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Dimanche 3 juin 2018
par Alexandra JAMMET
Alexandra JAMMET
Jeune journaliste, Alexandra écrit régulièrement pour Sud Ouest et Rue89 Bordeaux. Passionnée d'écologie, de surf et de voyage, elle travaille sur des sujets liés à l'environnement et à la société.

8 millions de tonnes de déchets atterrissent dans les océans chaque année. En Nouvelle-Aquitaine, le Golfe de Gascogne n’est pas épargné : 6 248 sacs de détritus ont été récoltés en 2016. Pourtant, des solutions simples existent pour changer nos habitudes et réduire nos déchets.

À Lacanau, ce dimanche matin, ils sont une cinquantaine sur la plage du Lion, armés de sacs poubelles, de gants et de bonne volonté. Le ramassage des déchets est organisé par des étudiants de l’IUT Bordeaux-Gradignan, en partenariat avec l’association Surfrider Foundation. Avant de démarrer la collecte, Jules, l’un des organisateurs, rappelle quelques règles : « on ne ramasse pas les déchets organiques, comme le bois, qui font partie de l’écosystème de la plage, et surtout, on ne monte pas sur la dune ». Les binômes partent avec deux sacs poubelle : l’un pour le plastique, l’autre pour le reste, afin de faciliter le futur tri.

Sur la plage, beaucoup s’étonnent du nombre de microbilles, qui apparaissent par trainées, par milliers. « Le week-end dernier, ils en ont trouvé 12 000 » souffle une participante. Tristement connus sous le nom de « larmes de sirènes », ces bouts de plastiques proviennent généralement des cosmétiques, comme les gommages et autres exfoliants, et des industries qui les utilisent pour fabriquer tous nos objets plastiques. La loi Biodiversité les interdit depuis le 1er janvier 2018.

Une flopée de microbilles de plastique — Photo : Alexandra Jammet
Une flopée de microbilles de plastique — Photo : Alexandra Jammet

« C’est déprimant, on sait qu’on ne ramassera jamais tout, ça ne s’arrête jamais », déplore un père de famille. En effet, la tâche est laborieuse. Je me rends rapidement compte de ce que je ne voyais pas avant : la plage est jonchée de milliers de petits fragments de plastique colorés. Des filets de pêche, des bâtons de sucette, des poches plastiques, et même une poubelle : au total, près de 200 kilogrammes de déchets ont été ramassés en une heure.

Pour beaucoup, le ramassage était une première fois. Si chacun est fier de l’effort accompli, tous repartent avec un sentiment frustration. Le constat est alarmant. Je décide de contacter Surfrider Foundation pour en savoir un peu plus sur la présence de ces déchets sur nos plages. D’où viennent-ils ?

« 80 % des déchets proviennent de l’intérieur des terres, ils ont été transportés par des cours d’eau, par le vent. Il y a aussi les tout petits déchets qui ne sont pas filtrés par les stations, explique Yann Leymarie, responsable du bureau aquitain. Le reste vient de la mer (10 %), des bateaux de pêche par exemple ou de la plage (10 %), ce que les gens laissent derrière eux. » Il me conseille de jeter un coup d’œil aux bilans environnementaux réalisés chaque année par les équipes des Initiatives Océanes, un programme de sensibilisation et d’actions pour résoudre la problématique des déchets aquatiques. En 2016, ses membres ont catégorisé les détritus retrouvés sur les plages françaises :

bilan environnemental 2016 des Initiatives
Source : bilan environnemental 2016 des Initiatives

Quel danger représentent ces déchets ? « À la fois un risque humain, de blessure, de pollution, de maladies, mais aussi des risques pour la faune animale, les gros mammifères peuvent se bloquer dans des déchets dérivants ou ingérer ces déchets, raconte Yann. Les oiseaux notamment remplissent leur estomac de plastique, mais ils ne vont pas les digérer et croire qu’ils n’ont plus faim et ils vont mourir affamés. Les déchets qui coulent vont asphyxier le fond de l’océan et les nutriments qu’il contient, tous les petits planctons qui se nourrissent de nutriments disparaissent, ça remonte ensuite la chaine alimentaire, il y a de moins en moins de nourriture. »

Selon le responsable de Surfrider, on ne sait pour l’instant pas nettoyer le fond des océans. « On voit beaucoup d’opérations de nettoyage de l’océan, avec des bateaux ou des bouées, très médiatisées, mais c’est seulement en surface. Alors que 90 % des déchets finissent au fond des océans ». Il raconte alors une anecdote saisissante : « un ami officier de la marine marchande m’a dit que les sous-mariniers, pour savoir quand ils vont toucher le fond, écoutent le bruit du plastique écrasé par leur sous-marin. »

Dans le Golfe de Gascogne qui borde la Nouvelle-Aquitaine, les Initiatives Océanes ont recensé cinq principaux déchets :

Top 5 des déchets collectés
Source : bilan environnemental 2016 des Initiatives

« En nombre, c’est le mégot qui revient le plus souvent, pour plusieurs raisons : c’est petit, léger », souligne Yann. 14 161 mégots en 2016. Je crois me souvenir qu’il existe des plages où fumer est interdit. Une rapide recherche me le confirme : en France, 47 plages interdisent la cigarette. Je tique. En Nouvelle-Aquitaine, il n’y en a que 3 : la plage du Vieux-Port à Biarritz, la plage du Prévent à Capbreton et depuis l’an dernier, la plage du Pigeonnier à Royan.

Pourquoi y’en a-t-il aussi peu ? Je m’empresse de contacter la Ligue contre le Cancer, à l’origine de ce label. Leur réponse est sans appel : les mairies sont plus frileuses en Nouvelle-Aquitaine qu’en Méditerranée à interdire la cigarette à la plage. Tout simplement aberrant.

Tout le monde peut réduire ses déchets

Si les collectivités n’agissent pas, chacun peut à son échelle réduire le contenu de ses poubelles, et adopter des réflexes zéro déchet. La bordelaise Aurélie, du blog Les agités du bocal, confirme : « Le fait de changer ses habitudes peut faire peur, mais en réalité, le zéro déchet, ce n’est pas compliqué ! Il existe beaucoup d’alternatives aux produits jetables, il suffit de les connaître et de prendre conscience de notre impact, ensuite, tout roule ! »

Quelles sont les alternatives aux déchets les plus retrouvés sur la plage ? « Pour les mégots, les fumeurs doivent apporter un cendrier de poche ou s’abstenir de fumer sur la plage, raconte Aurélie. Les gens ont l’habitude de jeter à la volée leur mégot, dans la rue, sur la plage, à la montagne. Il faut qu’ils se responsabilisent et qu’ils se rendent compte des conséquences de ce geste sur l’environnement. »

La récolte est « fructueuse » : 200 KG de plastiques ramassés en une journée — Photo : Alexandra Jammet

La blogueuse, qui n’a pas acheté de boisson en bouteille plastique depuis plus de deux ans, conseille d’utiliser une gourde en inox. « Je bois l’eau du robinet, elle me suit partout et dure des années ! » Au niveau alimentaire, elle préconise d’utiliser des boites en verre pour transporter son pique-nique à la plage. « Si besoin d’emballer un sandwich, on peut utiliser du film alimentaire à la cire d’abeille, à acheter ou mieux, à fabriquer soi-même ! ».

Quand elle se rend à la boulangerie, c’est toujours avec son sac en tissu, pour y accueillir du pain et des chocolatines, en précisant au vendeur qu’elle ne souhaite pas le papier qui entoure sa baguette. « De plus en plus de commerçants acceptent qu’on vienne avec nos contenants, sauf les hypermarchés qui sont plus frileux. Je conseille donc de les éviter et d’aller directement chez le fromager, le boucher ou au marché. On crée ainsi du lien en faisant du bien à la planète. »

Pour développer l’idée, l’association Zéro Waste Bordeaux, créée il y a quelques mois, a déjà lancé une campagne « Mon commerçant zéro déchet ». Le but ? Aller à la rencontre des commerçants, les informer sur la possibilité d’accepter des contenants propres, et s’ils acceptent, leur offrir un sticker à coller sur leur devanture. Dans la région, le mouvement prend progressivement de l’ampleur. De nombreux médias nationaux ont mis en lumière la « Famille zéro déchet » installée à Soorts-Hossegor dans les Landes, qui tient régulièrement des conférences et publie des livres sur le sujet.

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Suivez le sticker — Photo : Alexandra Jammet

« Le problème, c’est que l’océan c’est le bout de la course pour tous ces déchets. Si 10 % des déchets environ stagnent à la surface de l’eau, le reste plonge au fond de l’océan », rappelle Yann. Et entraîne forcément une sacrée pollution de l’eau, non ? C’est ce que je chercherai à savoir dans la dernière étape de mon road trip, direction la Charente-Maritime.

Alexandra JAMMET
Jeune journaliste, Alexandra écrit régulièrement pour Sud Ouest et Rue89 Bordeaux. Passionnée d'écologie, de surf et de voyage, elle travaille sur des sujets liés à l'environnement et à la société.
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