Eté 2050 : le voyage d’une japonaise en Nouvelle-Aquitaine. Découvrez à travers ses yeux de touriste les conséquences du changement climatique à Bordeaux. Coulée de boue, thermomètre à 42°, nouvelle politique urbaine… Retour vers un futur pas si lointain.
Ces récits imaginaires ont été écrits d’après le rapport AcclimaTerra. Pour en savoir plus sur cette série, c’est ici.
« Bordeaux, France — 12 août 2050
Yaho Ayame !
Je t’écris de Bordeaux où nous avons atterri hier soir après 4 heures de vol solaire. Comme j’ai regretté que tu ne sois pas avec nous pour vivre ce voyage. C’est si coûteux, si difficile de nos jours d’obtenir l’autorisation de prendre l’avion. Maman n’était pas très rassurée à l’idée de voler à 2700 km/heure, mais moi, j’étais tellement excitée.
Quelle chance extraordinaire de voir le Japon depuis le ciel ! Tu verrais comme nos villes semblent minuscules, et comme tous les pays se ressemblent à travers les nuages. Nous avons retrouvé nos hôtes bordelais, Julie et Côme Dumas. Ils nous ont accueillis dans leur grande maison bioclimatique, installée sur la rive droite de la ville.
J’ai tant de choses à te raconter à la fin de cette première journée en Aquitaine que je ne sais pas par où commencer. Bordeaux ressemble à une grande dame fleurie allongée au milieu du fleuve. Si tu savais comme il y fait bon vivre !
Ici comme partout ailleurs, la loi réglemente la consommation d’animaux pour tenter de reconstituer les équilibres terrestres détruits par les erreurs de calcul de l’ancien système économique qui ne prenait pas en compte les ressources naturelles. C’est un peu comme calculer le prix d’un gâteau sans prendre en compte la farine, le sucre et les œufs.
La créativité des chefs français dépasse tout ce que tu peux imaginer. Ils cuisinent à partir de légumes, d’herbes et de fruits qu’ils cultivent dans les potagers urbains. La carte change tous les jours en fonction de ce qu’ils arrivent à faire pousser. J’ai goûté des artichauts poivrade aux fèves et aux citrons à tomber par terre, et maman s’est régalée avec du pain perdu à la rose ! Quant à papa, il n’en finissait pas de savourer sa poêlée de champignons d’été. Le chef nous a servi un nouveau cépage produit par un célèbre Château de la région dont j’ai oublié le nom : hummm, bien corsé, mais magnifique.
Il fait chaud ici, mais moins qu’à Kyoto. Et certainement moins que dans ces villes d’Inde et d’Afrique où l’on ne peut plus mettre un pied dehors à partir de 9 h du matin. Le mercure oscille entre 34 et 35°, mais Julie nous a dit que le thermomètre peut grimper jusqu’à 42° et même au-delà.
Le nouveau climat de la région ressemble à celui du sud de l’Espagne à la fin des années 2010. Dans ce temps-là, Bordeaux n’était pas du tout adaptée aux fortes chaleurs. Mais suite à la grande canicule de 2022 et ses 4000 morts, la ville s’est transformée pour devenir un modèle de cité symbiotique. Aujourd’hui, elle égale presque Kyoto en innovations écologiques.
Julie raconte que le nombre de parcs a été multiplié par deux en 30 ans. Une vraie révolution pour les Bordelais ! Ils ont réquisitionné tous les parkings et rasé les anciens immeubles mal isolés pour faire des jardins. Aux heures les plus chaudes, on vient chercher de l’air autour des îlots de fraîcheur. Les enfants jouent dans l’eau des fontaines et des bassins, tandis que les adultes discutent à l’ombre des bosquets.
Le génie des plantes sert à tout : filtrer les eaux usées de la ville, isoler les bâtiments, purifier l’air, retenir les eaux de pluie dans le sol pour favoriser le rafraîchissement des espaces publics et même produire l’électricité des réverbères. En fin de journée, quand la chaleur se fait moins ardente, les rues embaument le parfum des lauriers roses, des jasmins et de la végétation grimpante qui s’épanouit sur les façades des immeubles, sur les toits et dans les patios.
Tout le long de la Garonne, rive droite, une épaisse coulée verte crée une bouffée d’oxygène au cœur de la cité. Qu’il est bon de venir y faire la sieste sur l’herbe en regardant passer les bateaux à voiles sur les bords du fleuve ! Ça ne m’étonne pas que le monde entier rêve de venir habiter à Bordeaux.
Et toi, comment ça va à Kyoto ?
Mata Kondo ou comme on dit ici “à bientôt”.
Signé : Nara »