Inspecteur des finances à la retraite dans le Lot-et-Garonne, Rémy Garnier a passé sa carrière à se battre contre la fraude. Jusqu’à entrer en scène dans l’affaire Cahuzac, dont il a été l’un des premiers lanceurs d’alerte.
Nous étions prévenus, sa maison est difficile à trouver. Pour rencontrer Rémy Garnier, rendez-vous était donné devant la mairie de Laroque-Timbaut, dans le Lot-et-Garonne. C’est de là qu’il nous a guidés, en voiture, jusqu’à son domicile; une maison en pleine campagne, au fond d’une impasse. La vue sur la vallée est aussi dégagée que « la baraque est reculée », comme l’écrivait Le Canard enchaîné, au plus fort de l’affaire Cahuzac.
Du jardin, nous accédons directement à son bureau. Un lieu que nous imaginons rempli de piles de dossiers, témoin d’années de travail en tant qu’inspecteur des finances. Elles lui ont valu d’excellentes notes et le surnom flatteur de « Columbo », dont il a été affublé autant pour ses qualités d’enquêteur que pour son imperméable beige.
Sauf que ce ne sont pas des dossiers professionnels qui occupent la grande armoire située en face de l’entrée, mais les dossiers juridiques de ses différents procès. Entre 2003 et 2016, Rémy Garnier initie 19 recours devant le tribunal administratif, sans compter ses procédures au pénal. Toutes recensées dans un tableur auquel il se réfère régulièrement pour ne pas se perdre dans les dates.
Malgré sa bonne réputation et ses excellentes appréciations, Rémy Garnier n’a pas toujours fait le bonheur de sa hiérarchie. Son imperméable toujours vissé sur les épaules, les cheveux grisonnants, l’ex-agent du fisc pèse chaque mot. Il a toujours le regard perçant, comme s’il cherchait toujours la vérité. « Le vrai combat a commencé avec France-Prune », souffle-t-il.
Ses premiers démêlés avec l’administration fiscale
France-Prune, du nom d’une coopérative de producteurs de pruneaux que Rémy Garnier contrôle en 1999. « J’ai notifié des redressements en matière d’impôt sur les sociétés, validés par ma hiérarchie, qui m’appelait à poursuivre mes investigations. » Ce qu’il ne sait pas, en revanche, c’est que dans le même temps, la coopérative se tourne vers un député afin d’obtenir la clémence de l’administration. Ce député, c’est Jérôme Cahuzac, qui intervient directement auprès de Christian Sautter alors secrétaire d’État chargé du Budget.
Quelques mois plus tard, Rémy Garnier est invité par ses supérieurs à annuler tous les redressements prononcés. « J’ai trouvé ça parfaitement scandaleux, s’époumone Rémy Garnier. Si une décision politique est prise sur un dossier, ce n’est pas à moi de le signer, mais au ministre. »
Droit dans ses bottes, il rédige en décembre 1999 une note annulant les redressements, mais dans laquelle il déclare maintenir ses conclusions. Cet épisode marque le début de dix ans de conflits avec sa hiérarchie. Curieusement, en 2001, il est à nouveau saisi d’un dossier de vérification de France-Prune, alors qu’il est d’usage que les vérificateurs n’interviennent pas deux fois auprès de la même société. « C’est là où j’ai eu tort, parce que j’ai pris ça pour une reconnaissance de mon travail antérieur, pour une marque de confiance. J’ai accepté, je n’aurais pas dû », reconnaît Rémy Garnier. Aujourd’hui, avec le recul, il y voit un piège tendu par ses supérieurs. […]
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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Courage.
Qu’ils portent de grandes causes ou qu’ils luttent au quotidien pour leur survie, nous avons voulu vous raconter ces courageux et ces courageuses, qui souvent s’ignorent.