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Vendredi 11 septembre 2020
par LA RÉDACTION
LA RÉDACTION
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Même si les classes populaires passaient plus de temps sur les devoirs que les autres, la « continuité pédagogique » des deux mois sans école a creusé les inégalités. Romain Delès est revenu sur son enquête menée avec Filippo Pirone du Centre Emile Durkheim pendant le confinement auprès de 64 000 établissements scolaires.

« Il vaut mieux l’école à l’école que l’école à la maison si on veut éviter le creusement des inégalités. Néanmoins, l’école à l’école telle qu’elle se met en place depuis le 11 mai, ce n’est pas une vraie école : la responsabilité de l’éducation scolaire reste endossée par les familles. »

Pour évaluer l’impact de la « continuité pédagogique » sur les inégalités, Romain Delès et Filippo Pirone, chercheurs à l’université de Bordeaux, ont mené une enquête auprès de 64 000 établissements scolaires et reçu 30 000 réponses entre avril et juin. Romain Delès nous livre leurs premières analyses.

« On voit que 90 % des parents répondants disent avoir le temps pour faire la classe à la maison, et il n’y a pas de variation entre les milieux sociaux. Les classes populaires déclarent passer 3 h 16, en moyenne, par jour à l’accompagnement scolaire, contre 3 h 13 dans les classes moyennes, 3 h 7 dans les classes supérieures, et même 2 h 58 chez les enseignant·e·s. Ça remet en cause cette espèce de mythe de la démission parentale dans les milieux populaires.

Malheureusement, la “continuité pédagogique”, c’est-à-dire l’école à la maison est clairement plus inégalitaire que l’école à l’école. »

Mais pourquoi ?

La nature des exercices.

« On demandait aux parents s’ils faisaient faire des exercices alternatifs, en rapport indirect avec la leçon, et dans ces techniques d’accompagnement, on se rend compte que les classes supérieures sont plus actives.

Les classes populaires sont dans des stratégies d’acquisition du savoir scolaire qui sont très directes : on récite la leçon, on est en parfaite adhésion avec la consigne formelle. Néanmoins, on ne mène pas, dans ces milieux-là, tout un travail de décodage de la consigne scolaire.

Donc on a vraiment des styles pédagogiques qui sont socialement différenciés. Or, les savoirs scolaires reposent sur des implicites, et il y a des familles capables de décrypter ces implicites, et d’autres laissées à leurs schémas de perception qui sont plus immédiats. »

Les différences générationnelles

« Le taux de bacheliers dans une génération passe de 30 % en 1985 à 60 % en 1995. Les enfants sont confrontés, parce qu’ils vont dans des scolarités de plus en plus longues, à des apprentissages scolaires de plus en plus sophistiqués, et les familles restent peu diplômées, donc font face à la difficulté d’accompagner leurs enfants. »

La fracture numérique

« Il existe effectivement des inégalités d’équipements, mais elles ne sont pas très élevées : 11,4 % des familles populaires déclarent avoir une connexion qui pose problème, contre 8,9 % des familles de catégorie sociale supérieure.

Par contre, quand on pose une question sur le sentiment de compétence informatique, on se rend compte que l’écart est beaucoup plus important : 45 % des classes supérieures se sentent tout à fait capables de répondre aux exigences techniques, numériques, de l’école à la maison, contre seulement 31 % des classes populaires. »

Des relations saines

« On a posé une question assez simple : ‘Avez-vous de bonnes relations avec vos enfants hors période de confinement ?’ À peu près 80 % des parents qui déclarent avoir de bonnes ou plutôt bonnes relations avec leurs enfants.

Juste après, on pose la même question, mais on dit : ‘Dans l’expérience spécifique de l’école à la maison ?’ Et là, les choses changent. On observe une aggravation des relations dans tous les milieux. On passe de 80 % de bonnes relations à 76 % de bonnes relations dans les classes supérieures. Mais quand on regarde dans les familles populaires, on passe de ces 80 % à 68 %. Une relation apaisée, sereine, bienveillante, va créer un climat favorable aux apprentissages.

Ce qu’on demande aux parents quand on leur demande d’être patients, c’est de retrouver finalement une forme de distance relationnelle qui est celle de la relation qui existe à l’école entre l’élève et le maître.

Néanmoins, quand on donne à l’Éducation nationale, à l’instruction publique, le pouvoir de former autrement que par la culture familiale, on fabrique plus d’égalité entre les milieux sociaux. Donc la solution est probablement à chercher dans une éducation scolaire plus forte et plus égalitaire. »

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