Épisode 5
2 minutes de lecture
Mercredi 20 mars 2019
par Clémence POSTIS
Clémence POSTIS
Journaliste pluri-média Clémence a pigé pour des médias comme NEON Magazine, Ulyces, Le Monde ou encore L'Avis des Bulles. Elle est également podcasteuse culture pour Radiokawa et auteure pour Third Éditions.

Marie-Claire Kakpotia Moraldo est née en Côte d’Ivoire. Excisée à l’âge de 9 ans par une tante, elle choisit de faire en 2016 une opération de reconstruction pour devenir « une femme entière, comme toutes les femmes ». Aujourd’hui elle s’occupe de l’association Les Orchidées Rouges, basée à Mérignac, pour aider les femmes victimes de mutilations sexuelles à se reconstruire. Physiquement et psychologiquement.

Propos recueillis par Clémence Postis

Le guet-apens culturel

Je suis née dans le nord de la Côte d’Ivoire en 1982. J’ai été victime d’une mutilation sexuelle à l’âge de neuf ans, par une tante. Des pièges sont tendus aux petites filles, elles croient généralement qu’elles vont à une fête.

L’excision n’est pas liée à une religion. Dans ma région d’origine, tout le monde pratique l’excision : les chrétiens, les musulmans, les animistes… c’est culturel. Une femme n’est accomplie dans la société africaine que lorsqu’elle est mariée. Les mamans excisent leur petite fille pour leur garantir un avenir, autrement dit avoir un mari. Dans la plupart des communautés qui pratiquent l’excision, aucun homme ne veut d’une femme non excisée, ils la considèrent comme une femme impure, frivole.

Ce n’est pas pratiqué dans tous les pays et dans toutes les régions. En Côte d’Ivoire par exemple, environ la moitié des femmes sont excisées, principalement dans l’ouest et le nord ; en Égypte ou en Indonésie, elles sont beaucoup plus nombreuses. De petites filles vont demander à être excisées parce que pour elle c’est la normalité.

Je voulais retrouver le bout de moi que l’on m’avait enlevé.

Aujourd’hui, il y a un léger recul de cette pratique, grâce à beaucoup de sensibilisation et une pénalisation. Les gens ont peur, mais ils se cachent pour le faire quand même. Il y a encore beaucoup de travail pour éradiquer l’excision.

La reconstruction

Je suis arrivée à Marseille il y a une douzaine d’années, et j’ai repris mes études. J’ai vécu neuf ans là-bas sans vraiment me poser la question d’une opération de reconstruction. Mon ex-mari m’en a parlé, mais je ne voulais pas le faire. Quand j’ai divorcé, j’ai eu envie de me retrouver avec moi-même, mais il me manquait quelque chose.

Au même moment j’ai lu une interview de la chanteuse Inna Modja où elle parlait de son excision, de sa reconstruction et de ce que cela lui avait apporté : je cherchais la même chose. J’ai décidé de me reconstruire pour me dire « enfin je suis normale. Je suis une femme entière comme toutes les femmes. » Je voulais retrouver le bout de moi que l’on m’avait enlevé. […]

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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Courage.
Qu’ils portent de grandes causes ou qu’ils luttent au quotidien pour leur survie, nous avons voulu vous raconter ces courageux et ces courageuses, qui souvent s’ignorent.

Clémence POSTIS
Journaliste pluri-média Clémence a pigé pour des médias comme NEON Magazine, Ulyces, Le Monde ou encore L'Avis des Bulles. Elle est également podcasteuse culture pour Radiokawa et auteure pour Third Éditions.
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