Saviez-vous qu’un tiers de la production française de CBD vient de Nouvelle-Aquitaine ? Dans la Creuse, département où les agriculteurs sont en difficultés depuis près de 20 ans, la culture du cannabis pourraient sauver leurs exploitations.
Si le cannabis est lui toujours prohibé, en décembre 2022, le Conseil d’État a finalement autorisé la vente de fleurs et de feuilles de chanvre cannabidiol, ou CBD. Mais dans le Sud-Ouest, les agriculteurs n’ont pas attendu cette décision pour se lancer dans le CBD et assurer leur avenir.
Jouany Chatoux est éleveur depuis 1999. Dans sa ferme de Gentioux, sur le plateau de Millevaches, il cultivait du sarrasin et du seigle et était à la tête d’un élevage d’une centaine de têtes. Sans jamais arriver à en vivre décemment. « En 20 ans, on a tout essayé : les circuits courts, les colis postaux, le restaurant à la ferme… Mais en face, les revenus n’étaient jamais à la hauteur. »
Il y aura très peu d’acteurs en France. D’où la nécessité de se placer.
En 2018, il a eu une idée : troquer ses céréales pour du CBD, du chanvre bien-être dépourvu de THC, la substance psychotrope et prohibée du cannabis. Le CBD, légal lui, est utilisé pour les douleurs, l’anxiété ou les nausées, et n’a pas d’effet stupéfiant. En quelques mois, Jouany Chatoux convertit son labo de 400 m2 dédié à la viande bovine pour se consacrer uniquement à sa nouvelle activité : la transformation du cannabis en résine, huiles, infusions et tisanes. Un choix qui paye : « En 2020, nous avons sorti 500 000 euros de CBD dédié au marché du bien-être. L’équivalent de mon élevage », calcule l’agriculteur.

Et il n’est pas le seul à avoir franchi le pas. Un tiers de la production française de CBD vient de Nouvelle-Aquitaine, selon l’association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC). Au total, cela représente 150 hectares, répartis sur une centaine de producteurs. Une potentielle mine d’or, qui se heurte à un problème : les décisions fluctuantes de l’État en matière de législation, qui placent les producteurs dans un flou juridique.
Des pieds de cannabis sur un ancien site militaire
Pour faire reconnaître le chanvre comme culture artisanale, Jouany Chatoux est devenu porte-parole de l’association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC). Mais son objectif va au-delà des tisanes : comme le reste de la filière, il mise sur le cannabis thérapeutique. « Il y aura très peu d’acteurs en France. D’où la nécessité de se placer. »
Selon lui, le marché pourrait représenter jusqu’à 2 millions de patients, pour le traitement de pathologies telles que l’épilepsie, la sclérose en plaques, ou encore la maladie de Parkinson. Et pour ne pas laisser le marché aux mains de producteurs étrangers, la Creuse a déjà son projet : un « pôle d’excellence du cannabis », du nom de Cannapole 23, devrait voir le jour en 2024 sur ancien site militaire, avec un bunker de 850 m2 pour cultiver le cannabis… À condition que la justice autorise pour de bon le cannabis à usage thérapeutique.
Pour en savoir plus, retrouvez l’article de notre journaliste Fabien Paillot sur le sujet dans notre revue papier « Tout reprendre ».