En France, les patient·es en psychiatrie sont dirigé·es vers un service en fonction de leur lieu d’habitation. Mais comment fait-on lorsqu’on n’a pas de lieu d’habitation, lorsqu’on vit dans la rue ou en exil forcé ? Depuis 2010, l’équipe mobile psychiatrie précarité (EMPP) de l’hôpital Charles Perrens accompagne ces patient·es en situation d’exclusion sociale. Dans son diaporama sonore réalisé à l’occasion des dix ans de l’unité, la journaliste Eloïse Bajou raconte une décennie de psychiatrie “hors les murs ».
Depuis 2010, l’équipe mobile psychiatrie précarité (EMPP) de l’hôpital Charles Perrens accompagne des patient·es en situation d’exclusion et de précarité. « L’EMPP, donc équipe mobile psychiatrie précarité, est un type de service que l’on retrouve dans les centres hospitaliers psychiatriques en général et qui est dédié à l’accueil et la prise en charge, l’accompagnement des personnes sans domicile fixe », précise Eloïse Bajou.
Ancienne soignante en psychiatrie, la journaliste indépendante a réalisé un diaporama sonore sur l’EMPP de Charles Perrens à l’occasion des dix ans de l’unité de soin, la première de son genre.
En France, la psychiatrie est sectorisée : les patient·es sont orienté·e vers un service en fonction de leur lieu d’habitation, « ce qui pose énormément de soucis pour les personnes sans domicile fixe, poursuit la journaliste. Ces personnes-là développent des pathologies particulières liées à leur situation de fragilité sociale, à leur parcours d’errance souvent. »
Des histoires individuelles
Les équipes mobiles psychiatrie précarité ont développé une expertise sur ces accompagnements.
« C’est un service qui s’adresse à des personnes dans des situations d’extrême vulnérabilité, d’exclusion sociale, d’absence de revenus, raconte Eloïse Bajou. On n’est pas du tout dans la représentation de la psychiatrie classique. »
Le point d’honneur est mis sur l’accueil et à la prise en compte des histoires individuelles de ces personnes. Le service psychiatrique travaille en collaboration avec d’autres institutions, telles que les services sociaux et les centres d’hébergement. « Tout ce travail de tissage de liens permet de replacer l’individu au cœur de la société, avance l’ex-soignante. Et c’est vraiment ça, le cœur de leur travail. »
Un format adapté
À l’occasion de leur dix ans, l’équipe a souhaité garder une trace de leur histoire ainsi que de l’expertise développée au fil du temps. Iels ont alors proposé à Eloïse Bajou, elle-même passée par Charles Perrens en tant qu’infirmière, de réaliser un documentaire sur leur travail.
« Je suis venue dans le service très régulièrement sur une année, à l’occasion de journées, sur 2-3 jours, raconte-t-elle. Je me suis donc invitée dans les ateliers, dans les entretiens, en posant mon micro dans un coin de la pièce pour pouvoir saisir l’ambiance du lieu. Une fois que la confiance a été créée, j’ai pu aussi venir avec mon appareil photo en restant discrètement dans un coin. »
Selon la journaliste, le format du diaporama sonore était particulièrement indiqué dans ce travail puisqu’il permet de préserver l’anonymat des personnes et le respect de leur intimité. « J’ai pu gagner la confiance des usagers essentiellement grâce à l’équipe qui m’a vraiment ouvert les portes, reconnaît Eloïse Bajou. Elle a été facilitatrice de ce lien de confiance qui existait déjà entre les patient·es et l’équipe. »
Un service qui accueille
Ainsi, en prenant le temps et en expliquant sa démarche, Eloïse Bajou est parvenue à gagner la confiance des patient·es, « qui n’ont eu aucun mal à accepter et à prendre part au projet, avec beaucoup de sincérité et de motivation pour certain·es. »
« Une des personnes rencontrées durant ce travail qui m’a le plus marquée, confie-t-elle, c’est probablement le patient qui témoigne sur la longueur, qui sert un peu de fil conducteur, qui livre un témoignage absolument indispensable sur qu’est-ce qu’on vit psychiquement quand on est ballotté, quand on est en errance, quand on fuit un pays et ce qui se passe dans la rencontre avec un service qui accueille. »
Car aux yeux de la journaliste, ce témoignage « extrêmement fort » donne la définition même de ce que devrait être « le travail d’accueil des services, mais aussi de la société en général ».