Oumou Baldé semble infatigable. Cette Guinéenne de 31 ans, installée en France depuis 2009, est sur tous les fronts. Celui des stades de football où elle a réussi à se faire une place dans le corps arbitral puis en tant que Déléguée, mais également sur ceux du théâtre et du cinéma, qui lui ont permis de bâtir un pont avec son pays d’origine. Rencontre.
Chaque histoire à son point de départ. Celle d’Oumou Baldé débute en 1989 à Labé, une ville du nord de la Guinée Conakry. À l’heure d’évoquer ses souvenirs d’enfance, la jeune femme marque un temps d’arrêt, puis lance avec assurance : « Moi, c’était le football ! » Comme s’il s’agissait d’une évidence. De sa jeunesse guinéenne, Oumou garde en mémoire ses interminables parties de ballon, disputées avec ses frères sur des terrains artisanaux où l’imaginaire est au moins aussi important que la conduite de balle.
C’est sur ces domaines réservés qu’elle va aiguiser son caractère, dans un pays où le football ne se conjugue pas au féminin : « C’était très mal vu qu’une jeune femme musulmane joue au football avec des garçons. Si j’ai subi de nombreuses remontrances, j’ai tout de même eu la chance d’être issue d’une famille instruite, qui ne m’a pas empêchée de faire ce que j’aimais, ni à ce moment ni plus tard dans ma vie », confesse-t-elle.
Des embûches, la jeune femme va néanmoins en trouver sur son chemin. Ce n’est alors qu’une gamine comme tant d’autres, qui rêve de théâtre, de cinéma et surtout de ballon rond. L’absence totale de perspectives en la matière — le football féminin n’existant qu’à l’état embryonnaire en Guinée — va la convaincre à l’adolescence de prendre la tangente. Là où beaucoup auraient renoncé, Oumou décide en 2004 de se tourner vers l’arbitrage. Le destin lui donne alors un coup de pouce : un arbitre international vit à quelques kilomètres de son domicile. Elle part à sa rencontre. Une entrevue qui sera décisive.

Sifflet au bec, Oumou ne tarde pas à faire ses classes, bien décidée à se faire respecter. « Évidemment, là aussi, j’ai rencontré de grandes difficultés. Une femme en short, en train de courir devant tout le monde et de donner des ordres, c’était plutôt mal vu », rapporte-t-elle, hilare. « Mais c’est ce que je voulais faire, alors je l’ai fait. »
Elle ne le cache pas : du bord du terrain, les noms d’oiseaux fleurissent. Peut-être encore davantage quand c’est une femme qui est au sifflet. Pourtant, Oumou Baldé ne va pas se décourager. Elle gravit un à un les échelons, gagne Conakry, la capitale, et devient arbitre fédérale. « J’ai fini par arbitrer les matchs de Ligue 1 guinéenne. Nous étions sept femmes à officier, les pionnières de l’arbitrage féminin en Guinée. » Peu à peu, le regard porté par les joueurs et par les spectateurs change : « Au début, personne ne voulait de moi, mais au fil des mois, j’ai fini, comme les autres femmes arbitres, par être réclamée : nous avions la réputation d’être moins corrompues que les hommes », s’amuse-t-elle.
Un sentiment de fierté anime la jeune femme. Pourtant, elle se montre très réticente à ce que sa famille vienne la soutenir depuis les gradins guinéens. Les propos insultants envers le corps arbitral, eux, n’ont pas cessé : « On ne m’insultait pas moi directement, on insultait souvent ma mère pour me déstabiliser. Alors, dès que je touchais des primes je lui offrais des cadeaux, parce que c’était elle qui était insultée. »
En France, l’intégration par le football
En 2009, Oumou Baldé arrive en France, afin de rejoindre son compagnon, Amadou Diallo. Footballeur professionnel, il partage cette passion du ballon rond avec elle. Les deux se connaissent depuis leur enfance. Lui évolue alors en Normandie, dans le club de Granville, après un passage par le Gazelec d’Ajaccio ainsi que le Stade lavallois.
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