« On peut presque prédire quelle sera la trajectoire scolaire d’un élève à six ans et c’est extrêmement problématique. » Vos enfants rentrent à l’école ? Votre famille, vos revenus et votre environnement social et culturel influencent déjà sa réussite au bac. Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’Éducation nous parle de la nouvelle réforme du bac et des inégalités scolaires au Festival International de Journalisme.
Vos enfants rentrent à l’école ? Votre famille, vos revenus et votre environnement social et culturel influencent déjà sa réussite au bac. Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’Éducation nous parle de la nouvelle réforme du bac et des inégalités scolaires au Festival International de Journalisme.
Selon Najat Vallaud-Belkacem, la nouvelle réforme scolaire creusera les inégalités. « On peut presque prédire quelle sera la trajectoire scolaire d’un élève à six ans et c’est extrêmement problématique. Ça veut dire qu’on ne répond pas à la mission qui devrait être celle de la République d’offrir une ascension sociale naturellement par l’éducation.
La réforme du lycée dit : “On va mettre fin aux séries,”, mais elle les remplace par un mécanisme d’options distribuées de façon très inégale sur le territoire. Or, il est non seulement demandé aux élèves de les choisir très tôt dans leur scolarité, mais en plus elles auront un impact pour les élèves devenus bacheliers dans le fait d’avoir ou non-accès à l’enseignement supérieur de leur choix. Maintenant, la réforme Parcoursup prévoit que vous n’êtes admis dans une filière de l’enseignement supérieur que si vous avez les “prérequis” et dans les prérequis, il y a les options que vous avez prises.
C’est une forme de sélection que je trouve assez injuste parce que basée sur des critères territoriaux. Vous rajoutez la réforme du bac qui pose de vraies questions sur la valeur universelle du baccalauréat lorsque la part du contrôle continu sera telle que vous aurez un bac par établissement scolaire. Or, on sait qu’aujourd’hui, tous les lycées ne se valent pas en termes de réputation. »
Selon les chiffres officiels, 36 % des enfants d’ouvriers obtiennent un baccalauréat général en 2017, contre 80 % d’enfants de cadres.
« La famille, l’environnement économique, social et culturel dans lesquels vous êtes né·e va influencer votre réussite ou votre échec à l’école. La France fait malheureusement partie des pays dans lesquels ce déterminisme social est le plus prégnant donc explique pour une part beaucoup trop importante les trajectoires des élèves, leur réussite, leurs échecs, la façon dont ils vont accéder à l’enseignement supérieur ou pas, aux grandes écoles ou pas, etc.
On ne peut se contenter d’avoir des réseaux d’éducation prioritaire pour dire : ‘Ça y est, on a résolu le problème de l’inégalité dans l’éducation en France.’ Si on veut vraiment attaquer les déterminismes sociaux, il faut, me semble-t-il, jouer au moins sur trois choses.
– La première, c’est la démocratisation véritable de ce qui fait la réussite. Donc concrètement, offrir du périscolaire aux enfants qui n’ont pas les moyens de se payer des activités artistiques et culturelles, financer les séjours à l’étranger pour que chaque enfant en fasse l’expérience faire en sorte que l’accès aux langues étrangères soit offert à tous.
– La deuxième chose qui me paraît essentielle, c’est que si on veut de l’égalité de réussite, il faut veiller à la mixité sociale et scolaire. C’est beaucoup plus précieux de mélanger les enfants, expériences, profils, et histoires pour avoir un enrichissement les uns par les autres aussi, parce que les enfants apprennent beaucoup de leurs pairs.
– Et le troisième sujet qui me paraît essentiel c’est la question de la pédagogie. Donc il faut faire évoluer la pédagogie vers des enseignements plus explicites, vers plus de travail en pratique, ou de travail collectif entre élèves, vers plus d’interdisciplinarité pour que les élèves comprennent mieux le sens de ce qu’ils apprennent. Donc la question de la pédagogie a un impact sur la lutte contre les inégalités scolaires.
Ce qui est problématique, c’est de laisser s’installer cette concurrence entre établissements publics et privés qui est une concurrence, en réalité, déloyale. Là où il y a déloyauté, c’est que, d’une certaine façon, on aura des élèves qui ‘vont mieux’, socialement parlant, dans le privé et c’est ce qui va rassurer les parents. On peut comprendre que ça puisse les rassurer, mais on ne peut comprendre que ça devienne un projet de société pour les pouvoirs publics.
Et comment on ne laisse pas perdurer cette situation ? En venant très vite agir sur l’établissement scolaire qui est ‘fui’. C’est aussi développer dans ces établissements, des offres attractives pour qu’ils soient des établissements d’excellence. »