La pandémie et le confinement qui en a découlé ont conduit beaucoup de professionnels à se tourner vers leur assurance, espérant voir leur perte d’exploitation être en partie prise en charge. En vain, le plus souvent, le secteur se réfugiant derrière des clauses d’exclusion. Une habitude, semble-t-il, bien plus qu’un comportement exceptionnel en cette période si particulière…
Photo de couverture : Markus Spiske

Notre objectif : 1 000 nouvelles souscriptions d’ici le 30 novembre, pour un média double format, à la fois web et papier.
S’il est une chose que l’on ne peut pas reprocher à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), c’est d’être un repaire de trotskistes enragés. La vénérable institution, intégrée à la Banque de France, fait généralement preuve d’une réserve toute diplomatique et ses sanctions sont pour le moins mesurées.
En 2016, le « gendarme de l’assurance » n’avait ainsi délesté les fraudeurs que de 6,5 millions d’euros, une demi-paille pour un secteur qui avait généré, la même année, 208 milliards de cotisations. Certes, d’autres amendes ensuite -10 millions à BNP Paribas en 2017, 50 millions à la Banque Postale en 2018, par exemple — avaient illustré une sévérité légèrement accrue. Mais voir l’ACPR, début mai, annoncer ouvrir une enquête sur les assureurs qui refusent d’indemniser leurs clients pour les pertes subies durant le confinement est tout de même un petit événement. Et pourrait aboutir, éventuellement, à un dédommagement de certains assurés, qui en seront avertis en juillet.
« Les contrats sont bien verrouillés »
Qu’elle débouche ou non sur des résultats concrets, cette démarche est en tout cas significative du retentissement que trouve actuellement le désarroi de nombre de professionnels. « Entre avril et octobre, tous mes week-ends sont généralement pris », explique Marion, photographe de mariage à Bordeaux. « Là, tout a été décommandé en avril, mai et même juin. Et pour juillet et août, les annulations commencent à arriver », constate, dépitée, la jeune femme. « Bien sûr, les mariages seront reportés, mais à des moments où j’aurai déjà d’autres engagements. Le chiffre d’affaires de ces mois-là ne sera jamais rattrapé. »

Ayant souscrit une garantie perte d’exploitation, la photographe s’est tournée, dès le début du confinement, vers son assurance. « Et on m’a expliqué que je n’avais droit à rien, n’ayant pas subi de dommages matériels. » Un refrain servi à presque tous les professionnels, à commencer par ceux qui en ont le plus besoin, dont les restaurateurs. Avec, parfois, des mésaventures particulièrement cruelles, comme pour Tanguy Laviale, le chef étoilé de Garopapilles, à Bordeaux.
Dans un premier temps, lui aussi s’est vu opposer un refus d’indemnisation de la part de son assureur. « Et quelques jours plus tard, il m’a rappelé en expliquant qu’il allait “faire un geste” et rembourser en partie mon manque à gagner », détaille le jeune chef. « J’ai dû rassembler de multiples documents, consacrer beaucoup de temps au montage du dossier, que j’ai envoyé rapidement. » En vain : l’assureur le recontacte pour lui dire que finalement, au regard du nombre de clients concernés, il lui reviendrait trop cher de les indemniser.
Anecdote surréaliste, dont transpire un manque de considération et de respect que constatent beaucoup de professionnels en ce moment. « La discussion n’a même pas été possible », regrette le chef rochelais Christopher Coutanceau, fraichement distingué par trois étoiles au Michelin. « Le seul fait de donner les denrées que nous avions, pour ne pas les jeter, représente un préjudice de 10 000 euros, auxquels s’ajoute la perte d’exploitation de nos deux restaurants. Mais l’assurance n’a rien voulu entendre, jouant sur les mots, les clauses, pour nous expliquer pourquoi nous n’avions droit à aucune indemnisation. »
Cet article est réservé aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter
Nous avons besoin de 1 000 nouvelles souscriptions pour continuer à exister.
Découvrir nos offres d’abonnement