Raymond Blet est avocat à la retraite. Après avoir opéré bénévolement dans la jungle de Calais, il conseille les migrants, les sans-abris et les associations de Bordeaux sur leurs droits. Alors que la Préfète de Bordeaux multiplie les expulsions de squats depuis sa prise de fonction, Raymond Blet nous explique le flou juridique qui entoure les actions et les obligations de la Préfecture.
Photo de couverture : Alban Dejong
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Découvrir nos offres d’abonnementVendredi 2 octobre 2020, un des plus grands squats de l’agglomération bordelaise — abritant 400 habitants selon Médecins du Monde, 150 selon les autorités — était évacué manu militari par les forces de l’ordre. Si la Préfecture de la Gironde assure que toutes les personnes qui le souhaitaient ont pu être relogées — un total de 29 personnes —, des dizaines de familles sont, plusieurs jours après, toujours en déshérence.
Alors que l’Assemblée nationale votait récemment en première lecture un nouvel amendement anti-squat, Revue Far Ouest vous emmène à la rencontre de Raymond Blet. Cet avocat retraité, qui a repris du service bénévolement en 2016 dans la jungle de Calais, conseille désormais migrants, sans-abris et associations.

La récente évacuation du squat de la rue Lajaunie, un énième épisode du drame humanitaire qui se joue en Gironde ?
C’est une évidence. Mais avant toute chose, il faut s’entendre sur ce mot, « squat », et définir ce qu’il y a derrière : on parle essentiellement d’immeubles désaffectés voués à une promotion immobilière, ou tout simplement à la destruction. Il y a également quelques cas de maisons individuelles, qui sont totalement inoccupées. Mais dans l’immense majorité des cas, ces lieux appartiennent à des collectivités, pas à des individus. C’est pour moi une évidence, tant que la propriété privée existera, il y aura des squats.
L’image vivace du squatteur qui profite des vacances pour investir le domicile de particuliers parasite le débat ?
Bien sûr. On joue sur les peurs : deux ou trois cas d’occupation récente de biens privés ont été surmédiatisés. Cela a provoqué une large indignation, ainsi qu’un réflexe de peur chez de nombreux propriétaires. Mais il faut être clair : ce scénario d’une famille qui part en vacances et qui retrouve sa maison squattée à son retour est rarissime. Il faut ajouter à cela que dans le cadre de l’occupation d’un bien immobilier qui est habité, une solution très rapide est possible : il suffit de saisir le juge des référés, il y a des voies de droit à la disposition des propriétaires. Mais, encore une fois, nous parlons de quelque chose de très exceptionnel.
Pouvez-vous nous faire un rappel à la loi sur les solutions relogements censées être proposées après la fermeture d’un squat ?
En préambule, il convient de rappeler que les lois donnent toujours la priorité à la propriété privée. Le droit de propriété est un droit constitutionnel, alors que le droit au logement est considéré par le Conseil constitutionnel comme un objectif. Et il n’y a pas d’obligation de résultat sur ces questions de logement ou de relogement, c’est une obligation de moyens. La nuance est importante.
D’un autre côté, quelques circulaires ont vu le jour, non pas pour défendre les squats et l’occupation illicite, mais pour accorder des droits aux squatteurs. Car si ces derniers s’introduisent de manière durable dans une propriété qui n’est pas la leur, ils y sont toutefois domiciliés. Ces circulaires indiquent donc que l’État doit tenir compte de cette situation, et c’est là toute la problématique liée à l’expulsion des squats.
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