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Mercredi 3 mai 2023
par Amandine Sanial
Amandine Sanial
Journaliste souvent, photographe parfois, Amandine a collaboré avec Télérama, M le magazine du Monde ou encore Rue89 avant de couvrir l’actualité police-justice pour une agence de presse à Paris. De retour d’un long voyage à travers l’Europe, l’Asie centrale et l’Inde, elle a posé ses valises dans le Sud-Ouest.

Sociologue et économiste, Bernard Friot veut en finir avec la vision capitaliste du travail. Nous l’avons rencontré lors de sa venue à Bordeaux en juin 2021, dans le cadre du festival « Chahuts ». Résolument communiste, il milite pour l’instauration d’un « salaire à vie», dont chacun bénéficierait de sa majorité à sa mort. Un moyen selon lui de déconnecter salaire et emploi, tout en réduisant les inégalités.

Qu’est-ce que c’est que le travail, selon vous ?

Pour moi, le travail a deux versants. Il faut distinguer le travail concret du travail abstrait. Tondre la pelouse, faire la cuisine, aller chercher ses enfants à l’école, par exemple, c’est un travail concret. Ce travail concret produit des valeurs d’usage, c’est-à-dire que les biens et les services que nous produisons vont servir. Le capitalisme, à l’inverse, est basé sur du travail abstrait: l’utilité de ce qu’on produit importe peu. D’autres critères entrent en compte, comme la rentabilité, la maximisation du profit, ou la gestion de délais.

Cette conception capitaliste fausse notre rapport au travail. Dire « je cherche du travail », par exemple, cela sous-entend que l’on ne fait rien. En réalité, ceux qui cherchent du travail font en permanence des activités productrices de valeurs d’usage, ils travaillent donc en permanence. Mais puisque leur travail n’est pas considéré comme productif, ils ne sont pas rémunérés.

Pour vous, le travail tel qu’on le connaît ne se définirait donc pas par la nature de ce que l’on fait, mais par une convention sociale ?

Exactement. Le travail productif tel qu’il est défini par le capitalisme est indifférent de la nature de ce que l’on fait. Selon cette logique, n’importe quoi peut être ou ne pas être du travail. Par exemple, faire une dictée chez soi pendant le confinement est considéré comme une activité ; en revanche, quelqu’un qui a été formé à la pédagogie et qui inclut la dictée dans un programme, c’est du travail. Dans les faits, l’activité est la même. Mais dans un cas, ce n’est pas productif et dans l’autre, si. Ce n’est pas la nature de l’activité qui définit s’il s’agit de travail ou non, c’est le but dans lequel on le fait.

Tout pourrait donc être considéré comme du travail ?

Oui, mais ce n’est pas souhaitable. Il faut absolument qu’une part de nos vies ne soit pas dictée par la loi de la valeur économique, mais qu’elle reste de l’ordre du gratuit, du symbolique. Il est donc essentiel que tout ne soit pas considéré comme du travail. Garder ses enfants, les emmener manger une glace, réparer un meuble: ces activités non soumises à des questions de rémunération doivent le rester.

Quel est le problème avec la vision capitaliste du travail ?

Le principal problème est que dans le système capitaliste, toute l’organisation du travail est mise au service de la rentabilité du capital. Et ce, quel que soit l’effet écologique, anthropologique, ou l’utilité sociale de ce qui est produit. Un capitaliste vend un jour des sardines, le lendemain des logiciels, indifféremment, pourvu que ça rapporte. Dans un système capitaliste comme le nôtre, on ne travaille pas pour produire des biens et services, mais pour travailler. On produit de la valeur pour produire de la valeur.

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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Tout Reprendre
Ils et elles sont cyclistes, hackeurs, agriculteurs, étudiants, simples citoyens… Ils sont des réfugiés, des gens du voyage, des auteurs à succès ou des travailleurs du sexe non-déclarés. Des explorateurs malgré eux d’une société et de ses contradictions.

Amandine Sanial
Journaliste souvent, photographe parfois, Amandine a collaboré avec Télérama, M le magazine du Monde ou encore Rue89 avant de couvrir l’actualité police-justice pour une agence de presse à Paris. De retour d’un long voyage à travers l’Europe, l’Asie centrale et l’Inde, elle a posé ses valises dans le Sud-Ouest.
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