En France, le cannabis dédié aux traitements thérapeutiques ou au marché du bien-être suscite les convoitises. Agriculteurs et industriels lorgnent cette culture nouvelle et ses marges exponentielles. Dans la Creuse comme en Charente, des paysans se battent pour garder la main sur cette production et imposer une culture de qualité. À la clé : des revenus décents et un avenir.
Appels, messages, notifications. Son smartphone ne cesse de sonner, de vibrer. Un œil sur ses bêtes, pressé et toujours en mouvement, Jouany Chatoux répond inlassablement. Aux élus, aux journalistes, aux détracteurs, aux investisseurs. Son combat l’accapare comme il préoccupe tout un territoire. Installé à Gentioux-Pigerolles, dans la Creuse, sur le plateau de Millevaches, cet éleveur possède une centaine de bêtes avec plusieurs associés. Pour pérenniser sa ferme bio autant que son métier, ce quadragénaire mise pourtant sur un tout autre produit : le cannabis.
Depuis 2018, Jouany Chatoux s’est progressivement converti à cette nouvelle culture avec un objectif : démontrer la pertinence économique de cette filière capable d’offrir un avenir aux agriculteurs creusois comme au département. « Le Limousin dégage les revenus agricoles les plus faibles de France», avance-t-il. La faute à une faible concentration d’agriculteurs, tournés principalement vers de l’élevage peu rémunérateur, le tout combiné à des terres peu propices aux grandes cultures. « En 20 ans, nous avons tout essayé: les circuits courts, les colis postaux, le restaurant à la ferme…Mais en face, les revenus ne sont jamais à la hauteur. »
Le pari du cannabis thérapeutique
Parce qu’ils ne sont « pas là uniquement pour occuper l’espace», les agriculteurs creusois misent ainsi sur la production de cannabis thérapeutique dédié aux traitements de certaines pathologies comme l’épilepsie, les douleurs neuropathiques ou la sclérose en plaques. En mars 2021, la France lançait officiellement ses premières expérimentations sur l’usage médical des cannabinoïdes et la logistique devant accompagner cette filière nouvelle. Au total, 3000 patients ont été sélectionnés pour cette opération étalée sur deux ans, notamment en oncologie et en soins palliatifs. La Creuse, elle, se tient prête à investir ce futur marché. Infirmier-anesthésiste et président de l’Agglomération du Grand Guéret, Éric Correia a été le premier à défendre cette idée pour son territoire. C’était en 2017, après la fermeture de l’usine automobile GM&S de La Souterraine. Depuis, l’État a donné son feu vert à la Creuse pour y développer « une filière intégrée autour du cannabis à vocation thérapeutique».
Le cannabis représente une voie de diversification avec une forte plus-value. La Creuse a une carte à jouer, elle a même un temps d’avance.
« Nous devons recréer des emplois, dans l’agriculture comme dans l’industrie. Le cannabis, avec son fort besoin en main-d’œuvre, peut nous y aider. Les territoires ruraux sont en train de crever… Laissez- nous une chance, nous devons y maintenir nos jeunes», insiste Éric Correia. Député LREM de la Creuse, Jean-Baptiste Moreau défend lui aussi cette nouvelle filière bâtie autour du cannabis thérapeutique et du chanvre bien-être : « Des régions comme la nôtre ont besoin de diversifier leurs productions. Le Limousin s’est concentré sur le bovin-viande, ce choix nous a conduit dans une impasse. Le cannabis représente une voie de diversification avec une forte plus-value. La Creuse a une carte à jouer, elle a même un temps d’avance. » Le déclic, explique ce parlementaire, s’est produit « en rencontrant des malades» soulagés grâce aux cannabinoïdes. « Leur choix est devenu mon combat. Nous devons rompre avec l’amalgame permanent, le blocage irrationnel qui entoure le cannabis », tranche Jean-Baptiste Moreau, co-rapporteur d’une mission parlementaire sur le sujet.
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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Tout Reprendre
Ils et elles sont cyclistes, hackeurs, agriculteurs, étudiants, simples citoyens… Ils sont des réfugiés, des gens du voyage, des auteurs à succès ou des travailleurs du sexe non-déclarés. Des explorateurs malgré eux d’une société et de ses contradictions.