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Mercredi 3 mai 2023
par Frederick Diot

Considérée comme dépassée, longtemps moquée, la coupe mulet fait son grand retour et a même son championnat d’Europe. Sa deuxième édition, qui s’est tenue en Creuse, récompense le plus beau mulet de l’année. Mais surtout, l’art de se réapproprier les codes de la beauté, sans se prendre au sérieux.

Sur l’un des innombrables champs que compte la Creuse, un petit groupe indique le parking aux premiers arrivants. D’ordinaire, à Chéniers, quelque part entre Châteauroux et Guéret, le calme règne. Aujourd’hui, toutes les télés parisiennes ont fait le déplacement pour le concours de la coupe de cheveux la plus kitsch et décalée: le mulet.

Joseph (à droite) est venu de Bretagne avec son pote Basile. Il explique s’attacher les cheveux pour le travail, mais lâcher son mulet dès qu’il le peut. «La coupe mulet, c’est “business in the front, party in the back”.»

Cette coiffure, qui consiste à avoir les cheveux courts sur le dessus et longs à l’arrière, est un parfait artefact des années 1980. Une mode à l’ascension extrêmement rapide, incarnée par quelques stars de télévision, déraisonnablement déclinée jusqu’à l’épuisement, et maintenant enfermée dans le tombeau du ringard. Pourtant, plus de 500 personnes ont fait le déplacement dans un coin reculé du département pour exhiber le leur. À l’instar des crocs ou des baskets Lidl, les attributs de la coupe mulet, le moche, le beauf, sont aujourd’hui recyclés, réappropriés, et célébrés comme un pied de nez à la beauté.

Guillaume, l’un des organisateurs, est un peu amer. Nous sommes en septembre 2021, et la jauge imposée par le contexte sanitaire limite sévèrement le nombre de visiteurs. Mais après un labyrinthe administratif et la tentation de le transformer en évènement privé, le championnat a finalement pu avoir lieu.

«Dans ma famille, on voyait ça d’un mauvais œil parce que je suis médecin, se souvient Marianne. Mais je me sens trop libre maintenant.»

Ce samedi pluvieux, ils sont plus d’une soixantaine à défiler en arborant fièrement le résultat de plusieurs mois ou années de patience capillaire, dans une ambiance survoltée et bienveillante. Coiffés d’un vrai mulet ou d’une perruque, les concurrents s’affrontent dans quatre catégories côté homme, une côté femme. Et une ajoutée en cours de route : Stef, qui s’identifie comme une femme faisant partie de la communauté LGBTQI+, a voulu défiler en tant que « Mitch the bitch », son dragking. « Quand j’ai demandé à ajouter une catégorie non-binaire, les organisateurs ont accepté. D’autres m’ont dit “c’est trop bien, avec le mulet, on s’en fout du genre”. Est-ce vraiment important de savoir si une personne est un homme ou une femme si on est séduit ? »

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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Tout Reprendre
Ils et elles sont cyclistes, hackeurs, agriculteurs, étudiants, simples citoyens… Ils sont des réfugiés, des gens du voyage, des auteurs à succès ou des travailleurs du sexe non-déclarés. Des explorateurs malgré eux d’une société et de ses contradictions.

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