Muscler le corps et l’esprit : tel est le mantra du chessboxing, un sport qui mêle boxe anglaise et échecs. Trois minutes d’échecs, puis on enfile les gants pour trois minutes de boxe, avant de retourner à notre partie d’échecs, et ainsi de suite.
Vous pensez qu’il est impossible de pratiquer un sport qui mêle les échecs et la boxe ? Eh bien si, c’est parfaitement possible. Et c’est même un vrai sport, avec une vraie Fédération.
À l’origine, le chessboxing vient d’une bande-dessinée. Imaginé par l’auteur Enki Bilal en 1992, il a ensuite été adapté dans la vraie vie par Iepe Rubingh, un artiste nééerlandais, Iepe Rubingh, qui organise en 2003 le premier combat sous forme de performance.
Depuis, le sport s’est structuré, avec ses propres règles : un round d’échecs, puis un round de boxe, avant de retourner à la partie d’échecs, et ainsi de suite. Le sport a même ses compétitions, et on a de la chance : la championne du monde de chessboxing, Lara Amas, vient d’ici, en Gironde.
Un sujet PopEx (France 3 Nouvelle-Aquitaine), incarné par Laurent Target.
C’est quoi le chessboxing ?
C’est un sport hybride, qui alterne partie d’échecs et match de boxe anglaise. Tout se passe dans un ring de boxe. On peut perdre aux échecs, si on se fait matter ou si on perd au temps, et on peut perdre à la boxe, en prenant un KO ou un KO technique, quand l’arbitre estime qu’on est en danger.
Et comment se déroule un match ?
Lors d’une partie, les deux adversaires débutent par un round d’échecs de trois minutes, au centre du ring de boxe. Puis l’échiquier est retiré du ring et les combattants enfilent leurs gants pour un round de boxe de trois minutes. Et ainsi de suite jusqu’au gain de la partie par un échec et mat ou un KO à la boxe.
Comment en es-tu arrivée à pratiquer cette discipline ? Viens-tu de la boxe ou des échecs ?
Je joue aux échecs depuis toujours. Ma mère était championne de France d’échecs et mon père champion national de Roumanie. J’ai grandi dans un camping à Naujac-sur-Mer qu’ils ont créé, et où les principales activités étaient de jouer aux échecs.
J’ai entendu parler du chessboxing via un ami gallois qui m’a parlé de ce sport en 2017. À l’époque, je travaillais à Londres. Je me suis renseignée, et j’ai vu que des combats de chessboxing étaient organisés. Je suis allée à l’un d’eux. Et là, j’ai halluciné : la salle était comble, il y avait 300 personnes, des présentateurs, des combattants… C’était la folie. Je découvre qu’il y a un club à Londres, et je commence comme ça.
Mais comme tu viens du monde des échecs, tu as surtout dû apprendre la boxe, non ?
Complètement. Je me suis mise à m’entraîner à la boxe anglaise, à côté de mes entraînements d’échecs.
Deux ans plus tard, en 2019, ma petite sœur me présente Thomas Cazeneuve, le champion du monde de chessboxing. Là, il me propose de participer aux championnats du monde en Turquie. C’était parti !
Comment se passent les compétitions ? Existe-t-il une équipe de France de chessboxing, aujourd’hui ?
Oui, y a une équipe de France. Nous sommes 11 combattants à être partis au premier championnat du monde en 2019. J’ai gagné une première fois, puis une deuxième en 2022. Et à la fin de l’année, je remettrai mon titre en jeu en Italie.
C’est quoi, les grandes nations de chessboxing ?
Beaucoup d’Indiens jouent, car le président d’Inde est féru de chessboxing. La Russie compte aussi de nombreux combattants, la Turquie, l’Italie, et la France, bien sûr.
Et il existe des clubs en France ?
Oui ! Le sport est en plein développement, il y a actuellement une dizaine de clubs en France.
C’est quoi, ta technique ?
J’essaie de gagner aux échecs le plus vite possible et de survivre à la boxe ! Mais tout le monde a sa technique : les Indiens, par exemple, misent davantage sur la boxe.
C’est quoi, selon toi, les qualités nécessaires pour être une bonne joueuse de chessboxing ? D’ailleurs, on dit “joueuse” ?
On dirait plutôt “combattante”. C’est une question difficile, mais je dirais qu’il faut les qualités des deux sports : être assidue, et surtout, travailler, s’entraîner.
Je pense que ça nécessite aussi du courage. C’est pas facile d’aller à l’entraînement pour se faire taper dessus…
On dit que c’est un sport qui muscle à la fois le corps et la tête. C’est vrai ?
Oui, je trouve. Le chessboxing est très complet, il permet à la fois de se sentir bien dans son corps et dans sa tête. Tout jeune, on se façonne l’esprit à la réflexion, l’anticipation, la stratégie, la concentration, et on apprend à se canaliser avec la boxe. C’est un sport formidable.
Le chessboxing permet aussi un mélange sociologique, entre différentes classes sociales qui ne se côtoiraient pas : il y a des intellos qui font des échecs, et des travailleurs du BTP qui font de la boxe. Ça rend ses lettres de noblesse aux deux sports, à mon sens.
Ce qui est intéressant aussi dans ce sport, c’est sa capacité à devenir un outil de réinsertion, de prise de confiance en soi : je pense qu’on devrait le proposer en prison, dans des écoles (avec des limites, bien sûr)… Ça redonne confiance en soi, c’est un sport parfait pour une meilleure santé physique et mentale.
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