Alors qu’on s’approche dangereusement d’un réchauffement à +1,5 °C, est-ce que l’écologie peut rester un sujet marginal dans le sport ?
Si vous êtes fans de foot, vous avez certainement passé votre week-end suspendus à votre TV pour regarder Bordeaux — Blois ou Poitiers — Saint-Brieuc.
Mais saviez-vous que le football français émet plus de 1 800 000 tonnes de CO₂ par an ? C’est ce qu’a révélé le mois dernier le think tank le Shift Project dans son rapport « Décarbonons le sport » invitant à repenser ses modèles économiques.
La Nouvelle-Aquitaine n’est pas épargnée. En plus des événements habituels elle a récemment accueilli certains matchs de la coupe du monde de rugby 2023 et des Jeux olympiques de Paris 2024. Deux gros moments où on a un peu parlé d’écologie… Mais pas trop quand même.
Qu’est-ce qui pollue dans le sport ?
Tout ! Si vous êtes adepte de course à pied, vous avez peut-être participé au semi-marathon de Bordeaux cette année. Une belle fête, des milliers de coureurs dans les rues… Et pourtant, derrière l’exploit sportif, c’est un autre chiffre qui donne le vertige : 200 tonnes de CO₂ émises à chaque édition. L’équivalent de ce qu’un Français moyen produit en un an. La faute à quoi ? Aux déplacements, principalement. Et c’est là que ça surprend : plus des deux tiers des participants vivent déjà dans le département.
« On observe la même chose dans tous les sports. Selon la taille des événements sportifs, le transport est responsable entre 70 et 90 % des émissions », résume Olivier Bessy, sociologue spécialiste du sport durable à l’université de Pau. « Aller s’entraîner, partir en compétition, assister à un match : on prend la voiture. Ou pire, l’avion pour les événements sportifs professionnels. »
En Nouvelle-Aquitaine, c’est encore plus flagrant pour les sports collectifs : à chaque match, ce sont des milliers de supporters qui affluent. Et il y a aussi tout ce qu’on ne voit pas. Les stades qui tournent à plein régime, même quand les gradins sont vides. Les projecteurs allumés en plein jour. Les pelouses arrosées toute l’année. Le stade Matmut Atlantique par exemple consomme autant d’électricité en un an que 500 familles réunies.
Vous pensez être épargné·e parce que vous partez en rando entre amis près de chez vous ? Raté. Ces pratiques aussi laissent des traces. « Les dunes, par exemple, sont des milieux fragiles. Elles subissent une érosion accélérée dès qu’il y a des rassemblements pour des trails ou des courses de VTT », explique Olivier Bessy.
Pour d’autres disciplines « nature », il faut aussi compter l’impact du matériel. Une planche de surf de 3 kilos génère à elle seule 6 kilos de déchets toxiques lors de sa fabrication. Résines, solvants, néoprène… Des matériaux ni recyclables ni biodégradables.
Faire du sport à +2 degrés ça ressemble à quoi ?
À +2 °C, faire du sport ne sera plus une évidence. Au-delà de 32 °C, toute activité physique devient risquée, selon le Fonds national pour la nature. Avec +2 °C sur le thermomètre, on dépasserait ce seuil 24 jours de plus par an. Autrement dit : 24 jours où courir, pédaler ou simplement bouger dehors deviendra franchement déconseillé. À +4 degrés, on perdrait deux mois.
Forcément, les performances vont en prendre un coup. Difficile d’imaginer battre des records quand l’organisme lutte en permanence contre la chaleur. Sans parler de la qualité de l’air car plus il fait chaud, plus la pollution augmente et avec elle, les risques respiratoires. Faire du sport demandera plus d’effort, pour moins de résultats.
Les compétitions devront s’adapter : repenser leurs calendriers, ou déménager vers des régions plus fraîches. C’est déjà ce qui se profile pour les sports d’hiver ! À +2 °C, seules trois stations des Pyrénées pourront encore garantir un enneigement suffisant. À +4 °C, aucune n’y survivra.
Tout le tissu sportif est concerné : les clubs, les infrastructures de proximité, les équipements du quotidien… En France, 80 clubs de voile sur 576 seront menacés par la montée des eaux. Et plus de 60 000 salles de sport pourraient devenir impraticables, faute de conditions adaptées.
Est-ce que le sport peut avoir un effet positif sur l’environnement ?
Alors, il y en a déjà quelques-uns. « Il ne faut pas oublier que certaines pratiques encouragent la préservation des milieux naturels pour garantir une qualité de jeu et de pratique », souligne le sociologue Olivier Bessy. Randonnée, plongée, trail… Pour exister, ces activités ont besoin d’un environnement sain, ce qui pousse à sa protection. Certains clubs et fédérations l’ont bien compris et s’engagent dans des démarches écologiques comme l’entretien des sentiers, le nettoyage des plages et encouragent une gestion raisonnée des espaces naturels.
Mais pour que l’impact de ces initiatives soit pleinement positif, une transformation plus profonde est nécessaire. « Le dérèglement climatique est une conséquence de nos modes de consommation, cette logique du toujours plus fort, toujours plus grand, toujours plus d’argent. Il faut donc travailler en amont : réduire la voilure de certains événements, penser plus sobre, plus simple. », explique le sociologue.
Le problème c’est que si sur le principe tout le monde est d’accord pour rendre les événements plus verts, dans les faits ça coince. Une étude de l’International Trail Running Association (ITRA) montre ce paradoxe : 77 % des coureurs se disent prêt à soutenir davantage des événements axés sur la durabilité, mais 22 % seulement paieraient plus pour financer ces initiatives.