Entre loisir, outil de santé et remède à l’isolement, les jeux vidéo séduisent les seniors. En Nouvelle-Aquitaine, où l’illectronisme touche une personne sur six, ces “joueurs d’expérience” défient les préjugés, joystick à la main.
À Bordeaux et ailleurs en Nouvelle-Aquitaine, les seniors s’invitent dans le monde vidéoludique. 19% des joueurs en France ont plus de 60 ans, loin des clichés de la mamie qui joue au Scrabble sur sa tablette. Derrière leurs écrans, certains enchaînent les combos sur Street Fighter. Décryptage en trois questions d’un phénomène bien réel.
Les seniors jouent vraiment aux jeux vidéo ?
Aujourd’hui, tout le monde joue. Des enfants aux seniors. Mais les plus de 60 ans occupent tout de même une place non négligeable dans l’industrie vidéoludique. Ils représentent pas moins de 19 % des joueurs en France. Mais qui dit une génération différente, dit un usage différent. Contrairement aux jeunes, les seniors jouent en solitaire plutôt qu’en groupe.
Selon une étude du Sell (syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs), les casual games, jeux destinés à des joueurs occasionnels avec des règles simples, sont leurs favoris. Puzzle, Scrabble… Ils aiment jouer à des adaptations de jeux classiques sur leur ordinateur, tablette ou smartphone.
Face à la fracture numérique, la démocratisation des jeux vidéo chez les plus de 60 ans s’avère aussi être un sacré atout.
Ce qui n’empêche pas certains de sortir des sentiers battus. À Bordeaux, Jeannine, pensionnaire dans une résidence pour seniors est championne de Street Fighter, un jeu légendaire de combat. Manettes de PlayStation entre les mains, l’octogénaire confie à France Bleu Gironde que « les combinaisons et les jeux de combat, ça fait travailler les mouvements » et « ça défoule ».
À quoi ça sert de jouer aux jeux vidéo ?
Les jeux vidéo c’est cool. Ça permet de se divertir, mais ça a aussi de nombreux bienfaits. Du côté de la santé, ils permettent de travailler la mémoire et la motricité des seniors. Par exemple, avec les serious games, un type de jeu vidéo qui combine un objectif sérieux avec une démarche ludique, le cerveau est stimulé. Le tout avec une part de divertissement. Ceux basés sur le fitness ou la danse permettent de travailler la coordination et les mouvements des plus âgés. Ils réduisent ainsi les risques de chute.
Enfin, face à la fracture numérique, la démocratisation des jeux vidéo chez les plus de 60 ans s’avère aussi être un sacré atout. En Nouvelle-Aquitaine par exemple, une personne sur six souffre d’illectronisme. Mélange des mots illettrisme et électronique, il caractérise la difficulté ou l’incapacité à utiliser le numérique au quotidien. Et parmi les néo-Aquitains touchés, une personne sur deux est âgée de plus de 75 ans.
Les plus de 60 ans assument-ils de jouer ?
Lorsqu’on parle des jeux vidéo et des seniors, il est important de dépasser l’âgisme bienveillant. « Quand on parle de femmes âgées qui font des jeux de combat ou des jeux d’aventure, et qu’on les appelle les « Mamies à la manette », on ne les prend pas au sérieux, on les regarde de manière surplombante, ce ne sont pas de vraies joueuses », expliquait à Libération, Gabrielle Lavenir, une sociologue dont les jeux vidéo chez les plus de 65 ans est le sujet de recherches.
À force de caricaturer les personnes âgées qui jouent aux jeux vidéo, certains en viennent à cacher leur pratique. « Et comme elles se cachent, on pense que les gens âgés ne jouent pas. C’est un cercle vicieux qui vient renforcer cette superposition de clichés », poursuit la chercheuse. Selon elle, le temps des retraités est constamment surveillé, contrôlé et jugé par les gens autour d’eux. Pour certains, les jeux vidéo ne sont pas considérés comme « culturellement très utiles ». De quoi mettre plus d’un senior mal à l’aise.