Chaque semaine, les images de manifestants blessés lors des mobilisations des gilets jaunes envahissent les réseaux sociaux. Dans ce nouvel épisode de Social Brutal, Revue Far Ouest vous fait découvrir la démarche des “Croix bleues”, ces secouristes de l’extrême qui parcourent les manifestations afin d’administrer les premiers soins aux blessés.
Midi pile. En cette nouvelle journée de mobilisation, toujours aucun gilet jaune ni force de l’ordre à l’horizon. Nous avons rendez-vous dans Bordeaux avec une équipe de Croix bleues. Deux hommes d’une trentaine d’années nous attendent, adossés à un mur.
Ils sont vite rejoints par le reste de leur équipe. Autour de Vincent, Bastien, Jacques, Paul et Marie, ils sont une quinzaine. Organisés via des groupes sur les réseaux sociaux, ils ont ajusté leur nombre quelques heures avant la manifestation. « Nous avons dû procéder à un grand nettoyage sur Facebook, en réduisant les effectifs de 600 à 200 personnes. Beaucoup ne possédaient aucune compétence médicale. Il y avait même un marabout éloigneur de mauvais sort et une femme qui soignait la douleur en posant sur les corps blessés des pierres chaudes. C’était un peu trop long comme process médical ! », s’amuse l’un d’entre eux.
Leur démarche rappelle celle des Street Medics, qui ont fait leur apparition il y a quelques années sur la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, avant de se démocratiser lors des mobilisations face à la « Loi Travail ». Pour autant, l’histoire de ces secouristes des mouvements sociaux est déjà ancienne, puisqu’elle a pris sa source au cœur des combats pour les droits civiques aux États-Unis, dans les années 1960. « Nous avons une démarche un peu différente des street medics, on pense qu’on est plus efficaces en la jouant collectif et en nous organisant avec des tenues officielles, des talkies-walkies… » commente l’un d’entre eux.
À Bordeaux, la plupart de ces croix bleues, plus communément appelées « médics », appartiennent au corps médical : infirmiers, aide-soignants, pompiers volontaires, anciens militaires… Les âges sont très disparates : celles et ceux que nous suivons ont entre 22 et 56 ans. Ils forment, comme les gilets jaunes, un groupe hétéroclite.
« C’est génial ce que vous faites, continuez »
Leur après-midi commence souvent par un bilan de la dernière manifestation. Aujourd’hui, ils évoquent le cas d’un jeune homme, blessé à la tempe par un tir de flash-ball. Il n’avait pourtant rien à voir avec les gilets jaunes : il traversait la rue pour aller dîner chez des amis. La mère du jeune garçon rapidement pris en charge par l’équipe de médics présente sur place leur a témoigné sa gratitude par téléphone. Sourires complices et sentiment du devoir accompli. Tous se félicitent.
Avant de partir, ils se séparent en quatre équipes. Bastien, ancien militaire en charge du groupe, distribue les talkies-walkies et nous regarde fixement : « Tu as bien ton équipement ? Sans cela tu ne viens pas avec nous, c’est trop dangereux, tu ne tiendras pas un quart d’heure là-bas. »
Il est 12 h 15, et le ton est donné. Nous enfilons la tenue officielle de ces soigneurs de l’extrême : un pardessus blanc floqué d’une croix bleue. À nos côtés, l’équipe se prépare : masque respiratoire et lunettes de protection hermétiques pour tous. […]
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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Courage.
Qu’ils portent de grandes causes ou qu’ils luttent au quotidien pour leur survie, nous avons voulu vous raconter ces courageux et ces courageuses, qui souvent s’ignorent.