« Le passage à l’acte est plus difficile : les précaires sont moins habitués à ce genre de mobilisation et sont moins syndiqués. » Frédéric Neyrat est professeur de sociologie. La sociologie des mobilisations, après avoir éclairé les manifestations des Gilets jaunes, peut-elle nous renseigner sur la grève en cours ? Les actions contre la réforme des retraites durent depuis maintenant deux mois. Mais la convergence des luttes semble devenir un horizon de plus en plus lointain…
Photo de couverture : ev

Quels sont les champs de recherches de la sociologie de la grève ?
La sociologie de la grève, ou plutôt des mobilisations ou des mouvements sociaux est un cadre dans lequel nous nous intéressons à différentes formes d’action. Les sociologues, les politistes et les historiens des mobilisations parlent de répertoire d’action. La grève en est une forme, sachant que le terme « grève » peut rassembler toute sorte d’opérations. Entre une grève du zèle, une grève avec occupation ou une grève d’émeute, il y a beaucoup de différences.
Ce qui est en train de se passer, quel type de grève est-ce ?
Cette grève est assez classique dans sa forme. Elle se traduit principalement par un arrêt du travail et des piquets de grève pour essayer de convertir ceux qui ne sont pas encore mobilisés. Des manifestations aussi pour peser dans le rapport de force et afficher des formes de solidarité. Il n’y a pas autant de grévistes que de manifestants. Les non-grévistes sont solidaires en manifestant aux côtés des grévistes.
Dans toutes les manifestations, il y a une dimension de sociabilité. On s’y retrouve avec des gens que l’on n’a pas vus depuis longtemps, on échange. Elles sont festives également : dans le Sud-Ouest, il y a toujours une buvette, voire de la musique.
Il n’y a pas de forte convergence entre les Gilets jaunes et les syndicalistes. Ce sont des populations différentes.
Force est de constater que tout cela est remis en cause par les violences policières. J’ai pu l’observer aussi bien à Bordeaux, Rouen ou Paris, il n’y a plus d’enfants dans les manifestations. L’aspect social et festif est remis en cause par la prise de risque à aller manifester.
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