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Mercredi 13 novembre 2019
par Laurent Perpigna Iban
Laurent Perpigna Iban
Il travaille principalement sur la question des nations sans états, des luttes d'émancipation des peuples aux processus politiques en cours, des minorités, et des réfugiés. Il est souvent sur la route du proche et du moyen Orient pour son site Folklore du quotidien.

Près de 160 personnes en grande difficulté ont été relogées samedi 9 novembre, dans un ancien EHPAD désaffecté, situé sur la commune de Cenon. Alors que la crise de l’hébergement se poursuit en Gironde, la réquisition de bâtiments vides est réclamée par de nombreux militants et acteurs associatifs. Retour en images sur cette journée.

Les expulsions de squats menées depuis le printemps ont compliqué une situation déjà impossible en Gironde. Alors que les températures baissent et que plusieurs « camps de sinistrés » ont subi de plein fouet les récentes intempéries, les solutions de relogement viennent cruellement à manquer. Les acteurs associatifs, eux, tonnent et revendiquent aujourd’hui la réquisition des logements vides.

Une revendication appuyée par le cadre légal, et plus précisément l’ordonnance du 11 octobre 1945 — complétée par diverses lois depuis — qui permet au représentant de l’État dans le département, après consultation du maire, d’attribuer aux personnes dans le besoin des logements vacants, par voie de réquisition.

Alors qu’en 2018, l’INSEE avançait le chiffre de 2,8 millions de logements vacants en France — dont plus de 22 000 sur Bordeaux Métropole — cette alternative a été adoptée à plusieurs reprises par les autorités : ce fut le cas par exemple lors de l’occupation emblématique d’un immeuble rue du Dragon à Paris en 1995. Mais face au manque de volonté des pouvoirs publics, ce sont souvent des collectifs qui ouvrent les portes de ces refuges, comme ce fut le cas à Cenon samedi. Le photojournaliste Alban De Jong de Macadam Press a suivi cette journée.

À Pey Berland, les militants s'organisent.
Samedi, 12 h 30. Plusieurs points de rendez-vous sont mis en place dans le centre-ville de Bordeaux. À Pey Berland, plusieurs dizaines de personnes sont rassemblées. Toutes attendant de converger vers le lieu, encore tenu secret.
Une famille d'origine mongole attend pour s'installer dans les lieux, devant deux pas de porte du pavillon.
La résidence est composée de différents pavillons. Une famille d’origine mongole attend de s’installer dans l’un d’entre eux.
Des dizaines de personnes regroupées à l'extérieur de la résidence.
Ce sont près de 70 familles qui vont trouver refuge dans ce lieu, aujourd’hui propriété de Logevie.
Plusieurs personnes font la queue pour rentrer dans le squat.
Nombreux sont celles et ceux qui espèrent trouver une place dans la résidence.
Un homme sourit et fait une poignée de main à un autre.
Les résidents prennent place dans leurs murs. Accolades, sourires, poignées de mains sur le pas des portes.
Un père de famille sur le pas de la porte de son lieu de vie.
Un père de famille fait visiter à sa famille son nouveau lieu de vie.
Un bénéficiaire du squat éclairé par un brin de soleil, qui émane de la porte ouverte des toilettes.
Tous et toutes le savent : cette solution de relogement n’est que provisoire. C’est néanmoins un véritable soulagement pour tout le monde.
La police municipale derrière le grillage, face à des militants qui drapent les grippes avec une bâche.
Pendant ce temps, à l’extérieur, la police municipale arrive rapidement sur les lieux. Certains militants drapent les grilles afin de protéger les entrées.
Des personnes portent des matelas pour les faire passer dans le squat.
Dans les bâtiments, c’est la course. Les matelas sont installés rapidement.  
Des membres d'associations présents pour aider à bâtir le squat.
De nombreuses associations sont présentes sur place : Droit au Logement (DAL33), Réseau Éducation sans Frontières (RESF), le collectif Bienvenue et Médecins du Monde.. Phillipe Poutou, ancien candidat du NPA à la présidentielle, est venu apporter son soutien à cette réquisition solidaire.
L'extérieur de la résidence Paul Ramadier, réquisitionné comme squat.
Le lieu est pour l’heure dépourvu de chauffage, d’électricité, et d’eau courante. Mais cette « réquisition » est une première étape vitale pour les reloger : dans les jours à venir, un certain nombre d’acteurs du monde associatif vont se mobiliser afin d’améliorer le quotidien des relogés.

Mise à jour

Le 11 février 2021, à 6 heures du matin, plusieurs autobus affrétés par la Préfecture de la Gironde prenaient le chemin de la Zone libre de Cenon. Le moment est déchirant : en quelques heures, les 300 occupants du squat — dont 110 enfants — sont délogés par les forces de police.

Du côté des bénévoles, la stupéfaction est totale : en plein hiver, à quelques jours d’une vague de froid, et en pleine pandémie, des dizaines de familles sont expulsées de leur refuge. D’autant que les solutions de relogement proposées par les autorités ne sont pas pérennes : comme souvent, plusieurs nuits d’hôtel sont proposées aux délogés, dans des établissements parfois lointains de Bordeaux.

C’est donc inéluctable : les personnes expulsées de la zone libre de Cenon n’auront pas d’autre choix que d’occuper un nouveau bâtiment, dans les plus brefs délais. En Gironde, comme ailleurs, l’histoire est amenée à se répéter. Inlassablement.

Laurent Perpigna Iban
Il travaille principalement sur la question des nations sans états, des luttes d'émancipation des peuples aux processus politiques en cours, des minorités, et des réfugiés. Il est souvent sur la route du proche et du moyen Orient pour son site Folklore du quotidien.
Retrouvez cet article dans le feuilleton :

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