Épisode 27
3 minutes de lecture
Mercredi 12 mai 2021
par Louise Saubade
Louise Saubade
Jeune journaliste plurimédia, je me passionne pour les nouvelles écritures numériques, en particulier la vidéo web et le podcast. Je m’intéresse de près aux sujets de société, culture, solidarité, initiatives et solutions, mais aussi aux questions de genre et à l’actualité internationale. Mais mon premier amour demeure et restera l’information de proximité.

Depuis sa création, il y a deux ans, le mouvement des collages féministes n’a cessé d’évoluer. Les colleur·euses féministes utilisent l’affichage sauvage pour lutter en faveur des droits des femmes et des minorités de genre. Désormais, iels s’emparent de la rue en plein jour, aux yeux de tous, avec un mode opératoire bien spécifique aux manifestations.

Les colleur·euses utilisent l’affichage sauvage, un moyen d’expression issu de la désobéissance civile non-violente, afin de dénoncer les injustices et éveiller les consciences, toujours sous le prisme d’un féminisme intersectionnel. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, iels ont pris part à la grève féministe organisée à Bordeaux par diverses associations.

Blue, 19 ans, fait partie du collectif Collages féministes de Bordeaux. « Le mouvement des colleur·euses, c’est un mouvement qui s’est fédéré à Paris, à l’été 2019, raconte la jeune femme aux cheveux bleus. Des personnes ont décidé de commencer à coller les noms des personnes qui ont été assassinées, les féminicides. À Bordeaux, ça s’est fédéré en septembre 2019. C’est assez rapidement devenu « Collages féministes » au lieu de « Collages féminicides », lorsqu’il y a eu la scission avec la personne qui a été à l’origine de ce mouvement. »

Car contrairement à elle, les colleur·euses défendent « un féminisme intersectionnel, qui accepte les personnes trans, non binaires, les personnes voilées, les personnes qui sont des travailleur·euses du sexe. On ne colle pas uniquement sur des sujets qui sont féministes, poursuit Blue. En fait, on colle sur toutes les injustices qui vont nous toucher. Par exemple, récemment, on a fait beaucoup de collages sur les Ouïghours, on a collé sur les personnes qui ont été expulsées de la Zone libre à Cenon. Dès qu’il y a une injustice quelconque qui va nous sauter aux yeux, on va coller sur le sujet pour essayer d’informer les gens dessus. C’est le plus important, d’éduquer les gens. »

Des acteur·ices de l’ombre

Blue a rejoint les colleur·euses de Bordeaux il y a quelques mois : « J’ai connu le groupe en voyant les collages dans la rue. J’avais prévu d’aller coller moi-même parce que je ne savais pas comment rejoindre le collectif. Et en fait, totalement par hasard, j’ai rencontré quelqu’un qui faisait partie du collectif, et par le biais de cette personne, j’ai pu le rejoindre. »

Peu de temps après son arrivée, la jeune militante assiste à la fédération des collages durant les manifestations. « Traditionnellement, on opère la nuit, quand tout le monde dort, on est un peu des acteurs et des actrices de l’ombre, témoigne-t-elle. Avant, le collage en manifestation, ce n’était pas quelque chose qu’on faisait spécialement, mais depuis celles concernant la loi Sécurité globale, c’est quelque chose qu’on a vraiment mis en place. »

Néanmoins, ce nouveau mode opératoire ne met pas en danger l’intégrité des jeunes militant·es. « En manifestation, on sait qu’on peut coller en plein jour parce qu’on est protégé, avance Blue. Déjà, on se protège entre nous, on se cache, on ne colle pas réellement devant les gens, on a des moyens de se cacher grâce aux pancartes. » Le collage en manifestation, « c’est un moyen de se faire entendre en plus, affirme la jeune femme. C’est aussi un moyen de montrer aux gens qu’on existe, parce que souvent, on ne nous voit pas, on voit les collages apparaître mais on ne voit pas qui est derrière. De plus, on sait que la foule ne va pas nous jeter des pierres, ni appeler la police parce qu’on est en train de coller, on est énormément soutenu à chaque fois par les manifestants. Ce sont des moments qui sont très forts. »

Un féminisme ouvert et inclusif

Un profil type des colleur·euses se dessine : « La plupart du temps, les gens qui rejoignent le collectif, ce sont des gens qui n’ont aucune expérience dans le militantisme auparavant, analyse Blue. Ce sont des personnes qui sont toutes nouvelles, qui arrivent dans ce milieu, qui viennent un peu de se déconstruire au niveau du féminisme, qui ont envie d’agir. Je pense que c’est une très bonne option, justement pour commencer, et tout le monde peut nous rejoindre. Faire partie des colleur·euses, c’est un très bon moyen de commencer dans le militantisme, parce qu’en fait c’est quelque chose de relativement simple : c’est simple d’aller coller une feuille de papier avec de l’eau et de la farine en guise de colle », conclut la militante.

Car le mouvement des colleur·euses se veut avant tout inclusif. « Je sais que souvent, il y a des gens qui ont peur de se sentir illégitimes pour coller pour différentes raisons, et à chaque fois je leur dis qu’il ne faut pas, martèle Blue. Pour nous, ce qui est très important, c’est le féminisme intersectionnel.  Tout le monde est légitime de faire partie du féminisme, que ce soit des personnes cis, blanches, hétéros, ou des personnes qui font partie de la communauté LGBTQIA+, des personnes qui sont racisées, des personnes qui sont neuroatypiques, des personnes handicapées… Tout le monde est légitime d’en faire partie et il ne faut laisser personne vous dire le contraire. »

Louise Saubade
Jeune journaliste plurimédia, je me passionne pour les nouvelles écritures numériques, en particulier la vidéo web et le podcast. Je m’intéresse de près aux sujets de société, culture, solidarité, initiatives et solutions, mais aussi aux questions de genre et à l’actualité internationale. Mais mon premier amour demeure et restera l’information de proximité.
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