Connaissez-vous l’histoire des nonnes possédées par le diable à Loudun ?
Vous dormez bien la nuit ? Pas de démons qui viennent vous chatouiller les pieds ? Eh bien, vous avez de la chance. Parce qu’à Loudun, des religieuses ont carrément été possédées par le diable !
C’était en 1632, et c’est une affaire qui marquera à jamais l’histoire de la Nouvelle-Aquitaine.
Pour nous raconter cette mystérieuse histoire, nous avons rendez-vous avec deux expertes du sujet, pour une petite visite sur les traces du diable : Sylvette Noyelle, historienne et spécialiste de l’affaire Urbain Grandier et Anne-Marie Gruivault, guide-conférencière à la ville de Loudun.
Un sujet PopEx (France 3 Nouvelle-Aquitaine), incarné par Clémence Postis.
Que se passe-t-il en 1632 à Loudun ?
Anne-Marie : Dans le couvent des Ursulines, des religieuses affirment avoir aperçu le fantôme de leur confesseur mort quelques mois plus tôt. Pendant la messe, des sœurs sont saisies de convulsions, hurlent des blasphèmes, recrachent l’hostie. Et la nuit, elles courent sur les toits à demi-nues. Dans le réfectoire, elles affirment avoir vu une boule noire traverser la pièce. Très vite, elles sont reconnues comme possédées par le diable.
Nous sommes à la collégiale Sainte-Croix. C’est ici qu’ont eu lieu les exorcismes. C’est un véritable spectacle, organisé pour convaincre les foules de la réalité de la possession. Les sœurs sont parfois catatoniques, parfois surexcitées à grimper sur les murs.
Sylvette : C’est une véritable performance. Les sœurs sont mises à nues, rasées, on cherche sur elle la marque du diable. Pendant les exorcismes, les sœurs accusent un certain Urbain Grandier de les avoir ensorcelés. Ou plutôt, le démon qui s’exprime par leur bouche reconnaît avoir été appelé par Urbain Grandier.
Mais qui est donc Urbain Grandier ?
Sylvette : C’est le curé de Loudun. Urbain Grandier est quelqu’un de cultivé, libertaire et libertin. Ce qui n’est pas forcément bien vu. Il écrit par exemple un essai sur le célibat des prêtres après avoir mis enceinte une jeune fille. Et pas n’importe laquelle : la fille du procureur de Loudun. Il est également soupçonné d’être l’auteur d’un pamphlet contre le cardinal de Richelieu. Ça commence à faire beaucoup d’ennemis.
Anne-Marie : Urbain Grandier est, comme on dirait aujourd’hui, un fantasme féminin. Toutes les femmes en pincent pour lui. Et ici, à l’église Saint-Pierre, il s’est même marié. Il part du principe que, comme ce n’est écrit nulle part dans les textes, le célibat des prêtres n’est pas une obligation. C’est très protestant tout ça.
On se servirait du diable pour lutter contre un opposant ?
Anne-Marie : À l’époque d’Urbain Grandier, il y a des remparts tout autour de la ville, c’est une ville fortifiée, comme toutes les villes de France. Et au moment des guerres de religion, cela a été bien utile. Loudun était une place forte du protestantisme. Allez savoir pourquoi, le protestantisme a bien pris ici. Et ils ont tenu pas mal de sièges.
Sylvette : À cette époque, le cardinal de Richelieu veut détruire tous les remparts en France, pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise. Pour que les nobles et les seigneurs soient moins indépendants militairement, moins capables se défendre par eux-mêmes. Et Urbain Grandier est contre ça.
Il défend le fait que Loudun garde ses remparts. Urbain Grandier est un opposant politique, qu’on écoute. Il s’oppose à la destruction des fortifications autour des villes. Il s’oppose à la politique anti-protestante. Il s’oppose, en fait, au cardinal Richelieu, qui est l’homme le plus puissant de France.
Est-ce qu’Urbain Grandier va s’en sortir ?
Anne-Marie : ici, nous sommes dans la salle capitulaire de Saint-Hilaire. C’est ici qu’après deux ans d’exorcismes et de procès, Urbain Grandier est condamnée à mort, à être brûlé vif.
Sylvette : Ce n’est pas anodin que sa sentence soit rendue ici. C’est une église qui appartient à l’ordre religieux des Carmes. Et Urbain Grandier, depuis des années, les critique ouvertement. Que ça se passe ici, ce n’est pas un hasard, c’est signé comme une revanche.
Anne-Marie : Il y a eu beaucoup de livres, beaucoup de films sur cette affaire. Il y a également une pièce de théâtre, qui s’appelle Loudun, qui tourne encore. C’est une histoire qui parle encore aujourd’hui, qui continue d’intéresser et de résonner dans l’esprit des gens.
France 3 Nouvelle-Aquitaine et Revue Far Ouest proposent un magazine inédit afin de découvrir les richesses culturelles de la région. Retrouvez toutes les infos sur la plateforme france.tv.