La vie des femmes peut s’avérer très compliquée la nuit dans les rues de Bordeaux. Ces dernières se doivent d’être de plus en plus vigilantes malgré elles. Ruelles sombres, quartiers intimidants, comment réagir face à ces attitudes néfastes? Chargée des relations presse et co-créatrice de Stop Harcèlement de Rue, Plaisance Denia est engagée dans cette lutte qui lui est chère. Elle détaille les missions de l’association.
À partir d’où le terme « harcèlement » peut-il être évoqué ?
Selon les principes de l’association, le harcèlement de rue englobe les injures, gestes et regards gênants, voire obscènes. On inclut aussi les agressions ou tentatives d’agressions sexuelles, les attouchements ainsi que les filatures. D’un point de vue plus général, le harcèlement a lieu lorsque qu’une personne est contrainte de subir un comportement qu’elle juge dérangeant, de manière souvent répétitive et sans consentement. Il est néanmoins différent de la drague. On peut se faire draguer et refuser les avances d’une personne. Le harcèlement a lieu si cette personne réitère alors que nous avons exprimé notre non-consentement.
Nous recueillons régulièrement des témoignages de victimes, mais aussi de témoins de harcèlements (environ cinq messages par semaine). Lors de ces confidences, nous retrouvons principalement les approches verbales insistantes souvent suivies d’injures. Il y a aussi énormément de victimes de filature et malheureusement quelques témoignages de victimes de « frotteurisme », d’exhibitions et d’agressions.
En tant que femme, que signifie représenter une association qui se bat contre le harcèlement ?
En tant que femme, mais surtout en tant que citoyenne, je trouve important de lutter pour un espace public où nous pourrions évoluer tranquillement. L’ayant vécu personnellement, je regrette qu’il n’y ait pas eu de telle structure avant à Bordeaux. Je veille cependant à rappeler que nous ne voulons pas d’une lutte « hommes contre femmes », mais d’une lutte menée conjointement contre ce fléau. La majorité des cas sont féminins — environ 80 %, mais il y a aussi 20 % d’hommes.
Quelles méthodes utilisez-vous pour faire parler les victimes ?
Lorsque nous avons lancé notre antenne, nous avons publié un appel à témoignages sur les réseaux sociaux. Nous avons ensuite mené cette enquête sur le terrain, sur les campus ou encore en ville. Le but était de donner la parole aux victimes et témoins de harcèlement de rue afin de faire connaître ce fléau. Nous voulons faire comprendre aux victimes qu’elles ne sont pas seules et que nous souhaitons les aider et les inclure dans nos actions.
La majorité des cas sont féminins — environ 80 %, mais il y a aussi 20 % d’hommes.
Lorsque nous organisons des actions, nous tâchons d’inciter le public à nous faire part de son ressenti et de son vécu, le but étant de créer un réel dialogue et de s’entraider. Enfin, le bouche à oreilles fonctionne assez bien puisque nous recevons des messages de personnes par ce biais.
Organisez-vous régulièrement des manifestations ?
Nous organisons plusieurs manifestations. Sur notre « Parcours d’une victime de harcèlement de rue » par exemple, les bénévoles sont chargés de tenir des pancartes où l’on peut lire les différentes formes de harcèlement de manière chronologique et ascendante. Nous possédons aussi notre « Mur de la Honte », sur lequel nous invitons les personnes à écrire des formes de harcèlement vécues et/ou entendues dans la rue.
Les personnes peuvent aussi choisir d’écrire des phrases d’encouragement et des astuces pour se sortir de situations à risques. Nous organisons aussi un brainstorming au cours duquel il est possible de témoigner d’une situation de harcèlement de rue. Nous avons ainsi pu entrevoir des domaines d’actions pour encourager les témoins à s’impliquer dans la lutte sans prendre de risques.
Enfin, nous mettons à disposition notre « Petit Guide contre le harcèlement de rue » dans lequel nous recensons les différentes formes de harcèlements et différents moyens sécurisés pour se sortir de telles situations — et se faire aider. Nous prévoyons d’organiser encore plusieurs actions pour l’année à venir, notamment une campagne photo visant à sensibiliser au rôle du témoin.
Quelles sont vos stratégies de communication pour sensibiliser les personnes ?
Dans un premier temps, il nous a semblé essentiel de sensibiliser le public en relayant les témoignages reçus par notre association. Ainsi, nous avons construit notre « Petit guide de secours contre le harcèlement de rue » qui nous permettait à la fois de sensibiliser, de faire de la prévention et de donner des astuces pour lutter contre le harcèlement de rue.
Nous avons axé nos actions sur les victimes, nous souhaitons également donner la parole et aider les témoins dans leur rôle difficile. Nos futures actions sont donc en partie autour de la problématique de l’action lorsque nous assistons à une scène de harcèlement. Après avoir participé au débat des Nuits citoyennes de Bordeaux, nous avons également prévu de mettre en place des actions qui permettraient de donner la parole aux hommes bordelais, qui n’osent pas toujours s’exprimer à ce sujet, mais qui vivent également le harcèlement de rue au quotidien.
Nous prévoyons enfin, en collaboration avec la Mairie de Bordeaux et la Délégation régionale au droit des femmes et à l’égalité, de mettre en place des actions plus larges d’un point de vue géographique et qui pourraient impliquer les établissements de la ville de Bordeaux. Nous sommes bien entendu très présentes sur notre page Facebook pour venir en aide ou informer les personnes qui souhaitent nous contacter et nous accueillons tout volontaire avec plaisir dans notre association.
Entretien réalisé en partenariat avec les étudiants en journalisme de l’EFJ.