Connaissez-vous vraiment l’histoire de la Forêt des landes ? Et celles des bergers qui y vivaient autrefois ?
Avec une superficie de près d’un million d’hectares, elle est la plus grande forêt artificielle de France, et l’une des plus grandes d’Europe : la forêt des Landes de Gascogne. Cette immense forêt de pins alignés les uns derrière les autres qui borde les routes de l’océan a fait parler d’elle l’an dernier, et pas vraiment en bien : au total, plus de 20 000 hectares sont partis en fumée dans les incendies qui ont ravagé la région.
Mais qui connaît l’histoire de cette forêt créée de toutes pièces, et ravagée par les flammes l’été dernier ? Napoléon III se vantait de l’avoir créée sur une terre qui ressemblait au Sahara. Mais la lande était en réalité là bien avant le Second Empire. Nous partons à la rencontre de Jacques Sargos, historien de l’art et spécialiste de la forêt landaise, qui va nous raconter l’histoire de cette forêt, qui n’en est pas à son premier incendie.
Un sujet PopEx (France 3 Nouvelle-Aquitaine), incarné par Clémence Postis.
On raconte que Napoléon III aurait ordonné la création de la forêt des Landes, sur un espace désertique, pour assainir les marécages et éradiquer les maladies. C’est vrai, tout ça ?
Pas vraiment, non ! En réalité, la forêt a toujours existé dans son état naturel. Bien avant le Second Empire, il y avait déjà une forêt. D’ailleurs, la forêt et l’élevage constituaient l’essentiel des activités des populations des Landes de Gascogne.
Elle daterait de quand cette forêt, alors ?
On suppose que la forêt artificielle date de la fin du Moyen Âge. Mais il y avait aussi des forêts de pins et de chênes qui s’étaient développées naturellement.
Quel est le rapport entre cette forêt et les fameux bergers landais ?
À l’époque, les Landes de Gascogne se composent de grandes étendues d’herbes et de broussailles. Le sol est pauvre, sableux, peu propice aux cultures. En revanche, le territoire se révèle particulièrement adapté à l’élevage des moutons et des chèvres.
Sous le Second Empire, l’État considère les Landes comme un pays primitif, composées d’étangs, de marais, de dunes… On ignore qu’il est cultivé, qu’il y a des pâturages… Les quelques habitants que l’on voit en traversant les Landes en diligence, ce sont les bergers perchés sur des échasses et vêtus de peaux de bêtes. Là, Napoléon III décide de “civiliser” ces sauvages. C’est là que débute le projet de colonisation des Landes.
Mais pourquoi les Landes intéressaient-elles Napoléon III ?
À l’époque, la révolution industrielle nécessite énormément de bois pour la construction de chemin de fer, notamment. On exploite également les arbres pour leur résine, qui donne la poix et le goudron servant à calfater les bateaux et enduire les cordages : ils étaient indispensables à la marine de l’époque. Tout de suite, Napoléon voit l’intérêt des Landes. L’État s’en empare en promulguant une loi relative à l’assainissement des Landes en 1857.
En quoi consiste-t-elle, cette loi ?
Cette loi, sous prétexte de salubrité publique, va imposer la plantation de pins à marche forcée pour lutter contre la propagation de maladies sur les marécages. Adoptée sans consulter les populations locales, cette loi va signer la fin du système pastoral. En effet, les principales victimes vont être les bergers et les petits cultivateurs, qui doivent vendre leurs terres, à l’origine communales, aux enchères à des propriétaires privés.
Le bouleversement de la nature landaise marque la fin du pastoralisme. Le métier de berger ou de paysan disparaît au profit de celui de gemmeur ou d’exploitant de forêts.
Et comment vont-ils réagir, ces bergers ?
Ils vont se rebeller. Cela va se solder par des révoltes pastorales : des hectares de forêt vont partir en fumée.
Les incendies de la forêt des Landes ne sont pas récents, alors ?
Eh non, cela a toujours été le grand fléau de la forêt des Landes.
Il y a eu cette révolte par le feu : on crève de faim, et on attribue ça à l’exploitation de la forêt trop rapide, alors les paysans et les bergers la brûlent. Mais déjà, en 1716, la forêt de la Teste avait été ravagée aux trois quarts.
À partir des années 1930, c’est le désastre. À l’époque, le massif est désertifié : les communes se sont vidées, l’agriculture est abandonnée, on plante des arbres plutôt que des champs, le massif n’est pas entretenu… Et en 1949, c’est la catastrophe : 400 000 hectares disparaissent et 82 personnes meurent.
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