L’expulsion des étrangers sans papiers : voilà une marotte politique qui revient souvent dans la débat. Mais savez-vous ce qu’est un « CRA », où on enferme ces étranger·es ?
C’est quoi, un CRA ?
Un CRA, ou centre de rétention administrative, est un lieu d’enfermement dans lequel on place des personnes étrangères dans le but de les expulser vers leur pays d’origine. Elles ne sont pas là parce qu’ellesauraient commis un crime ou un délit,mais parce qu’elles n’ont pas de titre de séjour en règle. En gros, un CRA, c’est une sorte de prison qui ne dit pas son nom.
En France, ces centres existent depuis 1981. On en compte 25 pour environ 1500 places au total. Dont deux en Nouvelle-Aquitaine, à Hendaye et Bordeaux. Ce dernier est le plus petit du territoire : il compte une vingtaine de places et se trouve au sous-sol du commissariat de police.

Les conditions de rétention dans les CRA sont régulièrement jugées indignes par les associations et les élus locaux : une fois à l’intérieur, les retenu·es – c’est ainsi qu’on les appelle – peuvent se déplacer librement dans le centre mais ont l’interdiction d’en sortir. Mais surtout, aucune activité ne leur est proposée, iels passent leur temps à attendre.
Qui enferme-t-on dedans ?
Par définition, toutes les personnes en irrégularité administrative : des personnes exilées frappées par une mesure d’expulsion, souvent car le titre de séjour leur a été refusé ou est périmé. En 2021, sur les15 000 personnes qui ont été enfermées en CRA, 95 % étaient des hommes. Mais 76 enfants ont aussi été enfermés dans ces enceintes anxiogènes en France métropolitaine, bien que la Cour européenne des droits de l’Homme ait condamné 9 fois l’État français pour l’enfermement d’enfants dans des centres de rétention.
Parmi les retenus au CRA de Bordeaux en 2021, plus d’un quart sont des ressortissants algériens. Un problème d’autant plus important que l’Algérie refuse de plus en plus d’accueillir ses ressortissants visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF)

C’est quoi le problème avec les CRA ?
D’abord, la loi prévoit que l’enfermement soit utilisé en dernier recours. « La rétention ne devrait pas être la norme. Ce qui devrait l’être, c’est l’assignation à résidence. Mais les politiques ne sont pas dans cette logique-là », explique Soizic Chevrat, coordinatrice juridique aux CRA de Lille, Metz et Strasbourg. « C’est une logique adoptée par les politiques qui pensent qu’en enfermant de plus en plus les personnes en situation irrégulière, cela flattera l’opinion publique. » Une mesure d’autant plus contestable que selon la Cimade, en 2021, plus de la moitié des personnes retenues ont finalement été libérées. C’est-à-dire qu’ils peuvent être assignés à résidence ou remis en liberté sur le sol français.
Ensuite, les conditions d’enfermement posent question. Les centres rappellent toujours l’univers carcéral : barbelés, grillages et présence policière 24h/24. Dans les CRA, les tensions et le stress font partie des murs et des drames s’y produisent régulièrement. En mars 2021, après 17 jours d’enfermement, un homme de 27 ans est retrouvé mort dans le CRA de Bordeaux après une « surdose d’anxiolytiques et de somnifères absorbés volontairement ».
Partout, les associations telle que la Cimade pointent les conséquences graves et irréversibles d’un enfermement sur la santé physique et psychique des retenu·es, d’autant plus que la durée moyenne d’enfermement ne fait qu’augmenter. Les retenu·es du CRA ne bénéficient pas d’une équipe médicale suffisante, les personnes souffrant de maladie mentale ne sont pas suivies.