Le pays, présenté comme l’un des plus stables d’Afrique, voit tout un pan de sa jeunesse tenter l’aventure vers l’Europe. Depuis le début des années 2000, ils partent par milliers via le désert, mais aussi à bord de pirogues immenses, pour un périple très périlleux vers les îles Canaries, premières terres européennes.
Après avoir évoqué la condition des jeunes migrants isolés en Gironde, Philippe Gagnebet a retracé la trajectoire migratoire de beaucoup d’entre eux. Point de départ : le Sénégal.
En rentrant « Dakar » sur un moteur de recherche, vous ne trouverez que des images de 4×4 vrombissants, sautant les dunes comme des chameaux mécaniques, ou celles de motos d’équilibristes roulant poignées ouvertes le long du lac Rose. Ah ! Le bon vieux temps du « Paris-Dakar », cette course pour aventuriers aux poches pleines et à la tête remplie d’Afrique sauvage… qu’ils souillaient comme un vulgaire terrain de moto-cross. Des colons pétaradant, écrasant au passage quelques gosses dans les villages, en quête de sensations fortes, désireux de dompter le désert, un chronomètre implanté dans la tête. Qu’ont-ils vu de l’Afrique, en dehors des bivouacs trois étoiles et des paysages, effectivement à couper le souffle ? Nous survolions, confortablement installés dans nos fauteuils, cette terre de latérite, de sable, de brousse et de dunes à bord d’hélicoptères qui suivaient de haut les participants, sans jamais vraiment s’arrêter dans un village, si ce n’est le temps de reportages bien misérabilistes et pétris de coutumes bien ancrées dans nos imaginaires. L’Afrique sauvage, l’Afrique solidaire, les marabouts, le baobab sacré, les danses de transe, le fameux tam-tam…
Dakar, la capitale du Sénégal, est une ville portuaire bordée par l’océan Atlantique. Son quartier historique, la Médina, accueille la Grande Mosquée, qui se distingue par son imposant minaret. Le musée Théodore-Monod, lui, expose des objets culturels, des vêtements, des percussions, des sculptures et des outils. La vie nocturne dakaroise, animée, trouve son inspiration dans la musique locale, le mbalax… Presque une carte postale.

La réalité est évidemment bien plus dense : une population de 16 millions d’habitants à l’échelle nationale, soit le double d’il y a 20 ans ; une diversité ethnique, illustrée par la multitude de langues parlées sur le territoire — dont la plus connue est le Wolof ; un Islam soufiste qui tient à bout de prières la stabilité d’un pays à 95 % musulman.
Si le Sénégal accueille aussi de nombreux migrants, saisonniers ou non, qui travaillent principalement dans le secteur de la pêche, une forte communauté sénégalaise vit à l’extérieur du pays. En 2018, ils étaient plus de 530 000 à s’être expatriés à l’étranger. Cette diaspora représente une ressource essentielle pour le pays, à la fois économique et identitaire. Selon les chiffres de l’Office international des migrations (OIM), au début des années 2000, les transferts financiers représentaient entre 5 et 10 % du PIB, soit entre 300 et 500 millions d’euros annuels. En 2017, ces Sénégalais de l’étranger injectaient annuellement dans le pays plus de 2050 millions d’euros, soit 12,5 % du PIB. Une sorte de tradition de l’exode qui s’est accélérée avec fulgurance au début des années 2000. Alors que la moitié de la population vit dans les campagnes, en moins de 5 ans, elle est passée de 12 millions à 15 millions d’habitants. Les moins de 20 ans représentent 55 % de cette population, dont le taux de croissance annuel est de 3,8 %.
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