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Jeudi 20 décembre 2018
par Clémence POSTIS
Clémence POSTIS
Journaliste pluri-média Clémence a pigé pour des médias comme NEON Magazine, Ulyces, Le Monde ou encore L'Avis des Bulles. Elle est également podcasteuse culture pour Radiokawa et auteure pour Third Éditions.

Noël avant toute chose est une fête pour les enfants. Comment réussir à leur faire plaisir tout en respectant la Planète ? Avec deux neveux et une nièce, je relève le défi de lutter contre mes pulsions consuméristes et mes mauvaises habitudes. Avec plus ou moins de succès…

Noël, avant toute chose, est une période pour les enfants. Nous aimons Noël grâce à nos bons souvenirs d’enfance : les cadeaux trop bien choisis pour être vraiment ceux du père Noël, les belles décorations et les dessins animés l’après-midi avec un Cacolac.

Mes convictions écologiques, trop récentes pour avoir été vraiment malmenées, se heurtent au mur de l’enfance. Comment expliquer à mes neveux et nièces qu’il faut éviter le plastique et la surconsommation ? Tout comme moi au même âge ils sont émerveillés devant les emballages qui brillent sous le sapin le matin de Noël.

Les Pokémons

Un de mes neveux de 8 ans a glissé à l’oreille du père Noël qu’il avait envie de jouer à Pokémons. Nous parlons souvent de l’empreinte écologique des smartphones, mais assez peu de celle des consoles. L’obsolescence programmée semble les avoir épargnés : vous pouvez aujourd’hui jouer sans problème avec une console qui a passé les vingt ans de vie.

Mais soyons logiques. Les matériaux pour les processeurs sont quasiment les mêmes que pour un ordinateur. De l’or, du tungstène… Des terres rares, ces métaux extraits à grands frais écologiques et qui détruisent l’environnement en Chine ou sur le continent africain.

Comment j’explique ça à un enfant de 8 ans ?

Et que dire de la consommation d’électricité engagée ? À l’automne 2018, plusieurs chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory ont publié une étude sur la consommation électrique des jeux vidéo. À l’échelle mondiale, nos parties de Red Dead Redemption utilisent 75 térawattheures par an. Soit l’équivalent de l’énergie produite pas 10 réacteurs nucléaires. Comment j’explique ça à un enfant de 8 ans ?

Je me souviens, en 1998, avoir reçu à Noël ma GameBoy Color avec le jeu Pokémons Rouge. Ce réveillon est resté comme le meilleur Noël de mon enfance. Je me souviens des heures passées, en solitaire ou avec mes amies, à arpenter le monde merveilleux des Pokémons. Je me vois mal expliquer à mon neveu que, pour l’environnement et pour l’éduquer à la déconsommation, je vais plutôt lui offrir un livre qu’une 3DS.

Ne vous trompez pas : je lis autant que je joue, et cela depuis toujours. Mais puis-je priver un enfant d’un cadeau que j’ai moi-même reçu au même âge ? Et que je continue de recevoir à chaque anniversaire ? De ce côté-là, mon ambition écologique abandonne. Il aura une 3DS et Pokémons Rubis Omega.

Je limite cependant les dégâts en privilégiant une console et des jeux d’occasions achetés dans un magasin indépendant de Bordeaux.

Ce que j’aurais pu faire

• Cet été, mon neveu s’est découvert une passion pour Roald Dahl (Charlie et. La Chocolaterie, Mathilad…). J’aurais pu lui offrir un livre, acheté dans une librairie indépendante. Contrairement aux idées reçues, l’industrie du papier n’est pas une catastrophe écologique ambulante. Selon un rapport de la Confédération des industries européennes du papier (CEPI) en 2011, « l’industrie papetière a réduit de 40 % ses émissions de CO2 par tonne de papier produite par rapport à 1990 ». 70 % de nos livres sont faits de papier recyclé.

• Lui offrir une « expérience ». Lui qui adore les chevaux par exemple, aurait sans doute adoré un stage de poney dans un centre équestre.
Un jeu de société autour du potager. Je l’ai repéré sur le blog La Révolution des tortues : mon neveu aurait pu colorier les légumes et s’initier au rythme des saisons en plantant ses graines dans le jardin de ses parents.

Le Doudou

Je tourne mes espoirs écologiques vers ma nièce. Elle vient de fêter ses deux ans. S’il y a bien un domaine sur lequel nous ne sommes pas bien regardants, c’est bien l’industrie des jouets. Nous nous assurons juste qu’ils ne sont pas toxiques et que notre mini-humain attitré ne s’étouffera pas avec une pièce détachée. En 2017, le marché du jouet générait 78 milliards d’euros dans le monde et 75 000 tonnes de déchets en France.

Ne soyons pas surpris : qui n’a jamais pesté face à l’emballage de la maison de Barbie, ses multiples sachets, et ces maudits bidules en plastique et en ferrailles qui retiennent tous les éléments dans la boite. Le tout pour une durée d’amusement d’une dizaine de mois.

Je me dis qu’à deux ans, si je fais un cadeau pourri à ma nièce, elle ne s’en rappellera jamais. Sa mère en revanche…

Cette dernière m’offre sans le savoir une porte de sortie absolument parfaite. Ma nièce multiplie les allers-retours entre Paris et Bordeaux, pour les vacances et les week-ends chez Papi et Mamie. Son doudou, M. Lapin, prend des risques énormes à chaque trajet, et a manqué disparaître dans les limbes des aéroports bien souvent.

Et si ma sœur me faisait payer sur plusieurs générations l’affront d’offrir un jouet d’occasion ?

Il s’avère que j’ai quelques bases bienvenues en couture. Si à dix-huit ans j’étais capable de me coudre des robes d’été, je dois pouvoir coudre un doudou en forme de lapin dans une vieille taie d’oreiller. À noter que nous sommes à 4 jours de Noël et que je n’ai toujours pas touché à ce doudou.

Star Wars

Reste mon dernier neveu. Cinq ans, rêve un jour de devenir Stormtrooper. Je vous promets que je n’y suis pour rien. À quatre ans, il m’a tenu un long discours pour m’expliquer qui était le plus puissant entre Obi Wan, Dark Vador et Dark Maul. Lui trouver un cadeau qui lui fera vraiment plaisir n’est ainsi pas compliqué. Cela fera aussi plaisir à la multinationale Disney et aux producteurs de plastique.

Au fil de mes recherches sur internet, une idée me vient. Non, pas celle de lui fabriquer un Faucon Millenium, j’ai déjà épuisé mes ressources créatives pour le doudou de ma nièce. Le jouet d’occasion surgit comme un messie. J’achète bien mes livres, mes vêtements et mes meubles d’occasion, autant pour l’écologie que pour mon portefeuille. Alors pourquoi pas pour mon neveu ? Mon cerveau bien nourri au marketing bloque.

Un jouet d’occasion ? Mon neveu n’aurait même pas un joli emballage floqué aux couleurs de Star Wars ? On notera ici que l’emballage est typiquement ce que j’essaie d’éviter. Pourtant, son absence me gêne soudain terriblement. Et si j’avais l’air radine ? Et si ma sœur me faisait payer sur plusieurs générations l’affront d’offrir un Jedi d’occasion à sa précieuse progéniture ?

Je décide de prendre mon courage à deux mains, et de fureter sur Le Bon Coin pour trouver un cadeau Star Wars. Ne parlions-nous pas du Faucon Millenium ? Il y en a un magnifique, à moitié prix, à construire en Lego qui me tend les bras à 50 km de chez moi.
Curieuse, de retour avec mes petites pièces en plastiques dans les mains, je décide de calculer le bilan carbone de ce petit trajet. Avec presque 20 kg de CO2 dépensés pour mon aller-retour en voiture, je ne suis pas sûr d’avoir bien géré mon défi.

Ce que j’aurais pu faire

• Acheter un cadeau made in France. Seulement 7 % de nos cadeaux sont fabriqués sur notre territoire. Selon une infographie QQF, 85 % des jouets commercialisés dans l’Union européenne sont produits en Chine. La célèbre marque Smoby a investi 30 millions d’euros dans ses usines du Jura pour se relocaliser en France. Les grandes enseignes spécialisées comme Toys’r’us ou JouéClub proposent de plus en plus de jouets made in France. Sinon, des sites comme JeuJouethique proposent des jouets pour tous les âges et tous les budgets.

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Clémence POSTIS
Journaliste pluri-média Clémence a pigé pour des médias comme NEON Magazine, Ulyces, Le Monde ou encore L'Avis des Bulles. Elle est également podcasteuse culture pour Radiokawa et auteure pour Third Éditions.
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