Épisode 7
8 minutes de lecture
Dimanche 2 novembre 2025
par LA RÉDACTION
LA RÉDACTION
Nous sommes un média en ligne, local, indépendant, sans publicité et engagé. Nous voulons partir de chez nous, du local, pour ancrer des histoires et des personnages dont le vécu interroge notre place au sein de la collectivité.

Changer de logiciel plutôt que d’appareil, partager ses trouvailles, détourner les usages… Au fab lab de l’Université de Bordeaux, Pierre Grangé-Praderas incarne un numérique libre et local, qui résiste à l’obsolescence logicielle.

L’obsolescence programmée ne désigne pas que l’obsolescence technique. Avec les outils numériques, un autre type d’obsolescence existe : celle du logiciel. Autrement dit, quand une nouvelle version d’un logiciel ou d’une application rend l’ancienne dépassée.

Nous avons tous connu ça : notre téléphone dernier cri se met à jour tout seul, même plus besoin d’y penser. Puis, au bout d’un moment, il rame, il bug, les applications deviennent inutilisables… L’objet en lui-même fonctionne très bien. Mais le système d’exploitation du téléphone, à force de mises à jour, devient de plus en plus lourd, de plus en plus gourmand en ressources, et le téléphone ne suit plus. Il est devenu obsolète.

On estime que 20 % des personnes qui achètent un nouveau téléphone le font parce que leurs applications ou logiciels ne fonctionnent plus. En plus d’avoir un coût financier, changer souvent de téléphone a un coût écologique : 80 % des émissions de CO2 d’un téléphone sont émises à sa fabrication. 

Comment lutter contre l’obsolescence logicielle ? Grâce au hack. Mais n’imaginez pas des criminels en capuche ! Le hack, c’est avant tout la réappropriation des outils numériques. Pour en savoir plus, nous avons rendez-vous avec Pierre Grangé Praderas, FAB manager au fablab de l’Université de Bordeaux. Promis, on ne fera rien d’illégal !

Un sujet tiré de l’émission PopEx (France 3 Nouvelle-Aquitaine), incarné par Ana Hadj-Rabah.

Que peut-on faire pour allonger la durée de vie de son téléphone et lutter contre l’obsolescence logicielle ?

On peut changer le logiciel. Pareil pour un ordinateur. On peut passer sur un logiciel alternatif, un logiciel libre. Pour les ordinateurs portables, le gain est très visible. Moi je n’ai que des ordis portables d’occasion, mais en y installant Linux, qui est un logiciel qui consomme beaucoup moins de ressources, mon ordinateur va vivre beaucoup plus longtemps. Même s’il est très vieux, il va fonctionner pendant de longues années.

C’est quoi un logiciel libre ?

C’est un logiciel dont la licence permet de le modifier et de le repartager. C’est une chaîne de confiance, où vous pouvez vérifier que le logiciel est bon, qu’il a bien été validé par la communauté. Au final, ce sont des logiciels qui sont même plus sûrs que les logiciels non libres, car ils sont lus et vérifiés par beaucoup plus de monde.

Changer le système d’exploitation de mon téléphone, c’est du hacking ?

 Pour moi oui, c’est du hacking. Ça dépend comment on définit le hack. Moi je le définis selon le livre de 1984, l’éthique des hackers. Les hackers ne sont pas du tout des voleurs, mais dans ce cas-là des gens qui aiment reprendre le contrôle des outils, en bricolant, en détournant les usages, en les modifiant. Toujours avec une éthique commune qui est de partager ce qu’on fait.

Et comment on fait ?

On va changer le logiciel pour un logiciel alternatif. On efface le logiciel existant, et on le remplace par un autre.

Et c’est facile ?

Ça dépend de votre modèle de téléphone. Soit c’est une marque qui est conçue pour tourner avec un logiciel libre, et c’est simple. Soit c’est un téléphone où beaucoup de monde a déjà modifié le logiciel. Si vous possédez un téléphone qui a été très peu hacké, vous allez avoir moins de documentations, moins d’explications. La manipulation aura été moins testée, moins rodée. C’est ça qui est magique avec la philosophie hacker : les gens qui font partagent le fruit de leurs actions. Et plus ça marche, plus c’est partagé.

Et je peux faire tout comme avant ? Aller sur les réseaux sociaux ?

Oui. Mais dans l’obsolescence programmée, il y a un détail qu’on oublie souvent : la question des usages. La plupart des logiciels propriétaires vous imposent des usages. Pour accéder à la météo par exemple, il faut aller sur une application, géolocalisée en direct, avec de jolies animations. C’est très gourmand en énergie. Votre matériel va avoir besoin de plus de ressources et vous ne pourrez pas vous séparer de ces nouveaux usages. Là où quand c’est libre, vous pouvez choisir vos usages et les adapter à la puissance de votre matériel.

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