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Vendredi 28 février 2025
par Clémence POSTIS
Clémence POSTIS
Elle est la rédactrice en chef de Revue Far Ouest. Elle a produit de nombreux articles, émissions de télévision et réalise également des documentaires. Elle est passionnée par les questions du féminisme et du genre, ainsi que par la culture geek.

Saviez-vous que depuis le milieu des années 1990, la région est un territoire incontournable du jeu vidéo ?

L’industrie française du jeu vidéo a généré 5,6 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2022 : 776 titres ont été commercialisés et 1257 jeux étaient encore en cours de production. Une petite entreprise qui ne connait pas la crise comme on dit.

On produit des jeux vidéo en Nouvelle-Aquitaine ?

En Nouvelle-Aquitaine, on ne fait pas que du vin et de l’huile de noix ! La région est particulièrement active dans la production de jeux vidéo et un acteur clé du développement de l’industrie en France. On peut citer A Plague Tale : Innocence d’Asobo Studio, Dead Cells de Motion Twin, Northgard de Shirogames et même Assasin’s Creed Mirage d’Ubisoft. Des jeux 100 % locaux qui ont connu un succès critique et commercial.

Et ce dynamisme commence dès l’école. La Nouvelle-Aquitaine peut compter sur un écosystème riche en studios, mais aussi en formation de talents : il existe 23 écoles spécialisées dans le jeu vidéo. Bordeaux, Poitiers, La Rochelle, Angoulême… Chaque année, plus de 2000 étudiant·es sortent de ces formations et sont prêt·es à rejoindre les studios de la région.

La Nouvelle-Aquitaine est la troisième région de France où l’industrie du jeu vidéo est la plus active (après l’Île-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes). Une place que les politiques publiques prennent en compte : la région soutient la création via des subventions comme le Fonds d’Aide à la Création de Jeux Vidéo. En 2023, la région a ainsi alloué un budget de 500 000 euros pour ce fond.

Mais quel rapport entre le jeu vidéo et la Nouvelle-Aquitaine ?

On ne s’y attend pas forcément, mais la Nouvelle-Aquitaine, et notamment Bordeaux, a une place historique dans l’industrie du jeu vidéo en France. Tout commence dans les années 1990, avec la création de studios pionniers à Bordeaux, comme Kalisto. Aujourd’hui oublié du grand public, il a pourtant été un des plus grands studios français à l’époque. Il a marqué une génération de créateur·ices et a contribué à structurer l’écosystème régional.

Kalisto est fondé en 1990 par Nicolas Gaume. Il se fixe l’objectif de rivaliser avec les grands noms du jeu vidéo mondial, en misant tout — et avec succès — sur l’innovation et des graphismes marquants. Le studio connaît une expansion rapide, multiplie les projets et entre en bourse en 1999. Cette opération attire les investisseurs, et la valeur de Kalisto atteint plusieurs millions d’euros. La success story semble garantie.

Mais qui dit expansion dit dépenses élevées et difficulté de gestion. Kalisto prend des risques financiers en investissant sans réellement compter et souffre de retards de développement répétés sur ces mêmes projets. Ajoutez à cela l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000, qui affecte gravement les entreprises technologiques, et Kalisto fait faillite en 2002.

Même si c’est un échec, le dynamisme actuel du secteur est un héritage direct de Kalisto. Le studio a été une pépinière de talents — Asobo notamment a été fondé par une dizaine d’anciens de Kalisto —, une source d’inspiration quant à ses ambitions internationales, mais aussi une véritable leçon sur les risques économiques et les erreurs de gestion à ne pas reproduire.

Certes, mais le jeu vidéo c’est surtout du pan-pan-boum-boum sans intérêt, non ?

Le jeu vidéo est un secteur dynamique : en 2022, l’industrie française du jeu vidéo a généré 5,6 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Face à de tels chiffres, il est tentant de résumer le secteur à une industrie florissante. C’est ce succès financier qui a notamment convaincu les politiques publiques de s’intéresser au secteur et de le soutenir. Mais c’est aussi ce succès qui efface l’aspect artistique pour mettre l’accent uniquement sur l’aspect commercial.

Pourtant, le jeu vidéo est, par essence, une œuvre collaborative qui mobilise plusieurs arts traditionnels. Comme les arts visuels, la musique ou encore la littérature et la narration. A Plague Tale : Innocence, développé par le bordelaisAsobo Studios est un jeu d’aventure qui prend place dans une France médiévale particulièrement sombre. L’aventure propose un récit complexe et émouvant, avec une narration qui s’inspire des grandes œuvres littéraires.

Un jeu vidéo est aussi une expérience visuelle qui demande un travail artistique comparable à celui des peintres ou des illustrateurs. C’est le cas notamment de Dordogne, développé par le Studio Un Je Ne Sais Quoi et Umanimation. Ce jeu narratif s’appuie sur une esthétique spécifique : celle de l’aquarelle. Comme pour l’industrie du cinéma, il existe des jeux blockbuster centrés uniquement sur le divertissement, et des petites productions indépendantes avec une vision d’auteur·ice.

Clémence POSTIS
Elle est la rédactrice en chef de Revue Far Ouest. Elle a produit de nombreux articles, émissions de télévision et réalise également des documentaires. Elle est passionnée par les questions du féminisme et du genre, ainsi que par la culture geek.
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