet article a été écrit par Mali Nkoumou, élève de terminale au lycée Michel de Montaigne, dans le cadre d’un stage à la revue Far Ouest.
« Le féminisme est une grande partie de ma vie. » Marie a tout juste 18 ans, et admire les collages féministes depuis le tout début du mouvement. Un jour, elle scrolle sur Twitter quand elle tombe sur le compte d’une étudiante qui colle des messages féministes sur les murs de sa fac. « Ça a été un déclic. » À son tour, Marie a eu envie de rejoindre le mouvement et de l’amener jusque dans son lycée. « Mon but était de permettre aux lycéens d’en parler. C’est un sujet qui touche tout le monde, en particulier les jeunes filles. »
Elle entre à peine en terminale quand elle commence à réunir une vingtaine de filles autour du projet. « Ça a commencé par un groupe Instagram, qu’on a appelé ‘Collages féministes Montaigne’ », explique Marie.
Pendant plusieurs jours, le groupe de filles échange sur les réseaux sociaux autour de leur projet de collage. Elles débattent entre elles et choisissent une dizaine de slogans : « Les hommes trans sont des hommes », « mon corps, mes choix » ou encore « ma tenue se passe de tes commentaires ». Des messages forts, qui méritent encore d’être martelés, pour Marie. « Le sexisme est encore trop présent dans notre société. Ces messages servent aussi à rappeler qu’un viol, une agression, ça n’arrive pas qu’aux autres. »
30 Septembre 2020 : le jour J
Après plusieurs jours de discussion, une dizaine de filles du groupe passent à l’action lors de la pause déjeuner. Elles impriment des messages sur des feuilles A4, écrivent au marqueur sur d’autres. En une heure, elles collent une cinquantaine d’affiches dans les couloirs du lycée, les toilettes, la cour, partout où elles le peuvent.
Ces messages servent aussi à rappeler qu’un viol, une agression, ça n’arrive pas qu’aux autres
« Sans les autres filles, je ne l’aurais pas fait, avoue Marie. C’est parce qu’on s’est toutes motivées et encouragées que j’ai eu la force de le faire. » Elle se souvient surtout de « l’adrénaline » procurée en posant les affiches, mêlée à la peur de la réaction des surveillants s’ils les surprenaient. « L’un d’eux nous a pourtant vues coller nos affiches, mais il n’a rien dit. »
« Ça ne va pas changer grand-chose »
Les jours qui ont suivi le collage, les réactions des lycéennes face aux affiches ont été globalement positives. « C’est une bonne idée », reconnaît Lumila Rey, élève de terminale au lycée Michel de Montaigne. Inès Bensalah, elle aussi élève de terminale, confie s’être « reconnue dans des messages » écrits sur les murs.
Côté garçons, le ressenti est différent : « C’est une bonne idée », selon Elliot Hidié, mais pour lui, « ça ne va pas changer grand-chose ». « Les anciennes générations sont plus fermées d’esprit, elles sont de la vieille époque. Aujourd’hui, les choses sont en train d’évoluer », poursuit-il. Pour autant, selon Lola Tétu, elle aussi en terminale, les garçons du lycée ne s’attardent pas sur les messages collés aux murs. « Peu de garçons regardent les affiches. C’est dommage ! »
Au fil du temps, certaines affiches ont été arrachées par la pluie, le vent… Six mois après le collage, seule une dizaine d’affiches restent visibles sur les murs du lycée. Malgré les nombreux retours positifs, Marie reste persuadée que la dégradation d’affiches serait aussi le fait de certaines personnes du lycée. « Sur une des affiches, on pouvait lire ‘céder n’est pas consentir’ », explique-t-elle. Quelque temps après le collage, la négation a été supprimée pour inverser le sens du message. Pour elle, c’est aussi ce genre de dégradations qui « favorisent la culture du viol » et « perpétuent les injustices au sein de la société ».
Une boîte solidaire dans les toilettes des filles
Suite aux collages féministes, une autre lycéenne, Charlotte Diez, a eu envie d’agir à son tour. Quatre mois seulement après le collage, elle a décidé d’agir au sein du lycée en mettant à disposition une boîte solidaire de protections hygiéniques dans les toilettes des filles, en libre service. Le principe est simple : tout le monde peut déposer des serviettes ou des tampons dans une petite boîte en carton mise en évidence dans les toilettes, ou bien se servir selon les besoins.
« Je me suis souvent retrouvée dans une situation compliquée, car je ne prévois pas forcément de protection hygiénique dans mon sac », confie Charlotte. Parfois, elle a même été forcée de mettre du papier toilette dans ses sous-vêtements. « Cette boîte sert à toutes les filles qui n’ont pas eu le temps d’aller en acheter, ou pour qui les protections sont trop chères. »
Un deuxième collage ?
Six mois après le collage, Marie regrette le peu d’impact que les collages ont eu du côté des enseignants ou de l’administration. « J’aurais voulu qu’on parle davantage de féminisme suite aux collages du lycée, avec les enseignants par exemple, ou faire venir des associations pour débattre avec elles. » Aucun professeur n’a pour l’instant évoqué la question du féminisme en cours.
Marie n’abandonnera pas pour autant ses convictions : « Je réfléchis actuellement à de nouveaux projets de collages au sein du lycée, dans l’idée de continuer mon combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes. » De nouveaux collages pourraient voir le jour très prochainement au lycée Michel de Montaigne.