Quelque part en Corrèze, au milieu des bois, une poignée de cabanes se fondent dans le paysage. Organisés en collectif, ses habitants n’ont pas choisi la forêt pour s’y cacher, mais pour la sauver, quitte à être hors-la-loi.
Pas de pancarte, pas d’adresse. Le long de la départementale entre Chasteaux et Nespouls, à une quinzaine de kilomètres au sud de Brive-la-Gaillarde, une boîte aux lettres en bois avec un ruban vert indique le chemin. Sur le sentier rocailleux qui s’enfonce dans la vallée, le chant des oiseaux couvre peu à peu le vrombissement des moteurs.
Le décor est boueux. Un bruit de succion annonce l’approche d’une paire de bottes. Jonathan Attias apparaît alors, tout sourire. Il retient une branche à hauteur des premières cabanes comme il tiendrait la porte par politesse. Là, au cœur d’une forêt qu’ils ont eux-mêmes plantée, vivent des hommes et des femmes qui construisent des toits au-dessus de leur tête et se nourrissent de ce qui pousse.
Jonathan Attias et Caroline Perez sont arrivés deux ans plus tôt. En sillonnant la France à la recherche d’un lieu où s’installer en pleine nature avec leurs filles, ils ont rencontré François, heureux propriétaire d’une cabane où il a fait son nid, et désireux de partager sa simplicité volontaire. Depuis, le collectif s’est agrandi et compte désormais sept personnes réparties dans quatre foyers.
Four solaire et machine à pédales
Les rayons du soleil matinal font briller les carreaux des maisonnettes en terre. Seules les vitres – récupérées en déchetterie – et la bâche servant à isoler le toit ne sont pas compostables. Les murs de bottes de foin enduits d’argile peuvent retourner à la terre. Une petite terrasse en bois avec vue sur la vallée sert d’entrée à la cabane où vivent Caroline et Jonathan. À l’intérieur, une pièce unique chauffée par un poêle à bois au milieu, comme dans les yourtes mongoles. La famille vit ici avec le nécessaire, ni trop ni trop peu : un coin cuisine raccordé à une source, un bureau, des livres disposés dans un filet et une petite douche « pour que les filles puissent se laver à l’eau tiède », confie Caroline. Jonathan et elle se lavent à l’eau froide, dans une résurgence en contrebas.
Des coups sourds résonnent dans la forêt. Près du potager, Justine répare une porte en bois en lui donnant des coups de maillet réguliers, pendant qu’Adrian la maintient sur des tréteaux. Ici, on vit en communauté, mais chacun organise sa journée comme il l’entend. Deux fois par semaine, une réunion et un dîner rassemblent tout le collectif autour d’une table. Les autres jours, on se retrouve pour construire une hotte, bêcher le jardin ou pour partager ses dernières lectures.
La vie en cabane suit le rythme des saisons : à l’été ses tomates, l’hiver ses carottes. Ce que le potager ne leur donne pas, ils le récupèrent des invendus d’une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) ou du magasin bio du coin. Pour le reste, les cours que dispense Jonathan à la fac et son travail de journaliste pour une radio locale suffisent. […]
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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Courage.
Qu’ils portent de grandes causes ou qu’ils luttent au quotidien pour leur survie, nous avons voulu vous raconter ces courageux et ces courageuses, qui souvent s’ignorent.