À Bordeaux, les travaux de la Villa Shamengo sont suspendus depuis le 3 janvier dernier. Le projet de construction de la maison-école-laboratoire subit depuis son annonce en 2017 l’opposition de la part des habitants du quartier de la Bastide. Plus qu’une querelle de voisinage, la collision de ces deux mondes raconte notre rapport à l’espace public, l’environnement et l’urbanisation.
L’année 2020 vient à peine de débuter. Le 3 janvier, les résidents de l’allée Serr sont réveillés par le bruit des tractopelles et des camions. Les engins slaloment entre les pieux déjà plantés pour évacuer les rondins de bois restants. Les poteaux devaient servir de fondation à l’édifice. Mesurant plus d’un mètre de haut et ayant la largeur d’un arbre, ils rappellent étrangement les colonnes de Buren. Le tribunal administratif de Bordeaux l’a décidé : les travaux de la Villa Shamengo, situés rive droite, sont suspendus.
L’opposition de l’association citoyenne pour la conservation et la promotion des espaces libres de la Bastide (Acpel) aura donc eu raison — provisoirement — de ce projet de villa écoresponsable après un référé en urgence le 3 janvier dernier.
La Villa Shamengo ? Un projet colossal et démontable, composé d’un grand édifice de 1 000 m², avec verrières sur tous les côtés, jardin, terrasse, cuisine et chambres en son cœur. L’objectif de ce lieu est de promouvoir un nouvel art de vivre autour de quatre valeurs : prendre soin de soi, créer dans l’éthique, préserver la planète et s’engager pour les autres. Lieu de vie, d’apprentissage et d’expérimentation. Elle réunira, en un même lieu, la production, la consommation, l’éducation et les loisirs du futur.
La présidente de la communauté Shamengo, Catherine Berthillier, souhaite « la construction d’un Nouveau Monde en respectant l’environnement ». Une vingtaine de personnes doit vivre sur place alors que 150 innovations seront exposées au grand public. Le bâtiment devait être construit en un an pour ensuite rester sur place durant cinq années, avant de migrer vers une autre ville.
Nathalie Blanc est directrice du Centre des Politiques de la Terre à l’université de Paris et experte de la nature en ville et de l’esthétique environnementale. Pour elle, ce projet s’apparente au « phénomène des Grands Voisins ». Qualifié aussi d’urbanisme occupationnel, le réaménagement de l’ex-hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, en est la genèse.

L’hôpital désaffecté a été transformé en laboratoire urbain. En 2015, trois associations ont décidé d’utiliser le temps de vacance du site pour y expérimenter de nouvelles formes d’occupation de l’espace. Concrètement, il est un endroit de partage qui s’adapte à l’environnement ambiant et centralise plusieurs dizaines d’associations, d’artisans et de jeunes entreprises développant leurs activités. Le tout dans une interaction essentielle avec les habitants du quartier et de la ville alentour.
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