Ils sont près de 2.500 sur l’ensemble du département de la Gironde. Extrêmement actifs politiquement, les Kurdes envahissent régulièrement l’espace public afin d’exposer leurs revendications aux yeux de tous. Pour autant, la question kurde demeure méconnue, voire souvent mal comprise. Focus.
Photo de couverture : Le 24 mars, 500 personnes célèbrent Newroz, le Nouvel An kurde, au parc Palmer, à Cenon — Laurent Perpigna Iban
C’est certainement la communauté la plus démonstrative à l’échelle du département. Tous les mois, ils organisent des rassemblements, des prises de paroles, et tentent de sensibiliser les Bordelais sur la situation politique — pour le moins compliquée — de leur peuple.
À l’échelle mondiale, ils sont plus de 40 millions d’hommes et de femmes, liés par une culture millénaire, et territorialement écartelés entre quatre pays, ce qui fait d’eux le peuple sans État le plus nombreux au monde. En cause, la non-application du traité de Sèvres, signé en 1920, qui prévoyait au sortir de la Première Guerre mondiale la création d’un Kurdistan indépendant après le démembrement de l’Empire ottoman.
Divisés artificiellement par le traité de Lausanne en 1923 entre la Turquie, l’Iran, l’Irak, et la Syrie les Kurdes n’ont cessé depuis de revendiquer pour la reconnaissance de leur identité. Près d’un siècle de combat, mais aussi de souffrances : chacun garde en mémoire l’attaque chimique sur le village Kurde irakien d’Halabja par le régime de Saddam Hussein — qui fit plus de 5 000 victimes en 1988 —, mais aussi les répressions brutales subies en Iran, en Turquie, et même en Syrie, qui ont causé un exode massif : près d’un million d’entre eux vivent aujourd’hui en Allemagne, et pas moins de 150 000 en France.
Classés infréquentables par les diplomaties occidentales pendant plusieurs décennies à cause du conflit armé ayant opposé la Turquie à l’organisation du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, 40 000 morts), les Kurdes sont pourtant revenus sur le devant de la scène à la suite de l’émergence du groupe État islamique (EI) en Syrie et en Irak. Alliés des Occidentaux et principaux responsables de la défaite de l’EI, ils sont devenus depuis l’objet de crispations diplomatiques entre les grandes puissances.
C’est dans ce contexte que se joue désormais le sort des Kurdes : l’occasion pour ces hommes et ces femmes de tenter de peser sur l’opinion publique, et de contraindre l’État français à prendre parti, à son tour, afin de les protéger.
Retour en images sur les démonstrations kurdes à Bordeaux ces dernières années.
17 avril 2017 : Au centre démocratique du Kurdistan de Bordeaux, une dizaine de femmes se joignent au mouvement de grève de la faim observé à travers plusieurs pays, afin de protester contre l’état d’urgence en Turquie et contre l’isolement des prisonniers kurdes dans les prisons turques.
Août 2017 : Les Kurdes de Bordeaux commémorent le troisième anniversaire de la conquête des montagnes de Sinjar (Kurdistan irakien) par le groupe État islamique, en réalisant une pièce de théâtre place de la Victoire : lors de cette triste page de l’histoire, 5800 Yézidis (minorité kurde) sont faits prisonniers, beaucoup de jeunes femmes deviennent esclaves sexuelles des djihadistes ; d’autres parviennent à fuir, mais à quel prix : près de 300 d’entre eux meurent de soif ou d’épuisement dans un exil désespéré.
Février 2018 : alors que la Turquie lance une offensive contre le canton kurde d’Afrin en Syrie, plusieurs milliers de Kurdes manifestent à Bordeaux afin de demander à la communauté internationale de réagir fermement.
Février 2018 : parmi les manifestants présents sur la place Pey-Berland, plusieurs Kurdes de la région d’Afrin (Syrie) vivant à Bordeaux sont sans nouvelles de leurs proches. Certains sont émus aux larmes.
Mars 2018 : le centre démocratique du Kurdistan de Bordeaux organise une conférence à l’Athénée municipal afin de sensibiliser aux dangers encourus par les Kurdes en Turquie et en Syrie.
Les danses traditionnelles ont une place très importante dans la société kurde : elles ponctuent chaque manifestation et chaque rassemblement. Ici, au parc Palmer de Cenon, le 24 mars 2019.
Jeunes garçons et filles en tenue traditionnelle et faisant le signe de la victoire à l’occasion du Nouvel An kurde, le 24 mars 2019 à Cenon.
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