L’extraction pétrolière dans le Sud Gironde et dans les Landes, c’est une histoire méconnue de l’après-guerre. Une histoire qui perdure jusqu’à nos jours : un premier avis favorable a été rendu pour forer de nouveaux puits de pétrole sur le sol.
Le coup de loupe
Ça existe le pétrole made in France?
Alors, on va se calmer tout de suite : la production pétrolière en France, c’est une goutte d’or noir ! En 2021, les puits français ont livré à peine plus de 1 % de la consommation nationale. Quant aux réserves, même à ce rythme de goutte-à-goutte, elles s’épuiseront au bout de 27 ans.
Autre problème : les gisements français ne crachent pas comme dans le générique de Dallas. « Notre » pétrole (ça fait bizarre autant à écrire qu’à lire) s’avère plutôt de bonne qualité, mais il est piégé dans de petites poches géologiques complexes à extraire. Résultat, il faut employer la manière forte… et coûteuse ! À moins de 50 dollars le baril, le pétrole français coûte plus cher à sortir qu’il n’en rapporte à la pompe.

Malgré cela, les entreprises pétrolières et gazières tentent le coup chaque fois qu’une occasion se présente. Début des années 2000, la hype des gaz de schiste américains avait laissé espérer une ruée vers les hydrocarbures français : la technique consistant à balancer des tonnes d’eau à haute pression pour briser des roches à grande profondeur et du sable pour garder les fissures ouvertes. De quoi accéder à des gisements impossibles à exploiter jusqu’ici. Ce qui avait motivé la demande d’une pelletée de permis d’exploration en Île-de-France, Paca et Occitanie.
L’actu nous ramène en Nouvelle-Aquitaine : une demande a été déposée pour creuser de nouveaux puits sur un vieux permis du Sud gironde.
Mais, c’est pas un peu anachronique de creuser des puits de pétrole en pleine crise climatique?
En tout cas, une loi aurait du l’empêcher. Présenté en Conseil des ministres le 6 septembre 2017 par le ministre de l’Écologie d’alors Nicolas Hulot, le projet de loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures affichait l’ambition d’interdire tout nouveau permis ou forage à compter de 2040. Ce qui aurait pu propulser la France sur le podium en en faisant le deuxième pays après le Costa Rica à tourner la page du pétrole. Vous imaginez le progrès ?
Contentez-vous d’imaginer, car ce n’est pas cette loi-là qui a été débattue au Parlement. Passant par la porte du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, les pétroliers avaient foré dans le texte pour le vider de sa substance. Une stratégie bien sournoise : contrairement aux auditions et aux amendements, les communications avec ces deux instances ne sont pas publiques.

En tout cas, si on n’en fait pas la demande. Sauf que, justement, les documents ont été demandés et l’on a découvert les idées qu’une poignée de groupes d’intérêt avaient fait valoir.
À côté des arguments classiques du genre « cette loi menace une filière d’excellence », pourvoyeuse d’emplois, dynamisant nos territoires (notamment le gisement de Lacq, dans les Pyrénées Atlantique), les lobbies avaient invoqué le « droit de propriété ». C’est tordu, mais voilà l’idée : vu l’argent dépensé pour ces permis d’hydrocarbures, limiter les possibilités des entreprises entraverait la protection des investissements. Et les messages ont été intégrés à la loi, l’air de rien.
C’était qui ces lobbies qui ont torpillé l’interdiction d’exploiter du pétrole?
D’après les documents récupérés par les Amis de la Terre et l’Observatoire des multinationales, trois organisations ont manœuvré : le Medef (le syndicat des entreprises françaises, côté patrons), l’Union française des industries pétrolières (syndicat patronal de la branche) et un cabinet d’avocat spécialisé mandaté par la société pétrolière Vermilion Energy.
D’après la haute autorité pour la transparence de la vie publique, cette entreprise aurait dépensé plus d’un demi-million d’euros de lobbying rien que sur cette loi. En même temps, ça peut se comprendre : première société productrice de pétrole en France, cette entreprise canadienne détient une bonne partie des permis pétroliers sur le territoire.
Et, vous allez rire : c’est Vermilion qui demande à forer de nouveaux puits à Cazaux, en Gironde.