Épisode 1
7 minutes de lecture
Dimanche 23 septembre 2018
par Anaelle Sorignet
Anaelle Sorignet
Passionnée de développement durable, Anaelle a travaillé comme consultante avant de se lancer à son compte comme journaliste et rédactrice spécialisée. Elle a écrit pour Rue89 Bordeaux, We Demain, Bio à la Une, et publie régulièrement des articles sur son blog La Révolution des Tortues, dédié à l’écologie et à la consommation responsable.

Casser son téléphone, ça arrive à tout le monde. Mais que faire, si l’on ne veut pas en racheter un neuf ? Peut-on le réparer ? Est-ce intéressant de le faire ? Quelles sont les autres options ? Voyage au pays de l’occasion.

Photo de couverture : Eric Van Den Broek

Je savais que j’aurais dû acheter une protection en silicone. Mais j’ai remis à demain et… Mon téléphone n’a pas survécu à sa dernière chute. Côté pile, la coque est tellement striée que je me demande comment elle fait pour tenir encore. Côté face, l’écran est fendu en plein milieu, gênant clairement l’affichage.

Le pire, c’est qu’il marche encore. Oui, le pire, parce qu’en fait… Vu sa lenteur, j’aurais presque préféré que cette chute achève mon smartphone. Depuis la dernière mise à jour Android, c’est la cata. J’ai vidé mes photos, désinstallé la plupart de mes applications, réinitialisé mon smartphone : rien à faire, il rame comme un débutant en aviron. Jusqu’alors, j’ai résisté aux sirènes de la consommation, me fixant un objectif de trois ans avant de remplacer mon téléphone. Mais on dirait bien que cette fois, le démon de l’envie s’est emparé de moi. Voyons, il doit bien y avoir une autre solution que d’en acheter un tout nouveau…

Réparer ? Pour les motivés

Que faire avec mon téléphone cassé ? Je pourrais tout simplement remplacer l’écran : les réparateurs ont l’habitude de voir défiler les clients maladroits, ça ne doit plus être très cher ni très compliqué. Après rapide calcul, changer l’écran tactile et la coque arrière me reviendrait presque au même prix que de racheter le même téléphone neuf. Et ce, même en commandant les pièces détachées et en réalisant l’opération moi-même avec un des nombreux sites dédiés (iFixit, SOSav, Comment Réparer…) ou tutos disponibles sur YouTube. J’écarte donc la piste réparation pour mon téléphone.

Ironie du sort, ma machine à café tombe en rade quelques jours plus tard. Il y a une fuite au niveau du percolateur, impossible de boire le liquide infâme qui en sort. Renseignements pris, la marque a son réseau de partenaires agréés. Le seul en Gironde se situe à Canéjan, à 15 kilomètres de chez moi. Je n’ai pas de voiture, il faut compter au moins une heure et quart pour y aller en transports, et le magasin n’est ouvert que pendant les heures de bureau : pratique.

Finalement, un proche accepte de l’y emmener pour moi. Bilan de l’opération : 70 €. Si faire changer une pièce coûte aussi cher que d’acheter une machine expresso premier prix… Je vous le demande, pourquoi se faire chier ? Dans ce cas précis, par conviction écolo et par attachement affectif à cet objet. Mais sinon, comment peut-on rallonger la durée de vie de nos objets s’il est si pénible et si cher de les faire réparer ?

Il y a peut-être d’autres solutions… Il faut que je me renseigne.

Faire réparer hors des sentiers balisés

Outre les réparateurs « classiques » — plus ou moins honnêtes et compétents — qu’on se recommande de bouche à oreille en groupes Facebook, les acteurs associatifs et/ou de l’économie sociale et solidaire proposent des solutions souvent moins chères, quand elles ne sont pas gratuites.

Je rencontre Valérie Jakubowski, co-fondatrice du Repair Café de Bordeaux, l’un des 13 de la région. Ce concept, né aux Pays-Bas à la fin des années 2000, font se rencontrer des réparateurs bénévoles et des particuliers qui souhaitent prolonger la vie de leurs objets. Mais quel intérêt pour ces professionnels ou amateurs chevronnés de venir réparer gratuitement des appareils ? Ma question fait sourire Valérie : « Il y a des gens qui se passionnent pour le surf : eux, leur truc, c’est de réparer. » Des passionnés du démontage-remontage, soit, mais surtout des personnes motivées par une forte volonté de ne pas jeter.

Au final, on se passe très bien de la plupart de nos objets. » C’est vrai, je survis (presque) sans café.

L’association organise un Repair Café par mois. Elle n’a pas de local ni de lieu fixe : les évènements se tiennent à Bordeaux ou Bègles, au gré des rencontres et partenariats. Chaque fois, entre quatre et six réparateurs y remettent en état aspirateurs, grille-pain, cafetières, sèche-cheveux… Et ce gratuitement, ou plutôt, à prix libre : chacun donne ce qu’il veut, ou peut.

Quand il y a de l’attente, les participants commandent une boisson en attendant leur tour. Autour de l’objet, la réparation se fait à deux. S’il y a besoin d’une pièce de rechange, le réparateur indique la référence au propriétaire de l’objet, qui peut alors revenir le mois suivant pour finaliser la remise en état.

En clair, le Repair Café est convivial et accessible à tous… À condition de ne pas être pressé. Valérie sourit encore : « Au final, on se passe très bien de la plupart de nos objets. » C’est vrai, je survis (presque) sans café. Bref, j’aurais pu tester : ça m’aurait probablement coûté moins cher que mon réparateur agréé.

Acheter d’occasion reconditionnée

Et pour de plus gros appareils, comme l’électroménager ? Dans ce cas, l’association oriente son public vers le réseau Envie, qui utilise en priorité des pièces d’occasion et facture l’heure de main d’œuvre presque deux fois moins chère que chez un professionnel « classique ».

Outre son activité de « réparation solidaire », Envie collecte, reconditionne et/ou recycle les appareils électriques et électroniques des particuliers. La fédération compte 6 points de vente en Nouvelle-Aquitaine : on y achète des appareils d’occasion, reconditionnés par des professionnels.

Et justement, pour en revenir à mon smartphone : quelles sont mes options quand l’objet n’est pas réparable (techniquement ou économiquement parlant), mais que je ne souhaite pas acheter du neuf, pour des raisons économiques ou parce que je souhaite limiter l’impact de ma consommation sur l’environnement ? Acheter d’occasion, oui, mais où ?

Le site Internet du Défi « Rien de Neuf » lancé en janvier 2018 par l’association Zero Waste France, est une mine d’informations pour acheter de seconde main. J’y déniche un annuaire des alternatives au neuf où chaque catégorie d’objet a sa rubrique.

Alors, où trouver un smartphone ? Il y a bien le célébrissime Bon Coin, ou sa concurrente la Market Place de Facebook, mais les arnaques sont fréquentes sur ces sites où les annonces prolifèrent, sans aucun contrôle ni régulation. Et si j’ai un problème avec l’objet, quelles garanties entre particuliers ? Aucune. Ça me refroidit.

Heureusement, le marché ne m’a pas attendue pour se développer : avec près de 2 millions de smartphones reconditionnés vendus en 2016 dans l’Hexagone (source : GfK), ceux-ci représentent aujourd’hui 10 % du volume des ventes. Sans compter les transactions de particulier à particulier… De quoi calmer la théorie de l’obsolescence programmée comme moteur de la croissance !

Et cette tendance est bien partie pour durer, compte tenu des prix prohibitifs des terminaux. En 2017, un Français dépense en moyenne 326 € pour un smartphone (source : UFC-Que Choisir), et jusqu’à 1 329 € pour un iPhone X.

Recommerce, Certideal, Rebuy, Love2Recycle… Ces noms vous disent peut-être quelque chose ? Ce sont les reconditionneurs qui rachètent, reconditionnent et revendent nos smartphones. Mais quelle différence avec un mobile d’occasion ? Outre l’effacement complet des données, tous les composants du téléphone sont testés et éventuellement changés.

Car ne pas acheter neuf, c’est une chose, mais encore faut-il savoir faire durer ses objets !

S’il peut comporter quelques rayures, un téléphone reconditionné est normalement en parfait état de marche, mais coûte entre 30 et 60 % moins cher qu’un téléphone neuf. Moins cher encore, il y a les reconditionneurs solidaires : l’entreprise d’insertion Les Ateliers du Bocage a ainsi traité près de 3 millions de smartphones depuis 2006.

Dans cet univers un peu opaque, Back Market est la start-up dont tout le monde parle. Lancée en 2014, cette entreprise est une place de marché qui met en relation clients et usines de reconditionnement. Elle se pose en tiers de confiance, dans un univers où les réticences sont nombreuses. Chez eux, la garantie est de six mois minimum, les appareils sont livrés avec des accessoires neufs, et le service après-vente est réactif. De quoi rassurer les réfractaires.

Prendre soin de ses objets pour les faire durer

Et moi alors ? J’ai bien regardé la location, mais quelques calculs rapides me révèlent qu’en à peine plus de deux ans, je paierais l’équivalent d’un téléphone neuf… Sauf qu’il ne m’appartiendrait toujours pas. Payer un service plutôt qu’un objet, je veux bien… Mais encore faut-il que j’y trouve mon compte.

Aujourd’hui, l’économie de la fonctionnalité (système qui privilégie l’usage plutôt que la vente d’un produit) est intéressante pour des usages occasionnels : par exemple, pour ceux qui n’ont besoin d’une voiture que pour quelques escapades dans l’année. Mais pour les téléphones ? Je demande à voir.

Réparer son grille-pain : Facile ! — Source : Repair Café Bordeaux

Après moult hésitations, j’opte finalement pour un téléphone reconditionné trouvé sur Back Market, qui cinq mois plus tard fonctionne toujours très bien. Ah, et je lui ai mis une coque en silicone, cette fois.

Car ne pas acheter neuf, c’est une chose, mais encore faut-il savoir faire durer ses objets ! Comment prendre soin de son smartphone ? Outre l’indispensable protection de l’écran, l’ADEME recommande de :

• Laisser son téléphone se reposer après une utilisation intense (utilisation d’un jeu, d’un GPS…)

• Ne pas le mettre à charger toute une nuit, et préférer des cycles courts, pour maintenir sa batterie entre 20 et 80 % de remplissage.

• Ménager la mémoire du téléphone en limitant le nombre d’applis installées et en vidant régulièrement ses photos, musiques, etc.

• Protéger le smartphone des variations de température : il n’aime ni le froid glacial ni la canicule !

Et si vraiment votre téléphone est en bout de course, n’oubliez pas, après l’avoir changé, de l’emmener dans un endroit où il pourra être bien recyclé. Je vous explique pourquoi dans le prochain épisode !

Anaelle Sorignet
Passionnée de développement durable, Anaelle a travaillé comme consultante avant de se lancer à son compte comme journaliste et rédactrice spécialisée. Elle a écrit pour Rue89 Bordeaux, We Demain, Bio à la Une, et publie régulièrement des articles sur son blog La Révolution des Tortues, dédié à l’écologie et à la consommation responsable.
Dans le même feuilleton

Du neuf du côté de l'occasion ?

Casser son téléphone, ça arrive à tout le monde. Mais que faire, si l’on ne veut pas en racheter un neuf ? Peut-on le réparer ? Est-ce intéressant de le faire ? Quelles sont les...

Recycler son smartphone

En moyenne, un Français change de téléphone tous les deux ans… Un rythme effréné, qui représente une énorme pression sur nos ressources naturelles. Et ce d’autant plus que la...

Vers l'économie circulaire

Comment pratiquer la sobriété dans une société où tout est fait pour nous pousser à consommer ? Petit à petit, des solutions alternatives à l’achat neuf prennent de l’ampleur....

Écologie : livre ou liseuse ?

En 2018 les ventes de livres numériques ont dépassé pour la première fois le cap des 100 millions d’euros, avec une hausse des achats de 6%. Même si cet usage de lecture reste...

Chastenet & Ellul : l'inflation technicienne

À chaque problème, sa solution. Vraiment ? Dans les années 1950, l’historien, sociologue et théologien bordelais Jacques Ellul mettait en garde contre l’avancement de la...

Ces épisodes pourraient vous intéresser
Obsolescence (dé)programmée

Recycler son smartphone

Recycler son smartphone

En moyenne, un Français change de téléphone tous les deux ans… Un rythme effréné, qui représente une énorme pression sur nos ressources naturelles. Et ce d’autant plus que la...
Reboot

De l'audioguide au vélo : re-cylces

De l'audioguide au vélo : re-cylces

Quand des batteries usagées deviennent un vélo électrique.
On the côte again

Zéro déchet : bye bye plastique

Zéro déchet : bye bye plastique

Alimentation, cosmétiques, ménage… le plastique est partout dans nos vies. Une situation inextricable ? Pas forcément. De plus en plus populaires, les démarches zéro déchets...
Soutenez Revue Far Ouest !

Nous avons besoin de 1 000 nouvelles souscriptions pour continuer à exister.

Découvrir nos offres d’abonnement