Depuis quelques-jours, des centaines d’affichettes honorant la mémoire des 102 femmes mortes en France en 2019 sous les coups d’un compagnon, d’un mari, ou d’un ex-mari, ont fleuri sur les murs de Bordeaux. Les slogans sont cinglants, sans détours. Une action spectaculaire menée par une trentaine de jeunes femmes, toutes décidées à « dénoncer l’inacceptable ». Reportage.
« Elle le quitte, il la tue. » Des passantes marquent un temps d’arrêt devant ce message, visible en lettres capitales au cœur d’une rue passante de la capitale girondine. Anna, 40 ans, est formelle : « Cela me parle, bien sûr. Nous connaissons toutes au moins une femme, dans nos différents cercles d’amis, qui est victime de violences conjugales. Et ce, même quand nous ne croyons pas en connaître », assène-t-elle, l’air grave.
Dans les rues adjacentes, d’autres affichettes mettent un prénom et un âge sur les 102 féminicides comptabilisés depuis le début de l’année 2019 en France. « Je ne sais pas qui a collé cela. Je vois ces messages de manière très positive. C’est important, il faut en parler », commente Alexis, un jeune homme de 27 ans. La preuve. Lui, comme d’autres, marque un temps d’arrêt quand on évoque cette terrible statistique : en France, en 2019, une femme meurt des mains de son conjoint ou de son ex-compagnon toutes les quarante-huit heures.
MISE EN RÉSEAU
Quelques heures plus tôt, elles sont plusieurs dizaines à s’activer dans une bâtisse bordelaise du quartier Nansouty. Il y a quelques jours encore, ces jeunes femmes, pour la majorité, ne se connaissaient pas. La plupart ne faisaient pas non plus partie d’organisations féministes. Charlotte Monasterio, 28 ans, est, avec une poignée d’autres, à l’origine de cette action : « Cette méthode du collage a tout d’abord été menée à Marseille il y a plusieurs mois, sous l’impulsion de Marguerite Stern, une militante féministe, ancienne des FEMEN. Elle a renouvelé cette opération à Paris où elle vit à présent, en axant les messages sur les féminicides, et en se mettant en contact via les réseaux sociaux avec d’autres jeunes femmes. Nous nous sommes emparées de cette dynamique, et nous sommes organisées en créant un groupe sur Instagram. »

Rapidement, le réseau social sature, et un groupe sur une messagerie téléphonique voit le jour. Elles sont désormais une soixantaine dessus à échanger quotidiennement. Lila, 23 ans, étudiante en langues, analyse : « C’est positif que des jeunes femmes puissent commencer leurs premières expériences militantes par des actions concrètes, dans la rue, sans passer par la maîtrise de prérequis indispensables pour intégrer certaines organisations. » Béka Kowalski, 30 ans, abonde : « C’est un féminisme plus populaire, plus accessible. Pas besoin d’avoir lu des ouvrages comme ceux de Simone de Beauvoir pour intégrer cette dynamique, comme cela est souvent le cas dans certaines plateformes militantes, très intellectuelles. »
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