32 élèves de seconde au lycée Sud-Médoc La Boétie (Taillan-Médoc) ont rédigé le webmagazine « pupille » en suivant le thème du harcèlement scolaire. Des rubriques concernant des textes législatifs ou lectures, des témoignages… Le magazine, primé par le prix académique Médiatiks 2020 catégorie « Lycée », offre 20 pages complètes et diversifiées pour prévenir le harcèlement.
Le projet Les Apprenti·e·s est un programme d’éducation aux médias développé par l’association Les Ami·e·s de Far Ouest. Dans ce feuilleton, nous donnons la parole à des jeunes qui s’essaient à l’écriture ou l’audiovisuel. Que leurs réalisations soient d’initiative scolaire, associative ou individuelle, notre plateforme les valorise. Des lycéennes nous partagent leur magazine, Pupille, focalisé sur le harcèlement scolaire.
« On a tous été témoins de quelqu’un de très exclu ou qu’un groupe embêtait », évoque Lola Béziat-Robin, élève de première au lycée Sud-Médoc La Boétie, à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux. Depuis un an et demi, l’établissement sensibilise jeunes et adultes au sujet du harcèlement scolaire. Véronique Ballet, professeure de français, a donc souhaité impliquer les élèves dans un projet pédagogique autour de ce thème.
La documentaliste, Sylvie Bernini, a alors suggéré d’y dédier un webmagazine avec la classe de seconde. Pupille, paru en juin 2020, regroupe plusieurs formats pour évoquer ce thème. « Petits, nous n’avions pas forcément les informations pour nous rendre compte de la gravité et réagir. Donc je trouve ça important d’en parler pour que les personnes qui en sont témoins puissent se rendre compte que ce n’est pas banal et le stopper », poursuit Lola.
Dans notre lycée, beaucoup d’évènements sont prévus autour du harcèlement, mais nous n’avons rien eu au collège. Pourtant, c’est dans ces établissements que se déroulent la plupart des faits de harcèlement scolaire.
« On a eu une classe particulièrement réactive et très intéressée par le projet ! s’exclame la documentaliste qui s’engage encore aujourd’hui sur le sujet du harcèlement au sein du lycée. Quand j’ai vu le résultat, je l’ai envoyé au concours Mediatiks : malgré tout, même si on ne gagne pas, c’est toujours intéressant d’avoir le regard de professionnels sur le travail des élèves. » Finalement, ce magazine en ligne sur lequel 32 élèves ont travaillé pendant six semaines a reçu le prix académique 2020 du CLEMI, catégorie lycée.
Le sujet du harcèlement « fait écho à quelque chose de très actuel », soulève Satine Saint-Girons. Aujourd’hui en première, elle a rédigé avec son amie Orane Lalanne-Tisne deux témoignages, tirés de leurs expériences personnelles. Cette dernière a réalisé, dans le cadre d’un atelier webradio avec deux de ses camarades, un micro-trottoir cette année pour sonder les lycéens sur la définition du harcèlement scolaire que l’un qualifie d’« abomination ». Elles auraient aimé une sensibilisation au harcèlement scolaire plus précoce : « Dans notre lycée, beaucoup d’évènements sont prévus autour du harcèlement, souligne-t-elle, mais nous n’avons rien eu au collège. Pourtant, c’est dans ces établissements que se déroulent la plupart des faits de harcèlement scolaire. »
Témoigner pour sensibiliser
Dans le récit et l’interview qui suivent, Orane et Satine témoignent de l’importance du soutien des adultes : « Les professeurs sont quand même là pour nous aider, avertit cette dernière. Ce sont les adultes dont on est le plus proche, comparé aux surveillants et conseillers principaux d’éducation qu’on ne connaît pas. » Sa camarade Orane nuance : cela dépend également « de la manière dont ce professeur va gérer le problème ». Tous ne sont pas formés sur ces questions et doivent apprendre comment réagir alors qu’ils sont déjà en poste.
« Nous voyons souvent des témoignages dans les magazines. Puis notre professeure de français nous a proposé de varier les formes », se souvient Orane. Celle-ci a donc pris la parole sur son expérience au cours d’une interview, rédigée en binôme avec Satine. Cette dernière a quant à elle témoigné dans un récit corrigé par son amie.
Le récit
Satine écrit régulièrement pour elle, des mots qu’elle n’aime pas divulguer. Mais ce témoignage, dans lequel la lycéenne affirme que « c’est plus simple de garder ça pour soi », elle a souhaité le rendre public. Rédigé une nuit, dans un élan « à quatre heures du matin », il témoigne d’un harcèlement sexuel subi au collège et de ses conséquences :
L’interview
Sa camarade Orane aborde le harcèlement scolaire qu’elle a subi au collège. Pour cet exercice, les deux jeunes n’ont pas fait de réelle interview, mais ont « fait cela au fur et à mesure. Nous avons réfléchi ensemble aux questions qu’on pouvait poser, pour que je raconte mon histoire sans oublier d’éléments importants », explique l’élève de première. Pour elle aussi, en parler aux adultes a été salvateur, mais n’a eu « aucun effet » à l’extérieur :
Communiquer avec harceleurs et harcelés
Dans cette même classe, Lola Véziat-Robin a également participé à Pupille. Celle-ci n’a jamais été ni harcelée ni harceleuse, mais a pensé à rédiger une lettre ouverte à ces derniers, écrite à trois plumes. « D’abord, nous avons regardé des exemples de lettres ouvertes » car elle n’en avait jamais écrite, détaille-t-elle. Puis le groupe s’est lancé dans une recherche « pour mieux comprendre le profil des harceleurs » : « Au CDI, nous avons cherché des livres et témoignages de harceleurs et harcelés. C’était compliqué de parler à quelqu’un dont on ne comprend pas la raison pour laquelle il agit. Il fallait trouver un juste milieu : ne pas tomber dans l’insulte ni dans l’empathie. » Finalement, la lettre s’adresse à ceux qui suivent le « gourou », « et qui ne se rendent pas compte. C’est plus simple que de parler à celui qui a conscience qu’il veut faire du mal », éclaircit-elle, avant de conclure qu’« un harceleur n’est rien sans ses suiveurs ».
Lola s’est prise dans le sujet après l’avoir compris. Sa page dédiée aux harceleurs répond à celle d’en face, qui s’adresse aux harcelés dans une démarche positive incitant à parler. Et l’une ne va pas sans l’autre précise Lola : « On a voulu faire correspondre les deux lettres ouvertes, alors nous avons travaillé en commun jusqu’à la dernière étape de la rédaction. » Même les dessins des deux pages, réalisés par une lycéenne également, se répondent :