Déjà difficile en temps normal, la situation des enfants placés durant le confinement devient intenable.
Photo de couverture : Annie Spratt
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Découvrir nos offres d’abonnement« On sacrifie des gosses. » La voix est lasse, usée. Mais Lyes Louffok, qui incarne depuis plusieurs années la lutte en faveur des droits des enfants placés en France, reste combatif. Il se dit « catastrophé » par la situation actuelle et par les conséquences du confinement.
« Les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ne sont pas nés avec la crise sanitaire. Celle-ci ne fait que les mettre en lumière, mais elle les accentue aussi douloureusement », estime cet ancien enfant placé, auteur de Dans l’enfer des foyers, paru chez Flammarion. L’ASE est ce dispositif qui intervient dès lors qu’il y a des violences à l’intérieur des familles, mais aussi quand l’autorité des parents est défaillante.
Si la situation le permet, il peut être décidé de laisser l’enfant dans sa famille, mais en le faisant suivre par un éducateur. L’ASE a aussi le pouvoir de saisir le juge des enfants ; lequel décide, dans certains cas, de confier l’enfant à des proches, à une famille d’accueil ou à un « lieu de vie », communément appelé « foyer ».
Il y en a qui ont été renvoyés dans leurs familles alors même que le processus de retour n’était absolument pas terminé
Tout au long du processus, chaque enfant est accompagné par un éducateur de l’ASE qui est son « fil rouge », et coordonne les actions des uns et des autres. L’ASE prend en charge les placements judiciaires décidés par le juge des enfants : ils représentent 80 % des cas. Mais elle traite aussi des placements administratifs, ceux qui se font avec l’accord du ou des détenteurs de l’autorité parentale — qui peuvent y mettre fin à tout moment.
Les départements souverains
Depuis 1983 et la décentralisation, l’ASE relève de la responsabilité des départements. Ceux-ci lui ont consacré 8,3 milliards d’euros en 2018, mais avec des disparités énormes, car ils ont la liberté de lui attribuer le financement qu’ils souhaitent. En 2017, le Rhône n’y dédiait que 5 % de son budget, contre 19 % en Charente-Maritime. « Il y a 101 départements, et autant de politiques différentes », résume Lyes Louffok.
Or cette institution est, y compris en temps normal, défaillante : 70 % des jeunes suivis n’obtiennent pas de diplôme ; les filles ont 13 fois plus de risques que la moyenne de tomber enceinte avant leur majorité ; un SDF sur quatre est un ancien enfant placé. Et ce, alors même qu’ils ne représentent que 2 % des mineurs — 341 000 en 2017.
Au-delà des chiffres, profondément révélateurs, des drames viennent régulièrement pointer les failles de l’ASE : le meurtre de la petite Vanille, à Angers, en février ou celui d’un mineur par un autre à Suresnes, quelques semaines plus tôt, l’ont douloureusement rappelé…

C’est donc dans ce contexte que le confinement a été décrété, mi-mars. Avec des conséquences potentiellement dramatiques pour les enfants placés. « Il y en a qui ont été renvoyés dans leurs familles alors même que le processus de retour n’était absolument pas terminé », accuse Éric, éducateur spécialisé dans un foyer d’un département de Nouvelle-Aquitaine.
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