Décryptage #7
3 minutes de lecture
Jeudi 17 avril 2025
par Amandine Sanial et Ana Hadj-Rabah
Amandine Sanial
Journaliste souvent, photographe parfois, Amandine a collaboré avec Télérama, M le magazine du Monde ou encore Rue89 avant de couvrir l’actualité police-justice pour une agence de presse à Paris. De retour d’un long voyage à travers l’Europe, l’Asie centrale et l’Inde, elle a posé ses valises dans le Sud-Ouest.

L’expulsion des étrangers sans papiers : voilà une marotte politique qui revient souvent dans la débat. Mais savez-vous ce qu’est un « CRA », où on enferme ces étranger·es ?

C’est quoi, un CRA ?

Un CRA, ou centre de rétention administrative, est un lieu d’enfermement dans lequel on place des personnes étrangères dans le but de les expulser vers leur pays d’origine. Elles ne sont pas là parce qu’ellesauraient commis un crime ou un délit,mais parce qu’elles n’ont pas de titre de séjour en règle. En gros, un CRA, c’est une sorte de prison qui ne dit pas son nom. 

En France, ces centres existent depuis 1981. On en compte 25 pour environ 1500 places au totalDont deux en Nouvelle-Aquitaine, à Hendaye et Bordeaux. Ce dernier est le plus petit du territoire : il compte une vingtaine de places et se trouve au sous-sol du commissariat de police.

barbelés

Les conditions de rétention dans les CRA sont régulièrement jugées indignes par les associations et les élus locaux : une fois à l’intérieur, les retenu·es – c’est ainsi qu’on les appelle – peuvent se déplacer librement dans le centre mais ont l’interdiction d’en sortir. Mais surtout, aucune activité ne leur est proposée, iels passent leur temps à attendre.

Qui enferme-t-on dedans ?

Par définition, toutes les personnes en irrégularité administrative : des personnes exilées frappées par une mesure d’expulsion, souvent car le titre de séjour leur a été refusé ou est périmé. En 2021, sur les15 000 personnes qui ont été enfermées en CRA, 95 % étaient des hommes. Mais 76 enfants ont aussi été enfermés dans ces enceintes anxiogènes en France métropolitaine, bien que la Cour européenne des droits de l’Homme ait condamné 9 fois l’État français pour l’enfermement d’enfants dans des centres de rétention.

Parmi les retenus au CRA de Bordeaux en 2021, plus d’un quart sont des ressortissants algériens. Un problème d’autant plus important que l’Algérie refuse de plus en plus d’accueillir ses ressortissants visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF)

Balance de la justice

C’est quoi le problème avec les CRA ?

D’abord, la loi prévoit que l’enfermement soit utilisé en dernier recours« La rétention ne devrait pas être la norme. Ce qui devrait l’être, c’est l’assignation à résidence. Mais les politiques ne sont pas dans cette logique-là », explique Soizic Chevrat, coordinatrice juridique aux CRA de Lille, Metz et Strasbourg. « C’est une logique adoptée par les politiques qui pensent qu’en enfermant de plus en plus les personnes en situation irrégulière, cela flattera l’opinion publique. » Une mesure d’autant plus contestable que selon la Cimadeen 2021, plus de la moitié des personnes retenues ont finalement été libérées. C’est-à-dire qu’ils peuvent être assignés à résidence ou remis en liberté sur le sol français. 

Ensuite, les conditions d’enfermement posent question. Les centres rappellent toujours l’univers carcéral : barbelés, grillages et présence policière 24h/24. Dans les CRA, les tensions et le stress font partie des murs et des drames s’y produisent régulièrement. En mars 2021, après 17 jours d’enfermement, un homme de 27 ans est retrouvé mort dans le CRA de Bordeaux après une « surdose d’anxiolytiques et de somnifères absorbés volontairement ».

Partout, les associations telle que la Cimade pointent les conséquences graves et irréversibles d’un enfermement sur la santé physique et psychique des retenu·es, d’autant plus que la durée moyenne d’enfermement ne fait qu’augmenterLes retenu·es du CRA ne bénéficient pas d’une équipe médicale suffisante, les personnes souffrant de maladie mentale ne sont pas suivies.

Amandine Sanial
Journaliste souvent, photographe parfois, Amandine a collaboré avec Télérama, M le magazine du Monde ou encore Rue89 avant de couvrir l’actualité police-justice pour une agence de presse à Paris. De retour d’un long voyage à travers l’Europe, l’Asie centrale et l’Inde, elle a posé ses valises dans le Sud-Ouest.
Dans le même feuilleton

La pollution lumineuse en 3 questions

En Nouvelle-Aquitaine, la région s’est fixé pour objectif de devenir la première région étoilée de France avant 2030. De nombreuses communes ont déjà pris des mesures pour...

3 questions sur le jeu vidéo en Nouvelle-Aquitaine

Saviez-vous que depuis le milieu des années 1990, la région est un territoire incontournable du jeu vidéo ?

3 questions sur l'accès à l'IVG en campagne

Depuis mars, l’avortement est reconnu comme une « liberté fondamentale » dans la Constitution. Pourtant, en Nouvelle-Aquitaine, comme dans d’autres régions, le manque de centres...

Le pétrole de Nouvelle-Aquitaine en 3 questions

L’extraction pétrolière dans le Sud Gironde et dans les Landes, c’est une histoire méconnue de l’après-guerre. Une histoire qui perdure jusqu’à nos jours : un premier avis...

3 questions pour comprendre la Sécurité sociale de l'alimentation

À Bordeaux comme ailleurs, les files de distributions alimentaires ne désemplissent pas. Du producteur au consommateur, l’alimentation pose de vraies questions en France. À la...

La chasse en Nouvelle-Aquitaine en 3 questions

La question d’interdire la chasse un jour par semaine (voire pour de bon) continue de faire débat. Mais connaissez-vous vraiment la chasse dans votre région ?

Comprendre les Centre de Rétention Administrative en 3 questions

L'expulsion des étrangers sans papiers : voilà une marotte politique qui revient souvent dans la débat. Mais savez-vous ce qu'est un "CRA", où on enferme ces étranger·es ?

Le vin de Bordeaux & les nazis en 3 questions

Sous l’Occupation, de nombreux vignobles ont collaboré avec l’ennemi, en fournissant du vin aux soldats allemands et en l’exportant vers Allemagne.

Tout savoir sur les collages féministes en 3 questions

Apparus à la fin de l’été 2019, les collages féministes se sont invités dans toute la France, y compris en Nouvelle-Aquitaine.

Ces épisodes pourraient vous intéresser
N°1 : Courage

Le #1 : Courage

Le #1 : Courage

Après trois ans d’existence, nous sommes partis à la conquête du support papier et de sa proximité avec un semestriel. Au fil des années, vous avez été de plus en plus...
En vrai, en vrac

Des femmes et des fûts

Des femmes et des fûts

Déconstruire les clichés tenaces liés à leur genre et donner de la visibilité à leurs actions locales, tels sont les objectifs du collectif des femmes brasseuses de...
Soutenez Revue Far Ouest !

Nous avons besoin de 1 000 nouvelles souscriptions pour continuer à exister.

Découvrir nos offres d’abonnement