Ils surgissent par centaines dans les actions de blocage ou en tête des manifestations, au milieu d’un épais nuage de gaz lacrymogène. Jeunes et militants, ils parlent du syndicalisme comme d’une œuvre périmée. Pour comprendre ce phénomène mondial qui a également trouvé écho dans les manifestations en Nouvelle-Aquitaine, rencontre avec trois d’entre eux.
On dit de la jeunesse de France qu’elle est désintéressée, dépolitisée, voire résignée. Les centrales syndicales se lamentent de l’absence de renouveau dans leurs rangs, et que dire des partis politiques qui ne parviennent que très peu à les ramener à eux. Pire : l’abstentionnisme chez les jeunes, chaque fois plus important, deviendrait même « une menace pour la démocratie». Les chiffres à l’échelle nationale sont stupéfiants : lors des municipales de juin 2021, le taux d’abstention a atteint 72 % chez les 18-34 ans, selon une estimation Ipsos-Sopra Steria.
Pourtant, il est des changements profonds que personne ne semble vouloir regarder en face. Les faits sont là, sous nos yeux, et les illustrations ne manquent pas. En 2016, la jeunesse a pris le contrôle des manifestations contre la Loi Travail de manière spectaculaire ; en 2018, à Paris, le cortège non syndical à Paris était plus important numériquement que le cortège syndical ; et, à partir de novembre 2018, le mouvement des Gilets jaunes – le plus gros et le plus long mouvement social de ces 30 dernières année – a fait vaciller l’Élysée, en dehors de toute structure syndicale.
Jeunesse enragée
À l’heure des présentations, Chico, Léo et Jennifer, trois jeunes néo-aquitains habitués à défiler en marge des cortèges syndicaux, se montrent peu prolixes. Las d’être dépeints dans les médias, au mieux comme « auto- nomes », « anarchistes » ou « black blocs », au pire comme « membres de l’ultra-gauche » ou « casseurs », ils n’ont que faire d’appellations qu’ils rejettent en bloc. Si tous trois ont des parcours et des visions différentes, ils partagent néanmoins le rejet du capitalisme, de l’État, et de l’idéologie du travail et du salariat. Pour eux, semble importer la stratégie collective : porter haut et fort leurs idéaux révolutionnaires et occuper des premiers rôles trop longtemps confisqués par deux grandes centrales syndicales, aussi puissantes que pyramidales : la CGT et la CFDT.
Ceux qui votent sont complices d’un système dégueulasse, qui pour faire barrage à l’extrême droite intériorise ses idées et les met en pratique.
Une dynamique qui, si elle n’est pas nouvelle – la mouvance « autonome » a soixante ans au compteur –, a fait une réapparition spectaculaire en France depuis plusieurs années.
Alors, comment en est-on arrivés là ? Chico, un Bordelais de 22 ans, est tombé dans le militantisme dès le lycée. « C’était en 2016, à mon sens un véritable point de bascule. » Le gouvernement socialiste de François Hollande venait de passer en force la « Loi Travail », à grand renfort de l’article 49.3.
C’est l’époque de Nuit debout, et des premiers « cortèges de tête » en France : par centaines, des jeunes s’emparent du combat, et entendent défiler en tête des manifestations. Léo, 25 ans aujourd’hui et Bordelais également, était de ceux-là. « Ce sont mes premières manifestations. Pourtant issu d’un milieu de gauche et sensible aux luttes sociales, je voyais les manifestations comme des moments d’ennui collectif. En 2016, il s’est passé un truc. »
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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Tout Reprendre
Ils et elles sont cyclistes, hackeurs, agriculteurs, étudiants, simples citoyens… Ils sont des réfugiés, des gens du voyage, des auteurs à succès ou des travailleurs du sexe non-déclarés. Des explorateurs malgré eux d’une société et de ses contradictions.